Samir Meddeb: Que peut-on attendre de l'Instance du développement durable
L’instance du développement durable et des générations futures est une instance constitutionnelle. Elle a pour mission principale de promouvoir et de garantir un développement durable pour la Tunisie. Elle œuvrera dans ce sens à assurer, au niveau des différents choix de développement, l’équilibre entre les impératifs économiques d’une part et les exigences sociales et environnementales d’autre part et ceci à toutes les échelles nationale, régionale et locale.
Elle portera dans ses missions une attention particulière à la protection du capital naturel et à la préservation des équilibres écologiques à travers la promotion de l’exploitation rationnelle des ressources naturelles et la lutte contre toutes les formes de surexploitation et de dégradation des différents milieux naturels. Tâche, extrêmement importante et de caractère stratégique dans un contexte national dominé depuis plusieurs décennies par une surexploitation du capital naturel dans les différents domaines du développement ; agriculture, pêche, tourisme, industrie, aménagement…
Pour traduire sa mission et lui donner un sens concret, l’instance du développement durable et des générations futures est amenée, comme toutes les structures qui lui sont analogues dans le monde à utiliser, exploiter et développer deux outils majeurs;
i. La concertation, le partage et la conception commune dans une dynamique multisectorielle et multi-professionnelle de politique, de programme et de projet de développement ; manière de concevoir des visions partagées entre différentes parties, qui soient équilibrées et qui concilient au mieux entre des intérêts différents.
ii. L’exploitation et le suivi dans le temps du produit des analyses chiffrées et argumentées des interactions qui s’établissent, dans le cadre du développement, entre les considérations économiques, sociales et environnementales. Ces interactions sont illustrées par l’agrégation d’indicateurs socioéconomiques et environnementaux appelés couramment indicateurs de développement durable. La Tunisie à l’instar de plusieurs pays dans le monde a développé au cours de ces vingt dernières années une batterie d’indicateurs significatifs dans ce domaine.
Ainsi et sur cette base, il apparait clairement que réfléchir, évaluer et planifier dans le domaine du développement durable ne peut se faire qu’à travers l’exploitation et le suivi dans le temps de tels indicateurs dans une dynamique de concertation et de construction commune.
L’instance du développement durable ne peut pas échapper à cette logique, elle doit être structurée ainsi autour de ces deux principaux outils.
A la lecture du projet de loi de cette instance, il apparait de manière extrêmement visible que ses auteurs ont largement privilégié le premier outil, celui de la concertation, du débat et de l’échange en y créant un forum constitué de plus d’une centaine de participants de tous bords. La dimension chiffrée à caractère scientifique au sein de l’instance a été au contraire totalement omise.
Un débat sans argument scientifique et chiffré ne peut nullement contribuer à matérialiser le concept de développement durable et beaucoup moins à orienter les décideurs vers la voie de la durabilité, tant recherchée actuellement en Tunisie.
Samir Meddeb