Omar Bouhadiba: Le courage de Ommek Shahla, mère tunisienne, complément de l’homme
Fille du terroir, Shahla est née a Sidi Bouzid dans une famille paysanne. Il y a une cinquantaine d’annees, elle montait a la capitale a la recherche d’un emploi. C’est comme femme de ménage qu’elle fut recrutée par une famille tunisoise, qui allait devenir la sienne pour les quarante ans qui suivirent. A son cousin, Houcine, Shahla donna trois enfants, qui heritèrent de leur mère son esprit vif, et sa tenacité. Les enfants grandirent et fondèrent des familles a leur tour. La plus jeune de ses filles trouva un emploi dans un atelier de couture haut de gamme ou elle se rendit vite indispensable. Sa soeur émigra avec son mari en Libye ou elle se fit une vie confortable. Quant à Naji, son petit favori, un beau gaillard aux yeux verts, il ouvrit un atelier de réparation mécanique qui marchait plutôt bien. Ommek Shahla restait le pilier central de la famille et rassemblait ses enfants autant que possible sous son autorité maternelle et benveillante. La vie devenait à mesure plus confortable, et elle passait de plus en plus de temps avec ses petits enfants.
Et puis un jour, la vie de Shahla bascula. On diagnostiqua chez Naji, son fils adoré, une maladie dégénérative irréversible et incurable. Il était condamné à terme. D’hopital en hopital, le diagnostic était confirmé, tout comme l’issue irrémédiable de cette terrible maladie. Desesperee, a cours d’idees, Shahla se lanca avec l’aide d’un neveu etudiant, dans une recherche sur internet pour connaitre les causes et surtout les traitements de cette maladie. Elle finit par dénicher un hôpital à Shanghai, qui pretendait avoir connu quelques succès dans un traitement à base de cellules souche. Contre l’avis de ses médecins à Tunis, Shahla levait, au prix d’enormes sacrifices de toute la famille, quelques milliers de dinars et decidait de tenter l’impensable. Et c’est quelques jours plus tard que cette femme, illétrée ne parlant que l’Arabe dialectal et n’ayant jamais quitte le pays, s’embarquait avec un fils malade a bord d’un avion d'Emirates Airways pour Shanghai, à l’autre bout du monde. Le séjour en Chine ne fut pas long. Les Chinois administrerent leur traitement pendant quelques jours, puis l’argent venant à manquer, les poussèrent dans un avion pour Dubai avec un respirateur artificiel sense soulager le patient. Dans la précipitation du départ, le respirateur, mal réglé, ne fonctionna pas, et c’est, moribond,que Naji atterissait à Dubai. Emirates, alarmée, transfèrera le patient au service de réanimation du Rashed Hospital où il fut pris en charge. Quant à Shahla, elle élut domicile dans un couloir, sur une chaise en fer, les yeux rivés sur son fils à travers une fenêtre de la salle de soins intensifs. Par chance, elle trouva de vagues parents qui lui offrirent le gîte tous les soirs. L’aube chaque jour, la trouvait devant la porte de l’hopital, où elle se précipitait des l’ouverture, jusqu’a minuit, heure à laquelle le personnel soignant la poussait gentiment vers la sortie. Au bout de quelques jours, la situation de Naji se stabilisa, et la question du retour se posa. Vu sa condition, Naji ne pouvait voyager qu’étendu sur un brancard, ce qui nécessitait huit sièges d’avion. A cela s’ajoutaient les frais de l’infirmier qui devait l’accompagner. Une somme faramineuse dont Shahla n’avait pas le premier sou! Loin de se laisser abattre, elle contacta mosquées et oeuvres de charité, qui, émues par son malheur acceptèrent de payer la totalité de la facture.
A Tunis, le miracle n’eut pas lieu. Quelques mois plus tard, Naji s’éteignait chez lui, entouré des siens et de ceux qui l’aimaient. Pour Shahla, la vie continue. Celle d’une femme Tunisienne, forte, déterminée et tenace. Douce aussi, mais qui se transforme en tigresse des qu’il s’agit de défendre ses enfants. Celle là-même que certains ont essayé d'appeler le complément de l’homme.
Omar Bouhadiba