L’ambassadeur américain en Israël et la maire de Paris prétendent de concert que Jérusalem est la ville des seuls juifs !

Annie Hidalgo, la maire de Paris, s’est livrée, dimanche 30 juin 2018 à une vraie provocation. Les penchants pro-israéliens de cette dame sont bien connus. En 2015, elle avait organisé « Tel-Aviv plage » en bord de Seine, au mépris de l’avis de nombreux élus parisiens.  De plus, n’a-t-elle pas illuminé la façade de l’Hôtel de Ville de la capitale à chaque action de la résistance palestinienne contre l’occupation et au cours de laquelle sont tombés des colons ? Mais dimanche 30 juin 2019, elle s’est surpassée ! Cette socialiste avait fait voter, début juin, l’inauguration d’une Place de Jérusalem dans le 17ème arrondissement, au croisement de la rue de Courcelles et du boulevard de Reims^* à la requête des milieux sionistes.  Vedette de cette cérémonie, le maire raciste de Jérusalem, Moshé Léon, un ultra-orthodoxe que même Netanyahou ne soutient pas! La gauche du Conseil municipal de Paris avait décidé de boycotter la cérémonie… où trônait en outre le président du CRIF! Ce maire est passé maître dans la déportation des Palestiniens de Jérusalem et dans la démolition de leurs maisons pour entériner l’annexion de la ville. Les exécrables « faits d’armes » du fanatique Moshé Léon n’ont pas empêché Mme Hidalgo de l’associer à l’inauguration de la Place de Jérusalem… encerclée, il est vrai, par un impressionnant cordon de police dans un quartier hermétiquement bouclé par la maréchaussée !

De fait, plusieurs centaines de personnes en T-shirts verts, brandissant une forêt de drapeaux palestiniens et d’affiches pro-BDS, ont manifesté contre la provocation du maire de Paris et se sont fait si bien entendre que les supporters de la colonisation ont été contraints d’écourter les festivités. « Les protestataires, logés sur la Place du Maréchal Juin, encouragés par les klaxons des voitures qui passaient, se sont bien fait entendre des criminels et de leurs collabos » écrit l’ONG France-Palestine Solidarité. Le professeur Suleiman Mourad affirme que "l’idée d’une propriété juive [de la ville] est dangereuse" car Jérusalem est historiquement la cité des trois monothéismes.  Suleiman Mourad est professeur au Smith College, Northampton, USA et chercheur à l’Institut d’études avancées de Nantes.

Une inauguration controversée

Du passé de 3000 ans de Jérusalem et de la coexistence des trois religions dans cette cité, Mme Hidalgo a fait table rase en étalant le tapis rouge sous les pieds du raciste Moshé Léon sans associer à cette inauguration le moindre maire palestinien.

Mme Hidalgo, qui a procédé à cette inauguration controversée, pouvait-elle ignorer que la police sioniste avait abattu un jeune manifestant palestinien de 20 ans coupable d’avoir lancé des pétards, Mohammed Samir Abid, jeudi 27 juin, dans le quartier d’Issawiyah à Jérusalem-Est ? Pouvait-elle ignorer la brutale répression qui s’est abattue sur tout le quartier avec gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes, balles réelles et tout l’arsenal de terreur et de mort israélien sur une population désarmée ?  La maire de Paris pouvait-elle ignorer, elle qui a présidé cette mauvaise sauterie en présence du raciste Léon, l’arrestation du ministre palestinien des Affaires de Jérusalem, Fadi al-Hadmi dans la nuit de vendredi, après qu’il eut accompagné une délégation chilienne et le président Sebastien Piñera à la Mosquée al-Aqsa ? Comme les sionistes n’ont pas froid aux yeux, le ministre palestinien a été arrêté pour « violation de la souveraineté israélienne » (sic) tandis que les autorités chiliennes ont été « réprimandées » pour leur visite du Mur des Lamentations !  Jeudi soir, les habitants d’al Issawiya participaient en fait à un sit-in de protestation contre les descentes quotidiennes de l’armée et de la police israéliennes et pour s’opposer et condamner les avis d’expulsion et de démolition des maisons palestiniennes en vue d’ériger… un parc talmudique… dans un quartier à majorité palestinienne !

