News - 04.02.2019
Cloître de la secte religieuse de Regueb : Et tous ces jardins d’enfants illégaux
La révélation du cloître religieux établi dans la campagne de Regueb (Sidi Bouzid), et tout le train de misère imposée à des enfants, pose un problème plus général. Qu’en est-il en fait de tant de crèches et de jardins d’enfants, exerçant en toute illégalité et pour la plupart sous l’emprise d’éléments religieux extrémistes. La petite enfance est livrée à la jungle, écrivions-nous déjà dans Leaders, il y a quatre ans, en septembre 2014.
La secrétaire d’Etat à la Femme et à la Famille, à l’époque, dans le gouvernement Mehdi Jomaa, Neila Chaabane (actuellement doyenne de la Faculté des Sciences Juridiques de Tunis), avait acquiescé, tirant la sonnette d’alarme. Aujourd'hui encore, elle persiste et signe. "Il suffit d'appliquer la loi qui est bien fournie et de soutenir les déposiatires de l'autorité publique dans l'exercice de leur mission", déclare-t-elle à Leaders. Entre kouttabs (qui relèvent du ministère des Affaires religieuses), crèches et jardins (du ministère de la Famille) et classes préparatoires (ministère de l’Education), la multiplicité des autorités de tutelle, ouvre des brèches où s’engouffrent les marchands de tous genres.
Les moyens d’inspection et de contrôle sont très limités. La dissuasion est très faible. Les abus sont catastrophiques.
Constats et mesures urgentes
Si l’exploitation religieuse, avec son corollaire d’endoctrinement salafiste, le trafic d’êtres humains et le détournement de mineurs posent avec acuité le cas des cloîtres et autres « écoles coraniques », les pouvoirs publics et la société civile doivent prêter attention également aux crèches et jardins d’enfants. Neila Chaabane avait à l’époque établi un diagnostic édifiant et élaboré une série de recommandations utiles. Restées cependant sans suite.
- Faible couverture territoriale et absence de toute crèche et jardin d’enfants dans plus de 600 secteurs : un programme d’appui à l’implantation dans les zones d’ombre offrant équipements et manuels, prise en charge des salaires des éducateurs, aide au loyer et contribution à hauteur de 80D par mois par enfant accueilli. Une incitation significative qui doit pousser les jeunes promoteurs à en profiter.
- Peu d’établissements publics et en mauvais état : un programme de réorganisation et de réhabilitation doté de 1.5 MD est opérationnel. Mais sur les 70 municipalités disposant de jardins d’enfants et pouvant postuler aux crédits de ce programme, seules 13 parmi elles ont présenté leurs dossiers. Qu’attendent les autres ?
- Maigres moyens des associations gérant des établissements autorisés : mise à disposition de personnel qualifié, d’équipements et de matériel didactique
- Frais scolaires élevés pour les familles nécessiteuses plaçant leurs enfants dans des établissements relevant d’associations ou de jardins d’enfants privé s: contribution aux frais. C’est la même mesure que celle décrite précédemment : 80 dinars, il faudrait la garder à un seul endroit
- Au moins, c’est du concret. Mais, il faut aller plus loin. Parmi les suggestions recueillies par Leaders auprès surtout des familles :
- Inciter les entreprises à encourager l’implantation de crèches et de jardins en leur sein ou dans leur zone. La proximité du lieu de travail des parents est importante.
- La contribution, en tant qu’action sociale d’entreprise citoyenne, au financement de ces établissements, ce qui ouvre droit à la supervision
- La prise en charge totale ou partielle des frais de scolarité
- Et, surtout la révision de la gouvernance des crèches et jardins en impliquant au maximum les parents dans des comités de gestion, d’encadrement pédagogique, etc.
- D’une manière plus globale, la démarche à suivre consisterait à:
- Multiplier les établissements publics devant servir de référence
- Couvrir les zones d’ombre
- Encourager les associations spécialisées
- Offrir des incitations significatives pour les promoteurs qualifiés
- Renforcer le contrôle et l’encadrement pédagogiques
- Faire respecter la loi et sévir sans hésitation, dès que nécessaire
- Impliquer, statutairement, les parents et, pourquoi pas, la société civile, dans le suivi et l’encadrement pédagogiques.
La petite enfance, espoir de la nation, mérite au moins cela et, en fait, beaucoup plus.
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