La Révolution du «Jasmin»: un démarrage prometteur, une conduite plutôt mitigée et une fin… imprévisible !!! (I)
Le changement survenu dans notre pays fêtera, dans un an, sa première décennie. Initiatrice de ce mouvement comme elle l’a toujours fait, par le passé, dans plusieurs domaines (abolition de l’esclavage- promulgation d’une Constitution- création de syndicats-lutte pour l’indépendance- émancipation de la femme, etc…), la Tunisie a été qualifiée par le monde entier de promotrice du *Printemps Arabe*.
Mais depuis janvier 2011, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et cette révolte de la jeunesse, aussi spontanée qu’affranchie de leader, aussi décontractée que bon enfant, et sans parti ni programme, a été rapidement récupérée par ceux qui prétendent être les vieux loups de la politique qui, se préparant à cet instant depuis des décennies pour certains, et profitant de l’aubaine, se sont lancés corps et âme, pour prendre le train en marche et ont réussi, quand même, à s’accaparer rapidement du pouvoir, croyant qu’il était facile à exercer.
Cette mutation inattendue qui survint après, seulement, quatre semaines de manifestations et de protestations, aurait pu avoir des conséquences tragiques dont très probablement une guerre civile, si notre pays ne disposait de Grands et brillants commis de l’Etat qui ont, durant des mois, tenu le gouvernail du navire Tunisie pour l’amener à bon port et maintenir en marche tous les services du pays : faut-il rappeler, que grâce à eux, et durant toute la première année de la révolte, le pays continua à vivre normalement ou presque, les magasins ont été approvisionnés régulièrement, les écoles, les facultés, les établissements hospitaliers fonctionnaient comme si de rien n’était et le citoyen ne manqua de rien. Ceci est dû au fait que nous avions une excellente Administration qui, grâce au patriotisme de ses personnels, à leurs compétences, au sens du devoir qui les animait, à leur sérieux,à leur honnêteté et à leur remarquable esprit d’initiative, n’ont pas abandonné leurs postes et se sont acquittés, honorablement, de leurs tâches jusqu’au dernier jour. Inutile de rappeler comment ils ont été…….*récompensés et mis à la retraite ou au frigo !!!*
Le premier gouvernement post-révolution, surpris par des évènements auxquels il ne s’attendait guère à ce qu’ils se terminaient de la sorte, a pris des mesures dont certaines n’étaient ni bien concertées ni correctement réfléchies telles que l’amnistie générale et aveugle puisqu’elle n’a pas fait le tri et a, même, permis la libération de terroristes qui avaient du sang sur les mains et qui ont aussitôt rejoint leur milieu de prédilection. Les conséquences de cette mesure sont, pour le moins qu’on puisse dire, désastreuses pour le pays: d’abord les groupes terroristes qui commençaient à s’organiser, se trouvèrent renforcés par ces amnistiés qui, de surcroit, étaient assez expérimentés puisqu’ils ont fait leur preuve d’une part et d’autre part, l’injection de plus de cent mille partisans, eux aussi amnistiés, dans la fonction publique qui n’en n’avait, nullement besoin, sont la cause du recours, chaque année, et après avoir vidé les caisses laissées par l’ancien régime, au système infernal de gros emprunts du FMI, de la Banque Mondialeet d’ailleurs pour pouvoir payer ces nouvelles recrues pénalisant, pour plusieurs décennies, le développement économique du pays, tout particulièrement celui des régions de l’intérieur les plus défavorisées. C’est ce qui gonfla, dangereusement, le budget annuel de l’Etat qui de 19.000 milliards en 2011,passait, en seulement deux ans plus tard, à 40.000 milliards.