Quand la maison blanche envoie des colons a Jérusalem

Ce même dimanche, deux des diplomates américains les plus importants - Jason Greenblatt, envoyé spécial pour le Moyen-Orient, et l’ambassadeur en Israël David Friedman^*** - entourés d’une brochette de ministres israéliens, ont inauguré le « Chemin des Pèlerins », un tunnel de 700 mètres datant de l’époque d’Hérode, creusé sous l’artère principale de Silwan, à Jérusalem-Est. On serait là - pure conjecture - en présence d’une rue datant de la période du Second Temple conduisant du Mont du Temple à une piscine d’ablution (mikvet). Cette voie est l’œuvre de l’organisation d’extrême-droite Elad, généreusement subventionnée par Israël : elle a bénéficié de 1,4 million de shekels de la part du budget du programme « Culture de la Torah » dépendant du ministère de l’Education ainsi que de fonds du Ministère de la Culture israéliens. 

Elad a par ailleurs un budget particulièrement opaque : elle a bénéficié entre 2006 et 2013, de 115 millions de dollars provenant de donateurs domiciliés dans des paradis fiscaux comme les Bahamas (Haaretz, 6 mars 2016). Parmi ses plus gros mécènes, on peut citer « The Greater Miami Chapter of Friends of IDF », un groupe américain qui récolte de l’argent pour l’armée d’occupation auprès de riches sionistes de Floride. Elad opère à Jérusalem-Est et poursuit deux buts : 1) Installer des juifs à Silwan, quartier essentiellement palestinien afin de le judaïser par le tourisme et l’archéologie, 2) Exploiter des sites touristiques et faire des fouilles afin de démontrer que Silwan était juive. Son site touristique le plus important est « Ir David » ou la Cité de David qu’elle gère pour le compte de l’Agence israélienne des parcs et de la nature.

Le quotidien Haaretz (30 juin 2019) note que « la participation de diplomates américains à un évènement placé sous la houlette d’une organisation de droite à Jérusalem-Est constitue de facto une reconnaissance de la souveraineté israélienne dans le bassin historique de Jérusalem… Cette  reconnaissance ne place pas seulement l’administration américaine à l’extrême droite du panorama  politique israélien - démentant ainsi l’affirmation que les Etats Unis peuvent être d’honnêtes intermédiaires entre Israël et les Palestiniens - mais elle ignore aussi la réalité compliquée à Silwan, à Jérusalem-Est et dans toute la région….Ce tunnel, exploitation politique de l’archéologie, ignore en fait les nuances du passé compliqué de Jérusalem. »
Le pire cependant est que ce tunnel - comme Mme Hidalgo, le maire raciste Léon ou l’étrange ambassadeur américain Friedman - ne fait aucun cas du fait qu’à Silwan, vivent 20 000 Palestiniens sans nationalité ou droits civils. Ils sont en droit de voir ce projet « archéologique » comme un moyen de les mettre dehors. De plus, autour de Silwan, il y a 300 000 Palestiniens résidant à Jérusalem-Est, eux aussi sans droits.

L’éditorialiste de Haaretz en arrive à la conclusion que « l’administration Trump a condamné à perpétuité les Israéliens à vivre soit un conflit constant soit un état d’apartheid avec deux types de résidents : ceux qui ont des droits et ceux qui n’en ont pas. »

Il semble que Mme Hidalgo s’aligne sur la politique de Trump de déni des droits du peuple palestinien. Elle trouvera sur son chemin les partisans parisiens de la justice et de la paix… comme dimanche 30 juin sur la place du Maréchal Juin, face au métro Pereire, à Paris^** !

Mohamed Larbi Bouguerra

*La Ville de Paris a longtemps compté une « rue de Jérusalem », commençant quai des Orfèvres et aboutissant à la Préfecture de Police. Celle-ci a été rasée en 1883 afin d’agrandir le Palais de Justice. Le Conseil de Paris a décidé début juin, de renouer avec ce lien historique en dénommant une place de la capitale du nom de Jérusalem... à la demande d’Israël, semble-t-il.   Symboliquement, il a été choisi de l’implanter dans le 17e arrondissement où s’élève désormais le nouveau Palais de Justice

** Signalons que le 6 et 7 juillet 2019, les soutiens britanniques de la Palestine (PSC) organisent PalExpo à Olympia London ; deux jours de célébration de la culture, de l’histoire et des arts de la Palestine : le plus grand évènement pro-palestinien en Europe.
De plus, PSC organise le « Big Ride for Palestine » (Grand critérium cycliste pour la Palestine) : le 27 juillet 2019 à Londres et le 3 août 2019 à Manchester.

***Lire sur le site de Leaders (6 juin 2018): Un bien étrange ambassadeur américain en Israël.