Élection en Tunisie: Circus politicus
Les chapiteaux sont installés, le spectacle commence, partout le circus politicus bat son plein. Fauves et dompteurs, trapézistes et jongleurs, zorros et femmes fatales, trompettistes et danseurs, saltimbanques et clowns, magiciens et farceurs, top model et jeunes premiers sont à l’œuvre. Le public, familles avec parents et enfants, est là, prêt à s’émerveiller, cherchant à s’amuser. Les jeunes ne boudent pas leur plaisir. Chacun réclame sa part du show.
Dans les convois formant un cercle autour du chapiteau, les camions animaliers avec leurs cages sécurisées bruissent des rugissements et autres cris de bêtes. L’animalerie mérite attention. Les lions ont faim, veulent de la viande à dévorer, les tigres sont prêts à résister à leurs maîtres et leur sauter au cou, les éléphants remuent la queue pour chasser des mouches, les singes, sautillant, ne tiennent pas à leur place, les chevaux s’entraînent à la musique pour danser et se lancer en rodéo. Cliquettement de fouet, feu à blanc.
Les caravanes réservées aux artistes sont en effervescence : chacun porte son uniforme de spectacle, l’ajuste, se maquille, vérifie les derniers détails et attend fébrilement son heure de gloire pour se lancer dans le jeu de la séduction.
De vieux clowns, anciennes stars devenues, avec l’âge, des têtes à claque, ou placeurs et vendeurs de glace, sont encore de service. Quant aux vrais patrons, ils se frottent les mains en espérant jouer à guichets fermés. Jeunes loups et vieux briscards tirent les ficelles, en vendant du show, de l’émotion, de la frayeur, du rire, de l’illusion. L’essentiel est d’amuser les bambins et de soutirer de l’argent à leurs parents retombés dans l’enfance.
Dans les rues, les affiches aux couleurs vives annonçant l’arrivée du cirque sont collées à tout bout de champ. Les voitures surmontées de haut-parleurs et chargées de saltimbanques rabattent les chalands. D’une voix nasillarde, les bonimenteurs promettent le jamais-vu, les combats acharnés et des bêtes de cirque exceptionnelles.
Majorettes, drapeaux, confettis, paillettes, fanfares en tous sons et flots de promesses: ainsi va la campagne électorale qui a démarré en ce début de septembre. Pour ne plus s’arrêter d’ici trois mois, avec ses séquences présidentielles, 1, ce 15 septembre (et le plus probablement un deuxième tour fin octobre ou début novembre), puis législatives, le 6 octobre.
Overdose garantie. A l’extase des premiers jours se substituera rapidement, au moins, l’indifférence. Fausses vedettes démasquées, discours et promesses inaudibles. Lassitude et désenchantement finiront par s’emparer du public. Les chapiteaux seront désertés. Les lampions s’éteindront. Les gens du cirque plieront bagage, rallumeront les moteurs de la caravane et iront poursuivre ailleurs leur chemin, en espérant rejouer leur spectacle.
Taoufik Habaieb