Dr Mohamed Adel Chehida: La fête de la Circoncision et la sécurité de nos enfants
J’avais 9 ans, mes frères 8 et 5 ans. Nous étions bien vêtus avec des gilets blancs en laine identiques faits à l’occasion de la fête de nos circoncisions prévues à la maison, prévues pour l’après-midi. Toute la famille était réunie, mes grands parents, mes tantes et oncles, mes cousins et mes cousines. Nous avons bien déjeuné. On l’annonce, il est arrivé Si Abdelmajid il fermli, le fameux Tahhar de notre ville qui était à l’époque surveillant de dispensaire aussi. C’était peut-être à l’époque le début de la médicalisation de l’acte circoncision, et heureusement car la stérilisation du matériel aurait évité beaucoup de maladies contagieuses tel l’hépatite B ou C. Traditionnellment c’était le coiffeur du quartier qui était dédié à cette fonction.
J’ai le cœur qui bat très fort, beaucoup de monde dans le salon, je perds un peu le sens de l’orientation, on me donne un fond d’une petite tasse à café remplie par du sirop Toplexil (sirop pour la toux) comme un sédatif, cela a servi à tout sauf me calmer. Je cherche désespérément ma mère du regard, elle a disparu, elle s’est cachée ne supportant pas nous voir entre les main de son collègue.
Bizarre à aucun moment je n’ai pensé à mes frères durant ces moments angoissants.
Am Habib notre voisin, jeune instituteur, avec ses moustaches nous faisait peur, il me conduisit à la chambre où ils avaient improvisé une table d’opération. Des décennies plus tard je peux vous avouez que j’ai bien senti les ciseaux faire un bruit que je n’oublierai jamais et puis des brulûres. Ne pouvant pas échapper à ma destinée, je ne pensais durant ces moments qu’à une seule chose, combien d’argent j’allais récolter les prochaines jours ! A l’époque donner un demi dinar en papier était la règle, la somme finale a été de 40 dinars pour chacun après avoir supporter pendant deux semaines des bises des femmes qui disaient Hamdillah ala din il Islam.
Maintenant qu’est ce qui a changé depuis ce temps ? Evidement beaucoup de choses et surtout la substitution de l’infirmier par l’équipe chirurgien et anesthésiste et la pratique de la circoncision dans une structure hospitalière. C’est un grand pas, même si le 21 juin 2017 le conseil de l’ordre des médecin a du émettre un communiqué* pour rappeler et condamner la pratique de la circoncision non médicalisée. Beaucoup reste à faire et c’est pour cette raison que j’ai pris ma plume aujourd’hui.
En Italie le problème de la circoncision des enfants de tunisiens est toujours d’actualité. Ces deux derniers mois il y a eu le décès dans un tableau d’hémorragie de trois enfants fils d’immigrés musulmans qui ont eu des circoncisions à domicile (appelé circoncisions clandestines ici). L’association des médecins étranger en Italie (AMSI), à laquelle je viens d’adhérer et que je represente dans ma région, estime que 11000 circoncisions par an sont pratiquées sur des enfants d’immigrés, seulement 5000 le sont en Italie et seulement 35% sont pratiquées dans des structures hospitalières, ceci pour deux raisons, des problèmes de coûts et/ou de respect des traditions. Le ministère de santé Italien est en train de travailler sur la gratuité de cet acte et à la promotion de la circoncision préventive, non plus pour motif religieux ou pathologique mais pour protéger les enfants.
Certains insistent parfois pour opérer l’enfant même enrhumé ou fiévreux car la fête a été organisée et il est difficile d’y renoncer. Il faudrait bien penser à la sécurité de l’enfant avant tout. Déjà en aout 1998* le Pr MS Ben Ammar dans la revue maghrebine d’anesthèsie réanimation et de médecine d’urgence, avait dans un editorial à propos de ce sujet « une anesthesie incontournable » en allusion à tout les garçons musulmans avait souligné l’importance d’une démarche codifiée. En 2018 le Pr Sonia Ben Khelifa, chef de service à l’hôpital d’Enfants, a travaillé pour promouvoir les bonnes pratiques dans lesquelles l’enfant doit être opéré, un communiqué a été publié le 18 juin 2018* par notre conseil national de l’ordre des médecin afin de sensibiliser aussi bien les médecins que les citoyens et protéger la santé de nos enfants.
La question reste de savoir quel est le meilleur âge pour circoncire un enfant sachant que le nouveau né est à plus haut risque? Les recommandations repoussent à après un an la circoncision rituelle.
Un éminent chirurgien tunisien avait proposé l’âge de 6 ans pour toute circoncision pour que l’enfant puisse comprendre ce qu’on va lui faire et que son corps soit bien adapté à affronter une intervention avec une anesthesie locoregionale ou générale.
Enfin le message est simple, pensons bien dans tout les cas à la securité et au bien-être de nos enfants, pas de circoncision pour des moins de un an, et des circoncisions que dans une structure hospitaliere par une équipe de chirurgien et d’anesthesiste et que la fête soit totale.
Dr Mohamed Adel Chehida