Mohamed Ali Bouhadiba: Arrêtez de diaboliser les médecins privés
Lorsque en 1970 Aziz El Matri fut le premier médecin tunisien à obtenir son diplôme en Tunisie, c’était une grande fierté pour le pays. Nous étions capables de former des médecins.
Les médecins tunisiens prenaient partout la relève des français, chacun devait organiser son secteur, Béchir Hamza, la pédiatrie, Essafi, la chirurgie, Zribi l’infectiologie, Brahim Gharbi la pneumo etc etc..
On créa le planning familial qui diminua la mortalité maternelle et permit au pays de se développer économiquement, on fonda la médecine scolaire, les campagnes de vaccinations dans un pays rongé par la polio, l’institut de nutrition pour amener une meilleure alimentation chez des enfants rachitiques etc etc.
La médecine se décentralisa avec la construction de dizaines d’hôpitaux régionaux et des centaines de dispensaires, les gens n’avaient plus à venir du Sud pour se soigner dans la capitale.
Pour tout cela il fallait des géants, des pionniers de la médecine.
Aujourd'hui, il a été décidé, sur les conseils du FMI, un désengagement de l’Etat de la santé. L’état ne peut plus payer. On voit donc un manque de personnel hospitalier, un manque de moyens, des pénuries de médicaments etc..
L’idée est de réorienter les patients vers la médecine privée mais cela pose problème car les citoyens n’ont pas les moyens.
Il faut donc «soumettre» le secteur privé et pour cela le mettre d’abord sur la défensive.
Le moyen qu'on a trouvé est de le dénigrer et le dévaloriser.
Des gens qui travaillaient tranquillement se sont brusquement trouvés accusés d’être des profiteurs, des opportunistes, des suceurs de sang du pauvre peuple.
Tous les moyens furent utilisés, au début insidieux puis franchement hostiles, culminant avec des mises à mort savamment orchestrées et publiques sur les plateaux de télé.
Des journalistes mercenaires et sans scrupules utilisaient tous les trucs des interviews pour déstabiliser le médecin.
On pose une question et on interrompt la réponse. On passe brusquement du coq à l’âne. On cherche un mot qu'on tourne pour ridiculiser la personne ou on vocifère avec hauteur pour intimider le vis-à-vis.
Cette politique ne mènera à rien de bon car les médecins privés malmenés se retireront progressivement soit en prenant leur retraite soit en allant à l’étranger ou ils sont appréciés à leur juste valeur.
La suite est ce qu'on n’aurait jamais voulu voir chez nous. La médecine privée sera accaparée par les grands groupes de santé.
Des mastodontes financiers, des multinationales qui construiront de gigantesques structures avec héliport et tout le luxe qui va avec.
Les prix des soins seront alignés sur les prix internationaux, le tourisme médical connaîtra un grand essor et le pauvre tunisien se souviendra avec nostalgie du temps où il allait voir son médecin de famille....
Mohamed Ali Bouhadiba