Mohamed Adel Chehida - Mer Méditerranée: pont culturel ou cimetière de nos rêves ?
Nième tragédie de jeunes tunisiens en mer méditerranéenne. Une dizaine de jeunes qui rêvaient d’un avenir meilleur, dont un jeune couple et leur enfant, ont quitté clandestinement la côte de Mahdia le 17 mars dernier, nous sommes sans aucune nouvelle d’eux m’écrivait une dame sur mon Messenger. Elle me demandait de m’informer auprès des pécheurs tunisiens, ici en Italie. Evidement le sujet est sensible et personne ne savait grand-chose. La seule certitude est qu’on a retrouvé la barque vide, ce qui a mis toutes les familles en alerte et toute la région de Rejich en angoisse.
Hier soir cette dame m’a informé que malheureusement, ils viennent de retrouver le corps de Mlle Ons, âgée de 26 ans diplômée universitaire en éducation physique sur les côtes sfaxiennes.
Un drame d’autant plus insupportable que cette jeune dame cherchait à quitter la Tunisie avec son frère mineur dans l’espoir de se faire traiter pour une maladie. Aucune nouvelle des autres à l’instant où je rédige ces quelques lignes.
Le jeune Aziz Nessib lycéen en troisième année mathématique avait posté sur son facebook le 24 janvier dernier : «cette génération qui a grandi avec la révolution et les libertés et qui aurait dû être porteuse d’espoir de changement, est à l’inverse dégoûtée d’une patrie qui au final ne lui a rien apporté».
Ceci étant, je m’attends à ce que nos représentants au sein de l’ARP demandent des comptes à nos dirigeants, interrogent notre ministre de l’intérieur. Le 20 mars dernier, dans un exercice pour le moins inhabituel et devant les cadres de l’Etat, le président de la république a dressé un tableau bien sombre de la situation. Persévérer dans l'erreur est condamnable. Les shows comme celui auquel nous avons eu droit sur la santé, ne peuvent pas rattraper l’accumulation d’erreurs et de négligences. Le problème de l’émigration sous toutes ses formes légales et clandestine a été longtemps traité à la légère et pourtant les drames sont devenus quasi quotidiens.
On sait qu'une enquête est en cours depuis un an concernant une autre tragédie, celle des jeunes de Bir hfay et Bir Ali dont l'embarcation, transportant plus de 90 jeunes a été interceptée par la marine nationale, mais s'est retrouvée au fond de la mer avec plus de 45 corps qui ont été repêchés. «Un drame national» avait alors déclaré le chef de gouvernement. La catastrophe avait alors coûté au ministre de l'Intérieur de l’époque, Lotfi Brahem son poste.
Les jeunes de la révolution (moyenne d’âge 22 ans c’est à dire ils avaient 14 ans lors de la révolution) à perdre espoir. La classe politique continue à les décevoir, pire encore on continue à les culpabiliser de rêver à une vie meilleure en quittant la patrie. Le travail rend digne dit-on à juste titre. Etre au chômage sans autre espoir que le café au bout de la rue est destructeur.
Enfin je me permettrai quand même de faire un appel à nos jeunes : Je vous implore ne quittez pas la Tunisie clandestinement si vraiment vous cherchez à préserver votre dignité. Cherchez la légalité et les canaux réguliers. Ne vous attendez pas à trouver l’eldorado, le moment et le lieu ne sont pas du tout propices. Une partie de l’Europe traverse malheureusement, une période sombre, une dérive xénophobe menée par une classe politique qui n’est pas à la hauteur des défis futurs.
Mohamed Adel Chehida
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