Aussi, le gouvernement issu des élections de 2011 a été composé de personnels qui, dans leur grande majorité, n’ont jamais servi ni dans la fonction publique ni dans les gouvernements précédents à quelque titre que ce soit. Et ainsi la gestion du pays était aux mains de novices qui, quoiqu’ayant été, pour certains, de grands militants dans leur parti, étaient, du fait de leur manque de connaissances et d’expérience,incapables de gérer les affaires de l’Etat. Cependant, ce gouvernement a dépensé sans compter et les cinq mille milliards provenant de la cession d’une partie de Tunisie Télécom et réservés aux générations futures ont été les premiers à avoir été gaspillés. C’était à cette période que le pays a connu les premiers attentats terroristes et l’assassinat de trois responsables politiques. Alors que notre pays regorge de compétences dans tous les domaines, compétences sérieuses, expérimentés, patriotes, de très bonne moralité et qui ont fait leurs preuves que ce soit en Tunisie et auprès des Instances internationales, les nouveaux gouvernants, par complexe, par indifférence, par avidité, ou par égoïsme n’ont fait appel à aucun d’entre eux alors que le pays avait grand besoin, surtoutà ce moment précis, de tous ses enfants et surtout de techniciens et de gestionnaires confirmés. Et c’est dommage pour notre pays qui n’a pas profité de leurs expertises. C’est pourquoi,parce qu’on n’a pas su, ou on a omis ou on n’a pas voulu répondre à une requête d’un organisme international, notre pays a été classé, pour la première fois de son histoire, dans la liste des payspeu collaborateurs dans la lutte contre le blanchiment d’argent et de financementdu terrorisme. Aussi, plusieurs projets de développement dans les régions n’ont pu être exécutés parce que les responsables administratifs régionaux récemment désignés, ont été incapables d’assumer ces responsabilités parce qu’ils n’avaient ni l’expérience ni l’expertise en la matière.
Les gouvernements issus des élections de 2014 ont mieux réussi dans la lutte anti-terroriste certes, mais aucun d’entre eux n’a présenté de programme de développement digne de ce nom et se sont comportés comme des gouvernements d’affaires courantes. Ils n’ont rien pu faire quant au renchérissement des produits de première nécessité et le couffin de la ménagère dont les prix s’envolèrent n’a pu être maitrisé au grand désarroi des *smigards * ainsi que de la classe moyenne qui a beaucoup perdu de son pouvoir d’achat. Ceci est dû au fait que les marchés de gros sont, sous l’emprise de quelques barons et seigneurs égoïstes et inhumains qui, profitant de cette période transitoire au cours de laquelle rien n’est très clair et le pouvoir n’est ni fort, ni présent, décident des prix des produits agricoles comme ils le veulent. Et, bien sûr, plus les prix sont élevés, plus leurs gains sont importants.
Cependant, ce qui est inquiétant et malgré cette longue période transitoire qui peine à se terminer, on ne perçoit pas encore l’apparition des attributs de l’Etat et de sa splendeur, perdus depuis 2010, que ce soit au point de vue Autorité que Prestige, Eclat et Grandeur. Les citoyens, constatant, les premiers mois post *révolution*, l’inexpérience et l’indécision des gouvernants, ont en profité pour agir à leur guise en dégageant des Gouverneurs et des PDG, en exigeant le recrutement dans certaines entreprises nationales, en imposant des augmentations salariales et en ne se gênant pas d’empêcher leurs concitoyens de rejoindre, parfois, leurs lieux de travail. Et plus le laxisme des gouvernants était flagrant, plus les demandes étaient irraisonnables. Celles-ci ont, toujours ou presque, été, quand même, satisfaites. Et plus les élections approchaient, plus les sollicitations devenaient abusives : la première ressource minérale représentée par les phosphates du champ minier de Gafsa a été laissée, durant plusieurs années, sous le dictat de certains demandeurs d’emploi et dès qu’on recrute des milliers, d’autres se manifestent, quelques mois plus tard, avec les mêmes méthodes revendicatives et on jouait à cache-cache pour finir, en fin de compte, à obtenir satisfaction. La création des sociétés de l’environnement, dans plusieurs régions du pays, destinées au rachat de la paix sociale (!), n’a pu satisfaire toutes les demandes, surtout lorsqu’il s’agit de payer des gens à faire, en fait, pas grand-chose !!! D’ailleurs, tous ces surplus d’effectifs imposés commencent,déjà, à poser problème que ce soit au point de vue rendement que salaires. Ce qui est incompréhensible, est que les gouvernants, à ce moment-là, par calcul politique ou par un comportement fort populiste, laissaient faire pour, croyaient-ils, recevoir, en retour, quelques dividendes, lors des élections à venir. Mais leurs calculs étaient faux et leur laxisme a été, pour la CPG, la cause de pertes financières considérables, le départ de certains clients traditionnels, la baisse vertigineuse de notre production en phosphates et delà, le grand déficit de notre balance commerciale et la dépréciation excessive et démesurée du dinar. Et lorsque la production minière tentait de reprendre sa vitesse de croisière, on s’arrangeait, aussitôt, à empêcher les trains de transport des phosphates de circuler dans le but de faire appel aux transporteurs privés qui, utilisant leurs camions à tarif très élevé, obligeaient la CPG à faire appel à eux. Ces jeunes donnaient l’impression qu’ils ne craignaient personne et narguaient les institutions de l’Etat en construisant des murettes sur la voie ferrée et en se faisant filmer par la télévision. Et personne n’a bougé, ni Gouverneur de la région, ni gouvernants qui laissaient, souvent faire à tel point qu’on ne comprenait plus leur comportement irresponsable. Et pourtant, la solution était très simple : implanter, sur place, un régiment de l’Armée Nationale avec une compagnie de gardes nationaux pour sécuriser les champs miniers et le chemin de fer par la présence d’un groupe de soldats et de quelques gardes nationaux dans chaque train, les premiers pour la protection du chargement et la liberté de circulation et les seconds pour dresser, au besoin, et séance tenante, des procès-verbaux contre les contrevenants et le tour était joué. Ce qui nous manquait, alors, c’était la volonté politique et le courage de prendre les décisions qui s’imposent. D’autres jeunes ont même passé outre les instructions d’interdiction de circulation dans certaines zones sahariennes, contrôlées par l’Armée, ont investi une station de pompage (la SP4) à El Kamour et ont posé leurs conditions avant de quitter les lieux. Tout cela ne serait pas arrivé si les politiques avaient donné des ordres fermes, clairs et précis à l’Armée ainsi qu’à la Garde Nationale.
