News - 06.04.2019

Révélations - Sécurité du Sommet arabe 2019 : les secrets d’une performance tunisienne (Photos)

Révélations - Sécurité du Sommet arabe 2019 : les secrets d’une performance tunisienne (Photos)

Sans le moindre hiatus, c’est le Plan A qui a totalement fonctionné pour la sécurisation du Sommet arabe de Tunis, clôturé le 31 mars dernier. Dieu seul sait combien d’autres scénarios et plans étaient pourtant bien ficelés pour être déclenchés au cas où. Rien que le contexte géopolitique et la qualité des participants, chefs d’Etat de tout premier plan, notamment, souligne l’importance des risques à prendre en considération. Pas le moindre incident, même insignifiant, une véritable performance tunisienne qui redore encore plus le blason  de direction générale de la Sécurité du Chef de l’Etat et des Personnalités officielles, commandée par Raouf Mradaa, conseiller principal auprès du Président de la République et directeur général, ainsi que celui des forces de sécurité intérieure, déployées par le ministre de l’Intérieur Hichem Fourati, en parfaite synergie, et les forces armées, en appui.

Les chiffres du Sommet

Quelques indicateurs suffisent pour montrer l’ampleur de la tâche.

Les participants : Rien que les 21 délégations officielles étrangères des Etats-membres étaient composées de 2088 participants. Ces effectifs se répartissent entre 372 chefs et membres de délégation, 960 accompagnateurs, 578 sécuritaires et 178 journalistes embarqués. A cela il faudrait ajouter les dirigeants de 25 organisations invités, les représentants de 3 pays invités, soit 197 personnes. Sans oublier la presse tunisienne et étrangère, soit près d’un millier de personnes. 

Les véhicules : Pas moins de 2597 voitures de divers modèles ont été mobilisées. Cette flotte était répartie notamment entre 407 véhicules pour les cortèges officiels (tous les chefs de délégation étaient conduits dans des voitures blindées), 516 pour les invités, 545 pour les voitures affectées aux lieux d’hébergement, 19 pour la presse rapprochée, 215 pour les médias, et autres... Au moins, car il faut prévoir des remplaçants, au cas où. Tous ont bénéficié dès le 20 février derniers de stages de formation, de conduite sécurisée, de repérage des circuits et des lieux, d’imprégnation des règles spécifiques... Aussi, des équipes de dépannage étaient-elles déployées dans les points concernées, aéroport, résidences, Palais des Congrès, parkings et autres, prêtes à intervenir immédiatement, même en plein cortèges, avec des voitures de remplacement si nécessaire. 

Si le sommet au niveau des chefs d’Etat s’était tenu dimanche 31 mars, ses travaux préparatoires avaient en fait commencé une semaine auparavant, dès le samedi 23 mars, date d’arrivée des premiers délégués et hauts fonctionnaires. Selon l’agenda, tout commence au niveau des hauts fonctionnaires, pour se poursuivre avec les délégués permanents auprès de la Ligue arabe, puis, une session du conseil économique et social avec les ministres du Commerce, de l’Economie et des Finances. Dernière séquence avant le sommet, la réunion des ministres des Affaires étrangères. Assurer le transport des délégués et organiser les cortèges des délégations était alors déclenché. Tout comme pour ce qui est des médias.

Pour la conduite des 2597 voitures, il faut compter sur au moins autant de chauffeurs (tous en costumes noirs, chemises blanches et cravates noires, comme quasiment tous les agents de la Sécurité présidentielles). Au moins, car il faut prévoir des remplaçants, au cas où. Tous ont bénéficié dès le 20 février derniers de stages de formation, de repérage des circuits et des lieux, d’imprégnation des règles spécifiques... 

