Taoufik Habaieb: Décence !
La classe politique a-t-elle péché par son indécence ? Le manque de modestie, de retenue, de prudence, de pudeur et de respect l’aura privée de cette valeur exemplaire qu’est la décence. Vertu intellectuelle et morale, ce sens commun (Georges Orwell, dans 1984) fait de la prudence une valeur exemplaire du pouvoir. Mieux, ‘’la servante de la sagesse’’ (Thomas d’Aquin, 1224 -1274).
Se discipliner soi-même avant d’agir protège de l’euphorie du pouvoir qui conduit à l’imprudence. Et du grand vertige et de l’ivresse qui saisissent les politiques. Le respect, garant du lien social qui nous fait tenir ensemble, est la revendication essentielle de la dignité qui a fusé en Tunisie en 2010 -2011 et qui attend à ce jour ne serait-ce qu’un début d’accomplissement.
Les masques demeurent collés sur les visages. Faute d’authenticité dans les propos, le comportement et l’engagement, beaucoup croient que l’astuce et la ruse sont capables de les conduire vers le pouvoir et les y installer durablement.
Certains oublient que gouverner est un art réglementé, un véritable métier auquel on se prépare. La littérature arabe (Ibn al Moqafaa...) française et européenne regorge depuis des siècles de manuels pédagogiques qui préparent les princes et futurs monarques, ainsi que leur entourage, face aux fantasmes du pouvoir absolu.
Dans les traités d’éthique ‘’Le Miroir des Princes’’ (XIIIe s.), la prudence rappelle que le pouvoir n’est guère une île enchantée offrant tous les plaisirs, procurant tout le lucre. Au grand miroir d’antan qui réfléchit l’image réelle, les réseaux sociaux trahissent tout aujourd’hui. Plus rien n’est tu, tout est su. Immédiatement, manipulation en plus.
La nouvelle dictature de l’instantané en son et image textualisés et les récentes modifications d’algorithmes opérées par Facebook changent la donne. Ils favorisent les contenus personnels au détriment de l’information véhiculée par les médias et installent les communautés en nouveaux filtres de ce que nous devons savoir et ce que nous devons penser. L’image n’est plus maîtrisée. Amplifiée, parfois déformée, elle en fausse la perception, créant de fausses icônes, brisant des carrières.
L’irrévérence s’installe en mode de vie. La défiance s’impose en arme de survie. Seule désormais comptent l’authenticité et, à son cœur, la décence. L’homme idéal porteur de noblesse d’âme, incarnation de la vérité, disparaît de notre imaginaire. L’homme sincère et authentique est convoqué à notre quête pour gouverner.
Entre désir d’empathie pour se faire aimer et reconnaître et devoir de repentir et de redevabilité pour mériter la confiance, le politique ne peut se lancer dans la stratégie de conquête du pouvoir, et encore plus celle de son maintien, sans cet humanisme de l’homme ordinaire, sans la décence.
C’est pourquoi celui qui se présentera au verdict des urnes, à l’automne, pour Le Bardo ou pour Carthage, ne pourra faire prévaloir que son authenticité.
En érigeant la décence, authentique et non artificielle, en pratique et non en promesse, en tant que métavaleur, à l’orée de cette année, on repositionne la primauté du respect du citoyen au cœur de l’action politique. En injonction aux puissants et à ceux qui croient l’être, afin qu’ils réfléchissent sur la vérité de la vie et donnent sens à la leur.
Qu’en ce nouvel an, la volonté des Tunisiens soit réalisée!.
Taoufik Habaieb
Bonne & Heureuse Année 2019
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Les gouvernants n'aiment pas les instantanés de la communication moderne parce qu'ils n'en sont ni les maîtres ni les inspirateurs ; certes, ils trouveront les algorithmes qui les feront filtrer à leur avantage; si ce n'est déjà momentanément le cas; mais c'est creux comme le tonneau des Danaïdes et laborieux comme le travail de Sisyphe.