De même, pour un oui ou pour un non, parce qu’on n’a pas de branchement de gaz, parce qu’on n’a pas l’eau courante ou parce qu’on n’a pas été connecté à la Steg, ou parceque la piste agricole n’a pas été bitumée, ou parce qu’on demande quelques emplois, on allume des pneus sur les routes et même sur l’autoroute, sans se soucier des intérêts de nos concitoyens ou de nos visiteurs étrangers, les touristes, comme ce fut le cas, il y a quelques mois, lorsqu’un car de touristes ukrainiens a été empêché, durant quatre heures, de passer par le village de Souk Lahad, au sud–ouest, la route du centre-villeayant été bloquée par des contestataires ou des demandeurs d’emplois et de services. Les touristes ont été tellement pris de peur et de panique qu’ils ont, immédiatement, informé leur gouvernement qui, aussitôt, prit la décision d’interdire à ses citoyens de se rendre dans ces régions.Voilà comment on aide son pays, voilà comment on crée les emplois, voilà comment on fait pour rejoindre les pays que nous devancions il y a quelques décennies et qui nous ont doublé entre temps !!!Ceci provient du laxisme des autorités régionales et nationales qui n’ont pas réagi, à temps, pour utiliser tous les moyens en vue de dégager la route. D’ailleurs, on ne comprend paspourquoi les forces de l’ordre locales, police et garde nationale, constatant pareil acte répréhensible car, on ne bloque pas une route impunément, n’aient pas agi immédiatement en utilisant tous les moyens à leur disposition pour dégager la route sans attendre les ordres d’en haut. Ils ne le font pas parce qu’ils savent qu’ils ne seront nisoutenus niprotégés par leur hiérarchie et tant que pareille sensation n’est pas levée, nous ne progresserons pas d’un iota et au lieu d’avancer, on reculera davantage. Et cela arrive, souvent, parce que les différents gouvernements qui se sont succédén’ont pas donné des instructions permanentes, claires et précises en ce sens, aux forces de l’ordre, et tant que cela ne sera pas fait, nous tournerons en rond sans rien faire. Cela n’est pas étonnant puisqu’à plusieurs reprises et suite aux tentatives d’investissement par des surexcités des locaux de la police ou de la garde nationale, pour quelque motif que ce soit, ordre était donné aux agents des forces de l’ordre de se retirer des locaux et d’abandonner leur poste sachant très bien que ces agents étaient dotés d’armes et de munitions. Les locaux de la police ou de la Garde Nationale étant des symboles de l’Etat, il est inadmissible que l’Etat qui dispose de la violence autorisée par la Loi, recule quitte à faire usage des armes en veillant à ne pas faire de victimes. Si, à la première tentative, et après les sommations réglementaires, le poste attaqué avait répondu en tirant des coups de feu en l’air, l’affaire aurait été, définitivement, réglée, une bonne fois pour toutes. C’est pourquoi, et à plusieurs reprises, des postes de police et de la garde nationale ont été mis à feu après leur évacuation volontaire, sur ordre, par leurs occupants, des policiers et de gardes nationaux armés, évacuation indigne d’un Etat qui se respecte car c’est ainsi que l’Autorité et le Prestige de cet Etat ont été bafoués.Et il semble que cela ne dérange personne !!!
(A suivre)
Boubaker Ben Kraiem
Ancien Sous-Chef d’Etat- Major de l’Armée de Terre,-Ancien Gouverneur.
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