Hatem Kotrane: Bon rétablissement... la Tunisie !
La Constitution du 27 janvier 2014 est-elle à ce point mal rédigée pour placer la Tunisie dans un état d’agonie suite à la maladie subite du Président Béji Caïd Essebsi?
L’interrogation est légitime et nous rappelle que la Constitution du 1er juin 1959, alors même qu’elle a été jugée responsable de cinquante-cinq ans de mauvais souvenirs des régimes personnels qui ont gouverné la Tunisie, lui aura tout de même permis d’être gouvernée et de bénéficier d’une relative stabilité de ses institutions.
Or, ne voilà-t-il pas qu’à peine cinq ans après son adoption, la nouvelle Constitution vient, à la suite d’un malaise dit «aigu» du Président, révéler toute sa fragilité. Se voulant Constitution modèle et présentée comme exemple de ce qu' un pays peut faire de mieux dans toute la planète pour asseoir durablement ses institutions, la Constitution se révèle être une constitution creuse et confuse au point de susciter autant d’angoisse et de désarroi auprès du peuple qui assiste à tant de manœuvres subalternes maniant l’intrigue à la conspiration et agissant de façon si éhontée contre la sûreté et la sécurité du pays et du peuple.
Commençons tout d’abord par souhaiter un prompt rétablissement à notre «Bajbouj» national auquel tous les Tunisiens patriotes espèrent qu’il retrouvera, rapidement, sa bonne santé.
Espérons, ensuite, que la République et ses institutions sauront se dresser contre toutes les velléités de ces conspirateurs hypocrites, qui sont allés vite en besogne en vue de tirer profit de difficultés réelles suscités par la question de l’interprétation de l’article 84 de la Constitution traitant de la question de vacance provisoire ou définitive de la Présidence de la République.
Convient-il de rappeler, ici, que deux cas de figure sont prévus par ledit article 84 de la Constitution:
- Le premier est celui d’une vacance provisoire pour des raisons liées à des cas d’empêchement provisoire, rendant impossible pour le Président la délégation de ses pouvoirs au Chef du Gouvernement dans les conditions fixées à l’article 83 de la Constitution, et ce, pour une période n’excédant pas trente jours, renouvelable une seule fois;
- Le deuxième cas de figure est celui d’une vacance définitive, et ce, pour des raisons liées au fait d’une vacance provisoire qui excède les soixante jours, ou en cas de présentation par le Président de la République de sa démission écrite au Président de la Cour constitutionnelle, de décès ou d’incapacité permanente ou, ajoute le même texte, «pour toute autre cause de vacance définitive».
Dans le premier, comme dans le deuxième cas de figure, la Cour constitutionnelle se réunit immédiatement et fait un constat de la situation:
- celle d’une vacance provisoire, le Chef du Gouvernement est alors immédiatement investi des fonctions de Président de la République, sans que la période de vacance provisoire ne puisse dépasser soixante jours;
- ou bien celle d’une vacance définitive, pour l’une des raisons précitées, la Cour constitutionnelle se devant alors d’informer le Président de l’Assemblée des Représentants du Peuple qui est immédiatement investi des fonctions de Président de la République de manière provisoire, pour une période allant de quarante-cinq jours au moins à quatre-vingt-dix jours au plus.
Tout cela est aujourd’hui bien connu et a été rappelé par d’éminents constitutionnalistes dans différentes chaînes de télévision, avec plus ou moins d’objectivité et de pertinence!
Nous découvrons, au passage, que la pièce charnière de tout le dispositif de constatation et de passage des pouvoirs du Président de la République, à savoir la Cour constitutionnelle, fait terriblement défaut, du fait qu’à ce jour, ses douze membres ne sont pas encore désignés, les partis politiques au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple ayant tout fait pour empêcher un accord en vue de la désignation des quatre membres dont l’ARP est chargée, étape incontournable en vue de la désignation des huit autres membres, à raison de quatre membres par le Président de la République et quatre membres par le Conseil supérieur de la magistrature (Article 118 de la Constitution).
Fait fortuit, de force majeure? Nous ne le pensons point, car un évènement comme la malaise du Président, de surcroît d’un âgé aussi avancé, n’est certainement pas un fait imprévisible. Tout porte alors à croire que la maladie du Président, quelle que soit sa gravité, est un fait longuement souhaité, sinon prévue, par les conspirateurs qui, à la première difficulté de santé, ont révélé au grand jour leur dessein machiavélique visant à s’emparer du pouvoir dans des conditions qui échappent, en grande partie, aux mécanismes définis par la Constitution.
En témoignent ceux qui sont très vite montés au créneau et fait appel aux dispositions de l’article 50 du Règlement intérieur de l’Assemblée des représentants du peuple conférant au Premier adjoint du Président de l’ARP le pouvoir de se substituer à ce dernier en cas d’incapacité à assumer ses charges, y compris celles découlant de l’article 84 de la Constitution: le remplacement du Président de la République en cas de vacance définitive de la Présidence!
Ainsi donc, M. Abdelfattah MOUROU serait investi de la charge de Président de la République sur la base d’un document – le Règlement intérieur de l’ARP– en oubliant que le seul règlement intérieur qui vaille pour la Tunisie et sa République est bien sa CONSTITUTION, non celui de l’ARP qui ne vaut qu’aux alentours de la maison du Bardo, sans plus!
Mettre fin au travers de la deuxième République!
Comment mettre fin à ces conspirations aussi subalternes que dangereuses et rappeler à chacun son rôle, ainsi que vient de l’exprimer, au nom à tous les Tunisiens, le Président de l’ARP, dans sa prompte réaction, face aux intrigues des uns et des autres, en rappelant immédiatement qu’il veille à la stabilité des institutions de la deuxième République?
Comment pallier cette situation afin d’avoir un pays fort, donc uni, en mesure d’être gouverné de façon stable, y compris en cas de difficulté liée à une vacance de pouvoir, sans pour autant suivre la voie d’extrêmistes appelant à renverser la République au profit d’une nouvelle dictature?
Comment garder confiance à l’approche des prochaines échéances électorales, législatives et présidentielle, qui doivent impérativement débuter le 6 octobre et dont une première étape de la procédure, l’appel des électeurs par le Président de la République, doit être décrété le 6 juillet, dans moins d’une semaine?
Puissent les Tunisiens demeurer unis
Pour faire échec aux manœuvres de bon nombre d’acteurs politiques et de figures indignes de la confiance, qui donnent un exemple, jour après jour, de ce que la malhonnêteté et l’indécence peuvent faire de pire à la politique et dont le comportement, face aux risques qui guettent le pays, leur vaudra probablement, auprès du peuple, solde de tout compte;
Pour reprendre, enfin, l’initiative de leur destin et donner un exemple de ce qu’un peuple peut faire de mieux pour défendre, dans l’unité, ses aspirations à la liberté, au développement et à la dignité, et participer à la reconstruction de la Tunisie pour tous autour des valeurs de la justice, de l’égalité et de la primauté du droit!
Pour permettre à la jeunesse tunisienne de réinscrire éternellement la Tunisie dans sa confiance!
Alors tous ensemble : Bon rétablissement... la Tunisie!
Hatem Kotrane
Professeur à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
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