Mohamed Salah Ben Ammar: La rumeur c’est nous
Une occasion rêvée s’est offerte le jeudi 27 avril à tous les colporteurs de rumeurs. Pensez-vous eux qui d’habitude construisent des théories autour d’un geste, une mimique, un signe infime et diffusent des fausses informations, là ils avaient en même temps des attentats et les ennuis de santé du président sans une communication structurée, c’était le jackpot pour eux. Ce qui s’est passé est indigne.
La rumeur existe partout dans le monde entier mais tout est affaire de nuance. Durant des années la rumeur a occupé la place de l’information et ce n’est pas fini. Hier encore nous étions opprimés en Tunisie, hier encore l’information, comme les livres ou les journaux interdits circulaient sous le manteau. Depuis 2011 une nouvelle Tunisie se construit mais on ne se débarrasse pas facilement d’habitudes vielles de 50 ou 60 ans.
«Le mot rumeur vient du latin "rumor" qui signifie "bruit vague, bruit qui court, nouvelle sans certitude garantie". La rumeur est sans doute le plus vieux média du monde. Elle semble promise à un bel avenir, même dans les sociétés apparemment les plus rationnelles. Les nouveaux canaux de communication lui donnent aujourd'hui une folle vitesse de propagation.»
Le colporteur murmure, chuchote j’ai appris de source sûre par un ami qui travaille à l’hôpital ou un cousin à la présidence…notre voisin qui est commandant dans les brigades spéciales…chacun y va de son petit couplet pour construire la «vérité» qui lui convient. Combien d’attentats ? On nous cache la vérité ! Le comble a été atteint qu’on a associé la santé du président aux attentats. Comment ne pas avoir honte devant de telles bassesses?
De bonne foi ou de mauvaise foi, de façon intentionnelle ou non, dans ce genre de situations les masques tombent. L’angoisse face à un futur incertain provoque des réactions de panique chez certains, d’autres jubilent ou se vengent et se permettent d’élaborer des théories plus ignobles les unes que les autres. C'était irresponsable à la veille de la saison touristique. Quand à la prétendue vacances du pouvoir, elle est pour moi simplement inqualifiable. Hier beaucoup de limites ont été dépassées.
La rumeur fait mal et fait du mal. En voulant saisir cette occasion pour se faire bien voir, les officiels ont involontairement alimenté la rumeur. Des heures durant peu d’informations crédibles ont été données, le niveau zéro de la communication a été atteint. Puis voulant certainement nous rassurer les officiels ont effectué des visites sur le terrain. C’est louable mais centrer le message sur le geste du responsable politique n’est pas une information. La pudeur nécessaire dans ces circonstances douloureuses aurait dû imposer plus de retenue. De toute évidence ils n’ont pas retenu les leçons de la visite de Ben Ali à Mohamed Bouazizi.
Il y a des moments dans la vie d’une nation où ne penser qu’à ses intérêts personnels est une faute grave. Apprenons à retenir les leçons du passé. Il ne faut jamais baisser la garde contre l’obscurantisme sous toutes ses formes. Au lieu de colporter des rumeurs soyons unis aux côtés de ceux qui ont perdu un être cher, souhaitons un prompt rétablissement à nos concitoyens blessés lors des attentats et une longue vie au président de la république. Cela ne nous empêche pas d'exiger une information crédible c’est-à-dire libre et de qualité. On n’arrivera certainement pas à faire taire toutes les rumeurs mais elles feront moins de dégâts.
Dr Mohamed Salah Ben Ammar