Quand les diplomates tunisiens célèbrent la mémoire de leur illustre ambassadeur, ministre et président, Béji Caïd Essesbsi (Photo / Vidéo)
Plus qu’ailleurs, Béji Caïd Essebsi est chez-lui au siège du ministère des Affaires étrangères où il a eu droit, ce jeudi matin, 1er août, à un hommage des plus émouvants. Chez lui, pour avoir lui-même décidé l’acquisition en 1984 du terrain sur la colline du nord-Hilton, pour y faire édifier un siège digne de la diplomatie tunisienne. Chez-lui aussi, pour avoir été ambassadeur (à Paris, puis Bonn) et surtout ministre (1981 - 1986). Chez-lui encore pour avoir redonné à la Tunisie d’abord en 2011, et encore plus depuis son accession à Carthage, en 2015, tout son rayonnement international, renforcé le ministère en cadres (recrutement de 100 nouveau secrétaires des Affaires étrangères), revalorisation des salaires, création de l’Académie diplomatique et des relations internationales et autres moyens. Sans oublier l’organisation avec brio du 30ème sommet arabe, le 31 mars dernier, l’élection de la Tunisie au conseil de sécurité (2020 - 2021) et l’accueil en 2020 du Sommet mondial de la Francophonie. Bref, avocat de profession, Béji caïd Essebsi a été diplomate de vocation, chef de la diplomatie et de l’Etat par excellence.
Autant de vertus qui ont été célébrés en éloges posthumes lors de la cérémonie organisée jeudi matin, sous la présidence du ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui. Les ambassadeurs, représentants permanents, consuls généraux et consuls de Tunisie à l’étranger, devaient comme chaque année être réunis en conférence, le 29 juillet dernier, et être reçus lors de la clôture de leurs travaux par le président de la République. Un rendez-vous annuel, très attendus par tous, consacré par cette rituelle audience au palais de Carthage. Caïd Essebsi savait bien les recevoir, les gratifier de son humour percutant, enrobant ses messages clefs. Avec sa disparition, la conférence 2019 a été annulée. Ils lui diront adieu lors de cette cérémonie d’hommage.
Emotion, évocations, témoignages
Le protocole diplomatique, si rigoureux a dû se plier aux exigences tout en conférant à cet hommage tout le cérémonial qu’il mérite. Le ministre Jhinaoui, pourtant disciple de longue date du président Caïd Essebsi, l’un de ses plus proches collaborateurs, n’a pas voulu accaparer à lui seul la parole. Il livrera son adresse de ministre et de témoin, puis invitera six de ses collègues ambassadeurs à intervenir au nom de leurs collègues par continent. C’est ainsi que se succèderont au pupitre les ambassadeurs Fayçal Gouiaa (Washington, pour les Amériques), Ridha Ben Mosbah (Bruxelles, pour l’Europe), Najib Mnif (Le Caire, pour le monde arabe), Narjess Dridi (Prétroria, pour les représentations permanentes - multilatéral- en Afrique), Naoufel Laabidi (Abidjan, pour l’Afrique), Dhia Khaled (Pékin, pour l’Asie) et Ali Chaalali, (Paris, pour les consuls et consuls généraux).
Jamais il n’interférait dans l’opérationnel ou déclinait une nomination
Le ministre Jhinaoui avait certes la tâche la plus difficile, devant tout synthétiser en très peu de temps. Il retiendra une qualité clef : un vrai chef de la diplomatie, un véritable allié des diplomates. Il fera une révélation édifiante : « Béji Caïd Essebsi m’a offert la chance de travailler à ses côtés, en toute liberté et confiance, me laissant toujours à l’aise, n’intervenant jamais dans l’opérationnel, ne déclinant aucune proposition de nomination. » Une leçon de leadership.
Pompéo a appelé Jhinaoui pour lui réitérer les condoléances des Etats-Unis
Fayçal Gouiaa rappellera les deux visites effectuées par le président Caïd Essebsi aux Etats-unis, la première à Washington DC, en mai 2015 (sous la présidence d’Obama), marquée par l’obtention du statut d’allié majeur non-membre de l’OTAN. La seconde visite fut à New York, en septembre 2016, lors de la célébration de la Tunisie en référence lors du sommet Amérique-Afrique. Il révèlera que suite au décès du président Caïd Essebsi, le chef de la Diplomatie américaine, Mike Pompeo a tenu à appeler lui-même son homologue Jhinaoui pour lui réitérer les condoléances des Etats-Unis.
Attachant, convaincant
Ridha Ben Mosbah, qui a préféré s’exprimer en français, avec son style bien raffiné, évoquera la mémoire d’un acteur majeur de la scène internationale, qui connaissait tous les grands décideurs politiques du monde et savait les rallier à ses positions.
Néjib Mnif fera un témoignage poignant : « nous ressentons un sentiment de grande fierté toutes les fois où le président Caïd Essebsi prononçait un discours, participait à un sommet, rencontrait une grande personnalité. Immédiatement, nos collègues ambassadeurs des autres pays, mais aussi de hauts dignitaires de nos pays d’accréditation venaient nous en féliciter. Il aura toujours été exceptionnel, attachant, séduisant, convaincant ! »
L’Africain
Narjess Dridi rappellera que le président Caïd Essebsi a tenu, dès sa prise de fonction à la tête de l’Etat à participer au sommet africain à Addis Abeba, veillera à réserver le plus grand nombre possible missions de Tunisie à l’étranger à des diplomates de carrière, encourageant particulièrement les femmes diplomates à y accéder.
Pour Naoufel Laabidi, Le président Béji Caïd Essebsi, sur les traces de Bourguiba, aura été le chantre du panafricanisme, des temps nouveaux.
La double chance de la Tunisie
Dhia Khaled affirmera que la Tunisie a eu la double chance d’avoir aux commandes Bourguiba et Caïd Essebsi, deux grands présidents et deux illustres chefs de la diplomatie.
Ali Chaalali dira ce que Caïd Essebsi ne cessait de le lui rappeler : les Tunisiens à l’étranger, les Tunisiens à l’étranger.
Mondher Dhraief, qui en maitre de cérémonie a modéré la cérémonie, conclura avec cette phrase-clef qu’il tient lui-même directement de BCE : L’Etat au-dessus de tout ... et de tous.
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