Opinions - 26.06.2019

Habib Mellakh: Prologue de la mascarade et lobbying des Tunisiens (3)

Habib Mellakh: Prologue de la mascarade et  lobbying des Tunisiens (3)

L’influence grandissante des dirigeants du football marocain au sein de la CAF, comparée à la faiblesse du lobbying tunisien, jugé par des journalistes sportifs tunisiens comme un lobbying  en perte de vitesse depuis l’édition précédente de la finale de La ligue africaine des champions jouée contre Al Ahly,  est tellement perceptible par les temps qui courent qu’un journaliste travaillant à la radio Express FM s’en est inquiété auprès de l’ancien président de l’EST, Slim Chiboub invité d’une émission sportive.

Légitimation et banalisation du lobbysme

Slim Chiboub a estimé que son équipe ne devait pas s’en soucier, que son président actuel Hamdi Meddeb était capable de contrer ces jeux d’influence et qu’il était à l’aise « dans la guerre des coulisses » qui met aux prises les deux finalistes de l’édition 2019 de la Ligue des champions mais que l’EST n’avait qu’à se concentrer sur le match.  Et recourant à une boutade, il a estimé que le club sang et or avait les moyens de gagner le match retour même s’il devait être arbitré par le président de la Fédération royale marocaine,  Faouzi Lakjaa. Il a également,  à l’image de l’ancien ministre marocain des sports, Saïd Belkhayat, mis en évidence  les dividendes engrangés par les pays représentés au sein des instances internationales du football, à commencer par le Maroc tout  en rappelant très maladroitement, avec une fierté mal placée pour caresser dans le sens du poil ses compatriotes intéressés par le football ,  que la Tunisie avait été influente au sein de ces structures: «  Il ne fait aucun doute que  les Marocains sont influents et qu’ils ont un pouvoir à la CAF. Nous étions de la même manière influents. Pourquoi tenons-nous à assurer notre présence et notre représentation sein  des instances internationales ? Pourquoi tenons-nous à remporter les élections qui nous permettent d’accéder à ces instances ? Pour obtenir l’organisation de compétitions internationales, bien entendu ! S’il y a un bon arbitre, nous œuvrons pour qu’il soit désigné. Si un arbitre est mauvais, nous faisons des pressions pour qu’il ne soit pas désigné. Tout le travail s’effectue dans  les coulisses, c’est le  travail des lobbys ». Ces propos ont été tronqués   à la suite d’un montage vidéo qui les a dénaturés, déformés pour  présenter les dirigeants actuels de l’EST comme des combinards, opportunistes et malhonnêtes, pour dénoncer « l’emprise des Tunisiens sur les instances de décision au sein de la CAF », et pour attribuer calomnieusement à l’ancien président de l’EST cette fausse idée d’une hégémonie tunisienne actuelle sur les centres de décision de la CAF et d’un lobbying suspect (cf https://ar.lesiteinfo.com/sport/237490.html). Mais Slim Chiboub a prêté le flanc à ces accusations contre les dirigeants espérantistes par une déclaration ambigüe  qui banalise le travail dans les coulisses et  qui ne   marque pas  la frontière  entre le lobbying éthique et le lobbying suspect qui s’apparente au trafic d’influence. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’opposition « bon arbitre vs mauvais arbitre » est à interpréter comme une variante de l’opposition  «  arbitre compétent vs arbitre incompétent » mais dans un contexte conflictuel et très tendu où la suspicion devient la règle, il était impératif que Chiboub choisisse des formules très claires d’autant que ses accointances avec le Président tunisien déchu ne le font pas passer pour un saint et que l’image de marque de l’Espérance est ternie par des médias arabes et africains, voire par les internautes tunisiens, fans des clubs rivaux, qui l’accusent de bénéficier de passe-droits. Par ailleurs ne faut-il pas prendre du recul par rapport au lobbying et initier un débat  pour répondre à la question de savoir s’il est moral ou immoral de tirer des avantages d’une représentation importante au sein des instances sportives internationales et quelles normes éthiques il faut respecter si l’on considère comme licites  ces bénéfices ?

Le Lobbying de la FTF pour défendre les intérêts légitimes de l’Espérance

La partie tunisienne reconnaît aussi recourir à ce travail de lobbying.  Le président de la FTF ne cache dans l’émission Dimanche sport du 9 juin dernier avoir  contacté les acteurs concernés de près ou de loin par l’affaire pour faire valoir les droits de l’EST et plus particulièrement le ministre des affaires étrangères Khemaïes Jhinaoui prié, le 4 juin dernier à la veille de la réunion du comité exécutif, d’intervenir auprès des pays représentés au sein de cette instance  pour que leurs représentants ne cèdent pas face aux pressions marocaines et celles du président de la CAF et ne confisquent pas  la victoire de l’Espérance. Mais cette démarche ne semble pas avoir été entreprise parce qu’elle a été tardivement sollicitée. Elle n’a, en tout cas, jamais abouti. La FTF, à l’image de son président, estimant que ses pratiques en matière de lobbying pour défendre la cause des équipes tunisiennes s’apparentent au plaidoyer, qu’elles n’ont rien à avoir avec les pressions malsaines et qu’elles sont par là même conformes à l’éthique, ne s’en cache pas. Elle a pris  à témoin, dans un communiqué fortement médiatisé, la planète foot  des démarches entreprises  par l’Espérance auprès de la CAF  pour récuser  l’arbitre central , le  gambien  Bakary Gassama, réputé pour favoriser les équipes marocaines  et l’arbitre VAR le  zambien Janny Sikazwe,  accusé d’avoir contribué par son arbitrage à la victoire de l’EST contre Primeiro di Agosto en demi-finales retour de la Ligue des champions 2018 . Lassane Camara évoque dans l’émission After Stad de la chaîne Stad’ Afric  la  contestation de la désignation de Gassama : «  Tout le monde sait que l’arbitre qu’ils ont désigné est normalement  « connecté Maroc » et qu’il a donné des millions de pénaltys au Widad et au Raja de Casablanca (Remarquons au passage l’emploi de l’hyperbole pour signifier à quel point il est pro-marocain). Je me souviens  d’un match entre le Widad et une autre équipe africaine où le public dans son ensemble chantait le nom de Gassama. C’est pourquoi les dirigeants de l’EST, en sachant que c’est cet arbitre-là qui allait arbitrer le match ont écrit à la CAF pour dire : « nous ne voulons pas de cet arbitre-là ». la FTF revient à la charge après avoir échoué dans la révision des désignations  pour informer le public sportif qu’elle a invité Pierluigi Collina, président de la commission des arbitres de la FIFA et Massimo Busacca , directeur de l’arbitrage de la même instance à assister à la rencontre  dans l’espoir que leur présence à Radés dissuaderait  les arbitres de la rencontre de léser l’Espérance.

La confiance ne règne pas comme le montre « la guerre des coulisses » qui a eu lieu avant la rencontre. Cette atmosphère de suspicion, le sentiment lancinant du WAC d’avoir été la victime d’une injustice arbitrale ainsi que   la détermination des dirigeants marocains à exploiter leur omniprésence au sein de la CAF pour gagner  coûte que coûte la Ligue des champions ont déteint sur l’ensemble de la rencontre et expliquent pourquoi elle n’est pas arrivée à son terme et pourquoi elle s’est transformée en une mascarade selon une formule récurrente dans de nombreux  commentaires et  dans les déclarations des dirigeants sportifs et des hommes politiques comme le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed.

(A suivre)

Habib Mellakh

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