Asma Ghachem : Hommage à notre Professeur Abdelfattah Amor
Il y a sept ans, le 2 janvier 2012, nous quitter furtivement le Professeur émérite et ancien doyen Abdelfattah Amor, à l’âge de 69 ans. Ravi aux siens alors qu’il ‘’s’adonnait à des exercices sportifs au parc du Belvédère’’, il continue à susciter hommage et reconnaissance, de la part de ses nombreux collègues et disciples, en Tunisie et à l’étranger.
Son palmarès est en effet éloquent : Doyen de la Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis (FSJPST) (1987 – 1993), puis doyen honoraire, président de l'Académie internationale de droit constitutionnel, rapporteur spécial des droits de l'homme des Nations unies pour les libertés religieuses et de conviction, président du jury de l'Unesco pour le prix de l'éducation aux droits de l'homme de 2000 à 2008, membre, puis vice-président et président du Comité des droits de l'homme des Nations unies, il avait bénéficié d’un grand rayonnement internationale. Au lendemain du 14 janvier 2011, il avait été chargé de la délicate tâche de présider la Commission nationale d'investigation sur les faits de corruption et de malversation… Le rapport qu’il remettra le 10 novembre 2011, au président intérimaire, Foued Mebazaa sera édifiant.La commémoration, en février 2012, du 40ème jour de sa disparition, avait fait drainer à ‘’sa’’ Faculté d’illustres figures de premier plan et un très grand nombre d’amis et proches.
Restée fidèle à son souvenir, Asma Ghachem, enseignante à la FSJPST, en disciple reconnaissante, lui rend en ce 2 janvier 2019, un vibrant hommage.
''La profondeur de son être''
Je ne me rappelle plus de ce que mon Professeur Abdelfattah Amor m’avait enseigné. Je ne peux oublier en revanche ce qu’il m’a transmis.
Au-delà de l’effort qu’il déployait pour nous faire comprendre les notions, concepts et techniques du droit constitutionnel, je voyais devant mes yeux, le don de soi incarné. Attentif à chacun d’entre nous, il savait nous valoriser. Il me donnait ce pouvoir magique de croire que je peux y arriver même si tout m’inspirait le chaos le plus absolu. Il me donnait la force de croire en cette infinité de possibilités qui s’offre à moi et la foi de parvenir à emprunter l’une d’entre elle, celle qui sera, sans ambages, ma vocation. A l’époque je ne le savais pas, aujourd’hui, je le sais : ça s’appelle « la confiance en soi ».
Mon Professeur avait le don de manier le verbe, il jouait des mots et s’en réjouissait. Il y avait de la beauté, de la musicalité dans la sonorité des mots tels qu’il aimait les prononcer. Au-delà, il y avait la beauté de l’indicible, du perceptible. Il y avait tout ce que je sentais fortement : la finesse, la sensibilité, la profondeur de son être…tout ce qu’on n’enseigne pas mais qu’on transmet sans le vouloir, sans même l’afficher.
C’est ce qui me reste de lui et c’est ce qui fait toute mon admiration et toute ma fierté de l’avoir rencontré dans les moments les plus déterminants de la vie d’une personne, ceux où elle doit décider de son avenir.
Lui écrire ? C’est absurde. Avoir l’illusion qu’il puisse nous lire, c’est encore plus absurde.Néanmoins, le comble de l’absurdité est de dire aux morts ce qu’on n’a jamais pu leur dire de leur vivant. Je lui écris pour avoir l’illusion de remédier à ce jour où je l’ai vu à la faculté et où il m’a félicité avec tant d’ardeur d’être devenue enseignante. Le jour où j’avais tellement voulu lui dire toute ma reconnaissance de m’avoir poussé, (sans le savoir ?) vers ce chemin et où mon être m’a trahi. A peine j’ai ouvert la bouche, J’ai eu aussitôt la gorge serrée, j’ai alors avalé ma salive et y ai noyé ma voix.
Asma Ghachem