De hauts fonctionnaires à 7 heures du matin au bureau : Je les ai rencontrés à Tunis !
Il n’en revient pas encore. Sollicitant audience auprès d’un directeur général au sein d’un grand ministère, ce manager d’une multinationale en visite à Tunis était surpris qu’on lui fixe rendez-vous lendemain à 7 heures du matin. C’est le haut fonctionnaire qui l’appelle lui-même en début de soirée pour s’excuser doublement. D’abord, parce que, pris toute la journée avec son ministre à l’ARP au Bardo, il n’avait pas pu le rappeler plutôt. Mais, aussi, parce que à 7 heures du matin, c’est le seul créneau qui lui reste encore disponible au cours d’une nouvelle journée bien surchargée. En fait, parti vers 8 heures du soir, il est de retour au bureau dès 6 heures du matin. D’emblée, il s’attaque à son courrier, commence à recevoir les premiers visiteurs puis vaque aux réunions et autres engagements. Un rythme endiablé qui se répète chaque jour.
Ce manager d’une multinationale, qui a roulé longtemps sa bosse un peu partout, pratiquant de multiples administrations, en est resté fort étonné. Reçu tôt le matin, comme convenu, il a pu vérifier l’exactitude du rendez-vous, la qualité de l’écoute et la pertinence des réponses à ses questions.
Un ministre ne peut rien ni pour eux, ni contre eux!
Notre haut fonctionnaire est-il une exception dans cette cohorte pléthorique de fonctionnaires laxistes et démobilisés ? Est-ce un accro du travail qui cherche à plaire à son ministre et obtenir une promotion ? Nullement ! Comme lui, nombre de fonctionnaires de l’Etat, à divers niveaux de la hiérarchie ont fait serment d’abnégation et de dévouement au service public. Formés pour la plupart à l’ENA, gravissant les échelons à la force du poignet, subissant depuis 2011 une rafale de ministres successifs ne connaissant, à quelques rares exceptions, ni les rouages de l’Etat, ni le fonctionnement de l’Administration, ils préservent le service public et s’y accomplissent. Sans attendre la moindre récompense.
Au plafond du grade, ils n’aspirent ni à une fonction, ni à des avantages qui, sommes toutes, ne leur ajoutent rien. Un ministre ne peut rien ni pour eux, ni contre eux! Il est vrai que lorsque leur ministre est bon, compétent et honnête, ils se dopent davantage. A l'inverse, ils se cabrent pour protéger le bien public et le sens de l'Etat, sans renoncer à leurs convictions ou se délier de leur engagement.
Quant à leur rémunération, elle ne dépasse guère, à l’étonnement de ce manager d’une multinationale, l’équivalent de 700 euros par mois.
Kamel Morjane et Riadh Mouakhar sauront-il réagir ?
Des masochistes, doit-il penser d’eux ! Ou tout simplement, de grands commis de l’Etat qui y ont cru et qui continuent à y croire. Ce sont eux qui ont tenu la maison au lendemain même du 14 janvier 2011 et c’est grâce à eux que la machine résiste bien et continue de tourner. Une espèce rare, malheureusement, en voie d’extinction. Avant de jeter l’éponge et de quitter la fonction publique, un illustre haut fonctionnaire, passé secrétaire général du Gouvernement, Ahmed Zarrouk, avait planché sur un régime incitatif en faveur de la haute administration. Il s’agit de récompenser au mérite ceux qui servent l’Etat et d’attirer les meilleurs pour rallier ses rangs. Où en est ce projet ? Kamel Morjane et Riadh Mouakhar, les deux nouveaux ministres concernés gagnent à le dépoussiérer et le faire aboutir.