Abdelkrim Zbidi: Un parcours du combattant
Article paru sur Leaders en janvier 2018
La désertion n’est pas dans ses gènes, lorsque le devoir l’appelle. S’il avait décliné depuis son départ du ministère de la Défense nationale, en mars 2013, nombre de postes qui lui étaient proposés, Abdelkrim Zbidi ne pouvait qu’acquiescer cette fois à la proposition du président Béji Caïd Essebsi. En bon soldat! «Monté» de Sousse au Palais de Carthage, fin août dernier, il appréhendait pour la première fois cette ultime audience avec le président de la République qu’il connaissait déjà de longue date, avait travaillé à ses côtés en 2011, et s’est senti en grande confiance et proximité intellectuelle avec lui. Renoncer à la quiétude de sa douce retraite et se remettre au créneau n’est pas une sinécure pour cet illustre scientifique, médecin physiologiste, ancien doyen de la faculté de Médecine de Sousse (2005 - 2008) et président de l’Université du Centre (1994 - 1999).
Sous le feu nourri des épreuves
A 67 ans, ce ne sont pas les lambris dorés de la République et les postes ministériels qui risquent de le séduire. Ancien secrétaire d’Etat, puis ministre de la Recherche scientifique et de la Technologie (1999 - 2000), avant de devenir ministre de la Santé en 2002, il a déjà donné pour la Tunisie. Pas assez, puisqu’il sera fortement sollicité au lendemain de la révolution pour prendre le commandement, le 27 janvier 2011, du ministère de la Défense nationale. Se rappeler dans quelles conditions il avait pris ses fonctions, alors que la Tunisie, déjà à feu et à sang, était plus encore dans l’œil du cyclone, confrontée à la chute du régime de Kadhafi, suffit pour réaliser l’ampleur du courage qu’il lui fallait et la droiture dont il avait fait preuve pour que l’armée joue pleinement un rôle républicain exceptionnel de stabilisation du pays et de sa sécurisation. Tenir en toute transparence les élections de 2011, assurer la passation pacifique du pouvoir à la Troïka et garantir l’organisation des examens scolaires, sans oublier la gestion des flux d’immigrants fuyant la Libye et le million de Libyens réfugiés en Tunisie, l’attelage mis en place sous la présidence intérimaire de Foued Mebazaa par Béji Caïd Essebsi, alors Premier ministre, s’appuyait fortement sur le tandem Habib Essid à l’Intérieur et Abdelkrim Zbidi à la Défense.
Protéger... l’armée
Rarement la synchronisation entre les deux ministères n’aura été aussi totale. A tel point que la Troïka hissée au pouvoir insistera fortement pour les reconduire tous les deux dans le gouvernement Hamadi Jebali, le 26 décembre 2011. A la demande des différentes parties concernées, Essid acceptera de demeurer quelques mois encore en tant que conseiller spécial auprès du chef du gouvernement à la Kasbah et Zbidi à la tête du ministère de la Défense nationale. Sa parfaite entente avec le chef d’Etat-major, le général Rachid Ammar, ainsi que tous les officiers supérieurs de l’armée en fera la pièce déterminante du commandement de l’appareil militaire. «Proche des soldats dans les casernes et sur le terrain aux frontières et dans les montagnes, Zbidi était également apprécié par les officiers et les états-majors, témoignera un haut gradé qui l’avait vu à l’œuvre. Rapidement, il conquiert la confiance de ses homologues étrangers. Sans uniforme, il gagnera plus que ses étoiles de général, son bâton de maréchal.»
Garder l’armée au-dessus de la mêlée, préserver son indépendance et la protéger de la désinvolture de son «chef suprême» statuaire, Moncef Marzouki, était une épreuve quotidienne pour Abdelkrim Zbidi qui n’attendait plus que de passer la main, sans fracas. L’occasion se présentera à lui avec le départ de Jebali et l’arrivée à la Kasbah d’Ali Laarayedh. Cet après-midi du jeudi 14 mars 2013 marquera pour lui un grand soulagement. A l’issue de la cérémonie officielle à la Kasbah, il s’empressera de regagner à pied, avec le général Ammar, le ministère de la Défense tout proche pour y accueillir son successeur, l’illustre magistrat octogénaire Rachid Sabbagh. Libéré de sa lourde charge, il n’avait hâte que de regagner sa maison à Sousse et y retrouver la chaleur familiale et la convivialité des amis proches. Zbidi pouvait alors prétendre à jouir de sa retraite sans se douter qu’il lui fallait cependant accomplir durant pas moins d’un an l’éprouvant parcours du combattant entre les administrations et la Cnrps, afin de reconstituer les pièces de son dossier de pension...
Retour sur un champ de mines
A Sousse, loin des feux de la rampe, il se tenait à l’écart des confrontations partisanes, ne prêtant la moindre écoute au grenouillage dans les marécages de la politique politicienne, gardant contact avec quelques amis de longue date compagnons dans les dernières épreuves, et témoignant fidélité au président Caïd Essebsi. Au lendemain de la victoire de BCE à la présidentielle, le 21 décembre 2014, le nom de Zbidi est évoqué parmi les candidats les plus sérieux à la Kasbah. Habib Essid ne pouvait que l’encourager à accepter s’il était sollicité. Et c’est finalement Zbidi qui poussera Essid à assumer cette haute charge qui lui était proposée par BCE...
Un autre ouf de soulagement ! Abdelkrim Zbidi aura alors sauvé sa retraite... Pas pour longtemps. Le voilà remis en selle, en septembre 2017, au même poste de ministre de la Défense nationale qu’il avait quitté quatre ans et demi auparavant, en mars 2013. Pour combien de temps ? Jusqu’à la fin du mandat présidentiel en 2019?
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