Coup de foudre à Addis-Abeba: Impressionnante Ethiopie
Vieux routier du continent africain et de la diplomatie internationale, le président Béji Caïd Essebsi n’est pas facile à impressionner. Il l’a pourtant été par l’Ethiopie et ses nouveaux dirigeants, à l’occasion de sa participation, du 9 au 11 février dernier à Addis-Abeba, au 32e sommet de l’Union africaine. En cortège à travers les grandes avenues de la capitale, comme lors de ses entretiens avec la toute nouvelle présidente de la République, Sahle-Work Zewde, et le tout nouveau Premier ministre, Abiy Ahmed, il a perçu la transformation rapide du pays et l’affirmation d’une grande ambition d’avenir. Coup de foudre réciproque.
L’Ethiopie, au cœur de la Corne de l’Afrique, ce géant démographique de plus de 107 millions d’habitants, affiche la plus forte croissance du continent (8.5% selon le FMI). Ses 45 millions d’hectares de terres arables (coton, café...), ses barrages fournissant à l’abondance de l’énergie électrique à prix très compétitifs, ses 13 nouveaux parcs industriels accueillant de grandes compagnies internationales et ses 4 milliards de dollars d’investissements directs étrangers attirés en 2016 et 2017, entend se hisser parmi les économies intermédiaires les plus dynamiques du continent. Et constituer un hub marchand très actif pour la région. L’infrastructure se renforce à grande vitesse : chemin de fer Addis-Djibouti, tramway, nouvel aéroport, autoroutes et ponts sortent le pays millénaire d’une longue léthargie socialiste durant les dernières décennies. Partout des buildings luxueux et des centres commerciaux modernes sortent de terre.
Le souvenir de Bourguiba et de Haïlé Sélassié
«Je sais que vous avez des liens particuliers avec la Tunisie, c’est pourquoi j’ai tenu à venir vous saluer, Mme la Présidente !» D’emblée, le président Béji Caïd Essebsi engageait la conversation avec la présidente de l’Ethiopie, Sahle-Work Zwede, élue le 25 octobre dernier et première femme à accéder à la magistrature suprême dans son pays. Ancienne ambassadrice d’Ethiopie à Tunis, avec résidence à Paris (2006 - 2006), elle avait en effet tissé des liens solides avec des Tunisiens et cultivé une réelle amitié pour notre pays. Dans ce célèbre Palais National d’Addis-Abeba, construit en 1955 au milieu d’un vaste jardin pour le jubilé d’argent de l’empereur Haïlé Sélassié Ier, où elle recevait son hôte, le président de la Tunisie, Sahle-Work Zewde ne pouvait occulter la grande amitié qui avait lié l’Empereur et le président Bourguiba. Elle sera fort émue lorsque Béji Caïd Essebis lui offrira une photo inédite de la dernière rencontre entre Bourguiba et l’Empereur.
Un réformateur en grande vitesse
Pendant plus de 45 minutes, l’entretien en anglais, sans interprète, entre le président Béji Caïd Essebsi et le jeune Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed (42 ans), a été lui aussi impressionnant. A la tête de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (Fdrpe), il succède à Haile Mariam Dessalegn, démissionnaire, au poste de Premier ministre le 2 avril 2018. Son tour de force est d’être un rassembleur, mais aussi un transformateur. En quelques mois seulement, il a su apaiser tant de tensions internes, désamorcer tant de conflits et dépasser les questions ethniques, religieuses et politiques, pour forger une union sacrée.
Reprenant à bras-le-corps le programme de croissance et de transformation économique, en imposant des réformes urgentes et une âpre lutte contre la corruption, il lance en parallèle un grand plan social. Abiy Ahmed ne se contente pas de cette dynamique interne qu’il imprime au pays. Il se lance en effet dans un ambitieux projet de pacification de l’ensemble de la Corne de l’Afrique ensanglantée par des guerres (Somalie, Erythrée...) et le terrorisme. Profitant de la nouvelle donne dans les pays du Golfe, au Yémen et sur les rivages de la mer Rouge, il positionne son pays, l’Ethiopie, en nouveau partenaire privilégié des grandes puissances occidentales, du Golfe et de la Chine.
Abiy Ahmed sera tout ouïe pour écouter les analyses géostratégiques que sait faire Béji Caïd Essebsi. Et le président Caïd Essebsi sera très attentif aux explications fournies par le nouveau leader de la région. Avec, évidemment, les perspectives de coopération entre les deux pays. Coup de foudre.
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