Tunisie : Un bilan économique 2016-2019 peu flatteur
Par Taïeb Houidi - Contrairement à toutes les déclarations rassurantes sur le futur proche et à toutes les dénégations sur le dépérissement de la situation économique, celle-ci est bien plus préoccupante que certains ne veulent le faire paraître. Quelques indicateurs officiels sont exposés ci-après, issus de l’Institut National de la Statistique et de la Banque Centrale de Tunisie et qui ne peuvent souffrir d’aucune controverse:
Croissance du PIB
1,1 en 2016 ; 1,9 en 2017 ; 2,5 en 2018 (INS). La croissance du PIB a atteint 1,1% en glissement annuel au 1er trimestre de 2019, contre 2,7% au cours de le même période de 2018. Les prévisions de croissance pour l'année 2019 ont été́ révisées à la baisse (BCT).
Inflation
- L'année 2018 s'est clôturée avec un taux d'inflation de 7,5% (6,4% en 2017, 4,2% en 2016)
- Au cours du premier semestre de 2019, l’inflation moyenne s’est établie à 7% contre 7,2% à la même période de l’année précédente. Une «Amélioration» à peine sensible, lorsqu’on sait que le niveau reste très élevé
- L’inflation sous-jacente hors produits frais et encadrés : 7,6% en juin 2019
Déficit budgétairede l'Etat
- 5,452 MDT en 2016, soit 6% du PIB, 5,05 en 2018, soit 4,8% du PIB grâce à des ponctions fiscales importantes sur les entreprises et les ménages, freinant en contrepartie l’investissement le pouvoir d’achat et les besoins de financement, donc la croissance
- 2,445 MDT à fin juin 2019 contre 1,755 milliard DT sur la même période de 2018 (+39,3%)
Déficit courant
- 8,119 milliards DT(9% du PIB) en 2016 contre 7,552 milliards, (8,9% du PIB) en 2015.
- 10,7 milliards DT (10,1% du PIB)fin nov. 2018, contre 9,2 milliards à fin nov. 2017 (9,6% du PIB)
- La BCT parle pudiquement d’un « élargissement du déficit courant au premier semestre 2019.
Ajoutons à cela plus de 20 MDT de déficit commercial prévu pour 2019, contre 12,6 MDT en 2016…
Balance commerciale
- 12 MDT en 2015; 12,6 en 2016; 15,6 en 2017; 19,0 en 2018 et probablement plus de 20 en 2019
- 9,78MDT durant le premier semestre de l’année 2019, contre 8,16 MDT au cours du premier semestre de 2018. Soit une hausse de 59% en 3 ans !
Dette publique
- 55,9 MDT en 2016 (61,9% du PIB); 68,07 MDT en 2017 (69,9%); 76,1 MDT en 2018 (71,6%).
- 82,6 MDT à fin juin 2019, contre 72, 4 MDTsur la même période de 2018
- 26,7 MDT de dettes supplémentaires auront été contractées entre 2017 et mi 2019. Ce chiffre approchera 30 milliards fin 2019, une augmentation de 54% par rapport à 2016
Dévaluation du Dinar
- Taux de change Septembre 2016 : 1 dollar US = 2,19 DT 1 Euro = 2,47 DT
- Taux de change Août 2019 : 1 dollar US = 2,86 DT 1 Euro = 3,20 DT
Le Dinar a perdu 30% par rapport a ces principales monnaies depuis Septembre 2016
Avoirs nets en devises
- 12191 MDT au 30/11/2016 (BCT), soit 107 jours d’importation.
- 13.974 MDT et 84 jours, à fin décembre 2018.
- 12.959 MDT fin juin 2019 (73 jours d’importation); Une forte détérioration depuis 2016
Il est juste besoin de lire avec un peu d’attention, pour constater que quasiment tous ces indicateurs évoluent négativement. La Tunisie est malade de son économie, de sa mal gouvernance, de ses apprentis sorciers, des fausses inaugurations, des faux projets nouveaux et des engagements non tenus. Le déni est pourtant là : «le pays a été sauvé de la banqueroute» (on ne saisit pas par quelle initiative céleste cela a-t-il été réalisé); «les indicateurs s’améliorent» (alors qu’ils se sont plutôt dégradés par rapport à mi-2016); «les dissensions et les manœuvres politiques nous ont empêché de travailler» (archanges étrangers à ces manipulations), Et là, je ne parle pas de toutes les errances politiques ni des drames sociaux, qui ont ponctué cette période, notamment ceux des retraités, des ouvriers et petits employés, dont le pouvoir d’achat a été réduit au moins du tiers en trois ans…« Je cherchais mon plus lourd fardeau, c'est moi que j'ai trouvé » disait Nietzsche...
Depuis le début de l’année, les tunisiens assistent, ahuris et désespérés, à des manifestations, des plateaux télé, des discours, où des aphorismes aussi pompeux que juvéniles les étourdissent de réalisations inexistantes et de promesses éthérées. «Sans nous, le pays s’effondrera», entendent-ils de plus en plus souvent, à travers des messages directs ou subliminaux. Mais la Tunisie se perd depuis, car ne sait pas conduire qui veut un pays dans ses dimensions politiques et socio-économiques si complexes. "A celui qui ne sait pas vers quel port il navigue, nul vent n’est jamais favorable" écrivait aussi Sénèque.
Taïeb Houidi