Immatriculation et macarons de voitures : C’est encore, une grande première tunisienne. Si les voitures présidentielles réservées aux chefs d’Etat et de délégation portent toutes et en série, comme il en est d’usage, une plaque présidentielle (comme celle du président de la République), une série spéciale a été créée pour l’immatriculation de tous les véhicules concernés et admises à circuler dans les zones délimitées. Mais attention, cette plaque portant le drapeau tunisien ne constitue pas en soi un laisser passer. Un macaron catégorisé, personnalisé et hautement sécurisé doit figurer sur le parebrise avant.

Badges : Pas de badge, intelligent, pas d’accès : la consigne, stricte et pointilleuse s’applique à tous et partout. Outre les officiels membres des délégations, les invités et la presse, le badging concerne toutes les équipes de service (santé, Steg, télécom, catering, personnel hôtelier et technique), et autres intervenants. Le total s’élève à près de 8000 badges. L’établissement de ces précieux documents d’identification en sésame d’accès constitue une opération très délicate. D’abord, les noms et prénoms doivent être très précis, ce qui n’est guère facile avec l’identité à quadruple dénomination comme pratiqué dans nombre de pays arabe, ne permettant pas de distinguer avec précision le nom de famille du prénom. Mais, aussi, la cohérence des autres données, la photo, la catégorisation et la sécurisation. La maîtrise des technologies de pointe, à tous les niveaux, a été déterminante. Un détail de la sécurisation, l’estampage : en plus du filigrane, une double bande de sécurité, comme sur les billets de banque, a été insérée. Ce procédé n’est guère importé de l’étranger, mais fourni par une entreprise tunisienne, innovante. Le contrôle se fait alors avec un tout petit appareil intelligent de la taille d’un smart phone qui par simple capture à distance de cette bande permet d’identifier le porteur du badge et de vérifier sa photo, mais aussi sa zone d’accès autorisée. Plus que le contrôle, ce système fait remonter des indicateurs utiles.

En pierre angulaire

Tout en fait avait commencé il y a presqu’un an, le dimanche 15 avril 2018. Dès que le 29ème Sommet arabe réuni à Dhahran en Arabie saoudite a confié à la Tunisie l’organisation du sommet suivant en 2019, le président Béji Caïd Essebsi en a déclenché le processus. Avant même de quitter sa suite pour l’aéroport sur le chemin de retour à Tunis, il en a donné des instructions très claires: réussir le meilleur des sommets possibles. Et tout s’est alors mis en branle dans un travail méticuleux, profond et élargi. 

Pierre angulaire de l’ensemble du dispositif à mettre en place : la sécurité. C’est elle qui structure l’organisation et le protocole à la fois. Chaque option, chaque action, chaque initiative envisagée est passée au crible des exigences sécuritaires et des implications nécessaires. La longue expérience des services de la Sécurité du Chef de l’Etat et des Personnalités officielles, sans cesse enrichie ces dernières années est probante. Avec tant de sommets et de manifestations accueillis (5+5, arabes et africains, célébration de la nouvelle Constitution en 2015, Tunisie 2020, etc.) et de sommets couverts à l’étranger (G7, G20, Francophonie, arabes et africains...) et de visites officielles reçues et effectuées, le capital d’expertise est très riche, et sera très utile. Les vis-à-vis en Tunisie et à l’étranger se connaissent déjà, savent travailler ensemble et se configurer, ce qui facilite beaucoup leur tâche et leur permet d’être immédiatement opérationnels.

Dès le départ, cinq sous-commissions spécialisées sécurité ont été formées parmi les douze créées au sein du comité d’organisation. Chacune était en charge d’une responsabilité précise : le transport et les cortèges, le Pavillon présidentiel à l’aéroport, le Palais des congrès et les lieux en proximité concernés, le badging et la salle d’opérations, et les résidences d’hébergement. Un travail d’arrache-pied, en 7/7, avec des briefings quotidien, le tout dernier de la journée commence à partir de 21 h.

