Mohamed Salah Ben Ammar : Dix brebis pour chaque famille !
Les réponses données par le gouvernement aux drames de Sabala et des nouveaux nés ont provoqué de la révolte voire du dégoût. A mon sens l’essentiel des débats aurait dû se focaliser sur la responsabilité des gouvernants et le rôle que doit jouer l’Etat dans les secteurs vitaux, au lieu de cela nous avons eu droit à un enfumage en règle.
Que doit couvrir et où doit s’arrêter le périmètre d’intervention de l’Etat dans la santé, l’éducation, les transports en commun, les routes, le logement, le travail, la culture, le sport et bien d’autres domaines ? Autant de secteurs en perdition mais sommes-nous capables de répondre à toutes les attentes des citoyens, évidemment que non. Alors comment gérer cette équation en démocratie ? Indéniablement pas par de la propagande. Le flou entretenu et les hésitations des intervenants sont à l’origine de tensions sociales et de colères. Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2015 ont bien démontré leur incapacité à résoudre les problèmes de notre pays. Ils n’avaient pas de programme. Peut-être aussi que longtemps des discours simplistes ont fait croire que l’Etat pouvait tout. L’incompréhension est totale.
A chaque drame, à grands coups d’annonces médiatiques, on distribue aux familles des victimes des parcelles de terre, on promet des moyens de transport, des logements pour les familles, des hôpitaux, des écoles...Aujourd’hui c’est dix brebis ! Je me demande encore comment ils ont osé ? A chaque crise le modus operandi est le même, des têtes d’enterrement des rares responsables présents et comme pour ajouter de la douleur à la douleur on donne l’impression de donner l’aumône aux familles des victimes, pire une compensation. Et ce n’est pas l’Etat qui fait son devoir mais c’est la volonté d’un tel qui l’a permis. On a même la désagréable impression que ces drames sont vécus par certains politiciens comme autant d’opportunités. Le summum de l’indécence… Ce marché de dupes où l’on utilise des citoyens en détresse en leur faisant sentir qu’ils sont redevables à une personne ou à un parti est insupportable. Ils sont les victimes des négligences. L’état de nos routes, la complaisance des agents ne sont pas à proprement parlé des scoops, ils sont responsables d’un grand nombre d’accidents.
Déclarer avoir une politique sociale est d’autant plus hypocrite que toutes les décisions actuelles vont vers un désengagement de l’Etat des secteurs sociaux. Malheureusement voilà 30 ans que le virage a été pris par un régime qui ne demandait pas aux citoyens leur avis. Quotidiennement on nous serine que la solution passe par l’initiative privée et qu’il ne faut plus compter sur l’Etat. La caisse de compensation est remise en cause. Revoir certains de ses mécanismes pour une répartition plus équitable des moyens serait une bonne chose mais de là à l’abolir. On encourage l’enseignement privé, les transports en commun privés…Toutes les décisions prises vont dans le même sens, tous les analystes et autres personnes bien informées le confirment seule la crainte de perdre des voix aux futurs élections semble freiner la privatisation de plusieurs grandes entreprises étatiques. Bonne ou mauvaise solution c’est aux électeurs de décider mais que le contrat soit clair.
L’Etat-providence a vécu, il est en crise et il faut impérativement le réinventer sous une forme ou une autre, c’est nécessaire. La société a changé, les exigences de nos concitoyens aussi. Responsabiliser les citoyens, renforcer la cohésion sociale, renforcer la société civile, voilà quelques axes nécessaires pour faire face aux mécontentements. Ces axes sont rarement développés sereinement par nos responsables.
Nos concitoyens ne sont pas traités en adultes. Rien ne sera possible sans un minimum de cohésion sociale.
Nous sommes aux portes d’une campagne électorale, il faudrait bien qu’à un moment ou un autre, chacun nous expose explicitement sa vision et ses solutions. L’entourloupe de 2014 nous a fait tant de mal. Certes on ne peut pas demander à des novices en politique d’avoir des programmes, ils naviguent à vue entre les partis et brasent large, mais qu’ils aient un minimum de respect pour les électeurs et qu’ils énoncent clairement les grands axes des politiques qu’ils comptent suivre pour sortir le pays du marasme où il a été plongé. Ces crises sont des opportunités pour rebâtir un contrat social, fondé sur la citoyenneté et non l’aumône ou l’assistance, il faut savoir les saisir.
Mohamed Salah Ben Ammar