Tunisie – France – Europe : l’épineuse question de la migration et de la réadmission en Tunisie des terroristes Tunisiens (Album photos)
Taoufik Habaieb, envoyé spécial de Leaders à Paris- Doubler le volume des investissements français en Tunisie, d’ici 2022, relever les défis sécuritaires et économiques, ouvrir à l’automne prochain l’Université de Tunis pour l’Afrique et la Méditerranée, soutenir pour 50 millions de dinars la création d’emplois pour les jeunes, accélérer l’implantation de la version tunisienne du campus de startups, Station F… Youssef Chahed aura écouté non sans satisfaction la longue énumération que lui en a été faite par son homologue français, Edouard Philippe, jeudi à midi, à Matignon. Mais, il est resté vigilant quant à la position de la France, et celle aussi de l’Europe quant à la ‘’réadmission’’ des combattants terroristes au Moyen-Orient, dans leur pays d’origine, ce qui est le cas de la Tunisie entre-autres pays.
''La marche arrière est impossible''
Devant la presse, après la tenue du haut conseil de la coopération, marqué par la signature de six nouveaux accords de coopération, Youssef Chahed s’emploiera de son côté à rassurer la France quant à l’avancée de la Tunisie. ‘’La marche arrière est impossible. Mais, comment aller de l’avant, si on ne compte pas sur la synergie indispensable avec nos amis ? dira-t-il. Nous passerons cette année le cap de 1 million de touristes français en Tunisie, nous persévérons dans la lutte contre le terrorisme et nous nous apprêtons à accueillir le sommer arabe en mars prochain, le sommet de la Francophonie en 2020. L’ensemble sur fond d’une démocratie qui s’enracine. Ce n’est pas tous les jours que l’Europe à un moins d’une heure de ses rivages une démocratie qui fonctionne… »
Une point d’humour: « En ce jour de Saint-Valentin, lancera Youssef Chahed, le couple tuniso-français se porte très bien ». Et file un grand amour ?
La Libye et le retrour des terroristes
Avant de pouvoir l’affirmer, il faut chercher à savoir ce qui s’est dit, à huis-clos, sous les lambris dorés de l’Hôtel Matignon. D’abord, lors du tête-à-tête Chahed- Phillipe, puis à table lors du déjeuner du travail élargi aux délégations des deux pays. Leaders a essayé de tirer quelques précisions d’Edouard Philippe, lors du point de presse. « Avez-vous évoqué, a demandé l’envoyé spécial de Leaders, la situation en Libye et la sortie de crise et qu’en est-il du dossier de la migration et de la réadmission en Tunisie des Tunisiens qui ont servi dans des lieux de combats au Moyen-Orient ? »
Difficile de croire que le Premier ministre français n’ait pas saisi séparément les deux questions. Sa réponse a été évasive. « C’est une question importante pour nos deux pays, dira-t-il. Le retour des hommes et des femmes qui se sont rendus sur les lieux de violence représente tant pour la Tunisie que pour la France une question extrêmement importante. Nous devons la prendre en considération et y répondre, dans la concertation. »
L'Europe déterminée à expulser les terroristes, sans attendre un laisser-passer ou s'assurer de leur identité effective?
Le décryptage est nécessaire. L’Europe, la France comprise, entend faire « réadmettre », c’est-à-dire expulser de son territoire, tout terroriste ou proche de terroriste, dans son pays d’origine, sans attendre que les autorités de son pays lui délivre un laisser passer. Grâce à un passeport européen approprié, il sera mis dans un avion et forcé au retour.
La Tunisie ne l’entend pas ainsi. Les questions migratoires avait fait l’objet dès 2008 d’un accord tuniso-français, stipulant d’ailleurs l’accueil en France chaque année de pas moins de 8000 migrants, en fonction d’une liste de métiers et professions demandées. Dix ans après, ce quota n’a pas été totalement appliqué. Quant à la ‘’réadmission’’, la Tunisie ne s’y oppose pas tant qu’elle s’inscrit dans des procédures concertées d’identification précises des personnes concernées, de respecter leurs droits, et de ne concerner que ceux qui seraient en situation irrégulière et formellement reconnus coupables d’actions répréhensibles. D’ailleurs, pour ce qui de la France, le nombre de laisser-passer délivrés par les autorités consulaires tunisiennes a augmenté de plus de 25% en 2018, par rapport l’année précédente, apprend Leaders de bonne source, ce qui démontre les bonnes dispositions de coopération en la matière.
Si la question migratoire était du ressort de chaque Etat-membre de l’Union européenne, une nette tendance se dessine aujourd’hui à s’inscrire dans une démarche communautaire globale, sans tenir compte des droits acquis. La Tunisie doit s’y préparer sérieusement.
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