Opinions - 06.04.2019

Sana Ben Achour : Pourquoi je me désiste de me présenter à la Cour constitutionnelle

Sana Ben Achour : Pourquoi je me désiste de me présenter à la Cour constitutionnelle

« Dans ces conditions de faux semblants et convaincue, après cette mascarade, que la Cour Constitutionnelle ne verra pas le jour, je ne peux me remettre dans la course.  Non pas, encore une fois, par dépit mais bien pour ne pas blanchir, par ma candidature, une opération en trompe l’œil qui participe de manipulations politiciennes à hauts risques pour notre devenir démocratique. » C’est ce qu’écrit Sana Ben Achour, pour expliquer les raisons de son retrait de la course, en décidant de ne pas déposer à nouveau sa candidature. Professeure en droit public et sciences politiques à la Faculté des sciences juridiques politiques et sociales, et figure de proue du mouvement démocratique et militante féministe de longue date, elle n’hésite pas à dénoncer « le grotesque acharnement de certains à faire capoter le projet porte un coup, un autre, à la crédibilité de ceux là-mêmes qui croient se jouer impunément  des institutions de la démocratie que le peuple réclame ».

Communiqué

  1. Je tiens à remercier chaleureusement les parlementaires des blocs du Front Populaire,  « al Kutla al Hurra » et d’« al-kutla al Watanya », de l’honneur qu’ils mont fait en sollicitant ma candidature à la Cour Constitutionnelle, déjà au mois de mai 2018, de  leur confiance et du soutien qu’ils m’ont accordés avec constance.
  2. Je tiens à remercier, aussi  vivement,  toutes les  députées et tous les députés qui m’ont accordé leur confiance en dépit des trois infructueuses sessions et tours de scrutin successifs durant lesquels je n’ai pu rassembler la majorité requise des deux tiers des membres de l’Assemblée des Représentant-e-s du Peuple. 
  3. Le 03 février 2019, l’on a procédé de nouveau à l’ouverture des candidatures et de nouveau j’ai été proposée, par les mêmes, pour présenter la mienne. Si leur insistance m’honore, j’avoue m’être abstenue du dépôt de mon dossier, rendant ainsi sciemment irrecevable ma candidature.
  4. Beaucoup, notamment parmi mes ami-e-s et mes proches, s’interrogent sur le bienfondé de mon désistement,  jugé tardif, voire inopiné. 
  5. De mon point de vue, il ne s’agit ni de l’un ni de l’autre. Si j’ai maintenu ma candidature,  malgré l’échec annoncé, dès le premier scrutin du 13 mars 2018, faute de « consensus » véritable ou pour volte-face et reniements sur les trois candidats « présomptifs » restants, c’est bien pour aller, avec conscience et détermination, jusqu’au bout d’un processus devant mener, en toute logique, à l’édification d’une Cour Constitutionnelle, instance majeure de l’Etat de droit et pourtant toujours en souffrance. Des échecs accumulés et des scores dérisoires récoltés, je n’éprouve personnellement aucune amertume.
  6. En revanche le grotesque acharnement de certains à faire capoter le projet porte un coup, un autre, à la crédibilité de ceux là-mêmes qui croient se jouer impunément  des institutions de la démocratie que le peuple réclame.
  7. Dans ces conditions de faux semblants et convaincue, après cette mascarade, que la Cour Constitutionnelle ne verra pas le jour, je ne peux me remettre dans la course.  Non pas, encore une fois, par dépit mais bien pour ne pas blanchir, par ma candidature, une opération en trompe l’œil qui participe de manipulations politiciennes à hauts risques pour notre devenir démocratique. 
Sana Ben Achour
Professeure en droit public et sciences politiques 
 Faculté des sciences juridiques politiques et sociales