Zone Rouge, zone Bleue

Ne comptez pas sur des sécuritaires pour s’épancher sur les détails des dispositifs mis en place. L’investigation journalistique parvient à en déceler des aspects apparents significatifs. Le principe de base comme pour tout service de sécurité est d’évaluer les risques et contraintes, d’analyser le niveau sécuritaire approprié pour chaque hôte et participant, chaque lieu et chaque séquence. Le travail commence aux frontières aériennes, maritimes et terrestres, et à partir des régions jusqu’à la capitale... Tous les services concernés s’y investissent d’où la valeur de l’engagement des forces de sécurité intérieures et de l’armée nationale.

Le deuxième principe et non des moindre, c’est le zoning, établi selon l’identification catégorisée des points sensibles, des zones à fermer, des points de contrôle, des parcours, des circuits d’évacuation en cas de nécessité, et autres.

C’est ainsi que deux zones ont été décidées. La première, Rouge, se concentre au centre-ville de Tunis sur le Palais des Congrès et son voisinage (Hôtel Laico, Cité de la Culture en raison du Media Center, Pavillon présidentiel à l’aéroport, résidences officielles, etc). La seconde, Bleue, s’élargit à l’ensemble des autres lieux concernés et des parcours. En étroite synchronisation, les effectifs déployés par la Sécurité Présidentielle (plus de 2100 agents) et ceux du ministère de l’Intérieur (près de 10.000) ont fonctionné en flux tendus. Les moyens mobilisés en véhicules, motos, ambulances, véhicules de protection civile, hélicoptères, drones, brigades canines, portiques de détecteurs, équipements d’analyse et de brouillage des fréquences et autres, devaient évoluer en toute cohérence et efficience.

La chorégraphie des cortèges

Si le spectacle pour les riverains est de suivre les cortèges toutes sirènes retentissantes, ces déplacements relève des exercices des plus délicats auquel sont confrontés les services de sécurité. Un seul cortège présidentiel est déjà en lui-même compliqué. Une trentaine, à faire circuler en même temps, relève de la performance absolue. Surtout lorsqu’il faut tenir compte de la distance qui sépare le lieu de résidence de l’hôte ou l’aéroport par rapport au Palais du Congrès, l’ordre de préséance et d’arrivée et l’impératif d’un intervalle de 30 secondes entre chaque convoi.

L’exercice se complique davantage lorsque dans ce flux tendu chronométré, il faudrait insérer en toute douceur le cortège du Président égyptien Sissi, et de l’Emir du Qatar, Tamim, tous deux arrivés dimanche matin quelques minutes avant le début des cérémonies d’accueil et d’ouverture. Imaginez alors toute la synchronisation à réussir. Aux commandes dans la salle d’Opérations, recevant sur écran images et sur ordinateurs et par réseaux de communication indications de diverses sources, connectés à tous y compris le Protocole, et supervisant l’ensemble du dispositif, de hauts gradés de la Sécurité présidentielle devait ordonnancer ce ballet. Demander à tel chef de cortège de ralentir, à un autre d’accélérer : une véritable chorégraphie. En appoint, les hélicoptères et les drones seront très utiles.

C’est surtout cette magnifique image de ballet des cortèges qu’il faut garder le plus en mémoire. Moment des plus agréables pour tous, c’est de voir, après la fin du sommet, tous ces convois converger vers le Pavillon présidentiel à l’aéroport, pour le départ des hôtes de la Tunisie. Le sourire de satisfaction affiché sur les visages des invités et des participants, de toutes catégories et les propos élogieux tenus à l’égard de la Tunisie seront la meilleure récompense pour tous ceux qui ont intensément œuvré à la réussite de ce sommet. 

Juste le temps de reprendre, quelques heures seulement, le souffle après ce long marathon remporté, les équipes de la direction générale de la Sécurité du Chef de l’Etat et des Personnalités officielles sont déjà lancées sur les prochaines missions, bien nombreuses rien que durant ce mois d’avril.

Taoufik Habaieb

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