Président de la BAD: Comment Dr Adesina draine les investissements en Afrique et en Tunisie
Johannesburg - De l’envoyé spécial de Leaders, Taoufik Habaieb. Briser le tabou du risque inhérent à l’investissement en Afrique par des Africains : le président de la Banque africaine de développement (BAD), Dr Akinwumi Adesina, y est parvenu, résultats tangibles à l’appui dans un exercice inédit. En prenant le risque d’organiser l’African Investment Forum, du 6 au 9 novembre dernier, et mettant très haut la barre tant pour le nombre de participants, la qualité des représentations officielles et le volume des transactions proposées, il n’avait aucune garantie en main. Réunir chefs d’Etat et de gouvernement, ministres, investisseurs internationaux et continentaux, dirigeants d’institutions de financement du développement et présidents de grands groupes significatifs du secteur privé, non pas pour discuter, mais pour décider, constitue un pari pas facile à tenir. D’emblée, Dr Adesina lancera à l’ouverture des travaux: «Nous ne sommes pas venus ici pour des talk-shows, mais pour aller vers les transactions. Let’s go to deals !». Il sera servi.
La Tunisie y a gagné
Pas moins de 45 projets parmi les 61 mis sur la table, représentant plus de 32 milliards de dollars, ont suscité l’intérêt des investisseurs. La Tunisie avait introduit deux projets en PPP, totalisant 513,5 millions de dollars. Il s’agit de la nouvelle centrale électrique combinée de la Skhira, d’une capacité de 450 MW pour un montant de 450 millions de dollars, et d’une station de dessalement de l’eau de mer à Ghannouch (Gabès) pour le compte du Groupe chimique tunisien, d’un montant de 63,5 millions de dollars. En outre, la BAD et la Berd ont signé à cette même occasion un accord de mise en œuvre d’un programme conjoint d’assainissement au profit de 33 communes de moins de 10 000 habitants, dans 19 gouvernorats, opéré par l’Onas, d’un montant de 150 millions de dollars.
Un concept innovant
Les deals ne manqueront pas, chacun essayant d’en tirer profit. Mais, au-delà de ces transactions, le concept lui-même du Forum est innovant. Des board-rooms étaient réservées aux promoteurs de projets publics et privés pour les exposer pendant 15 mn et répondre aux questions des investisseurs potentiels. Une grande market-place était aménagée avec des salons en open space et des alvéoles de rencontres. Des meeting-rooms devaient permettre aux officiels de s’entretenir avec leurs pairs. Alors que dans la grande salle du Convention Center, des séances plénières et des panels de discussions thématiques traitent de grands sujets d’actualité. Une dynamique d’affaires et une grande synergie.
Conduisant la délégation tunisienne au Forum, Zied Ladhari, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, enchaînera, en présence de l’ambassadeur de Tunisie à Pretoria, Narjess Dridi, les entretiens. Alors que de son côté, Boutheina Ben Yaghlane, directrice générale de la CDC, Khalil Laabidi, président de la TIA, Atef Mejdoub, président de l’Igpp, Belhassen Chiboub, directeur général de l’IPP au ministère de l’Industrie, Abdellatif Hmam, P.D.G. du Groupe chimique, et Olfa Chammari, du ministère des Finances, appuyés par Wissem Klai de l’ambassade de Tunisie à Pretoria, se déploient tous azimuts. Du secteur privé tunisien se distingueront particulièrement Aziz Mbarek d’AfricInvest et Sara Limam Masmoudi des Laboratoires pharmaceutiques Teriak (qui a acquis une société de fabrication de produits médicaux au Cameroun).
L’entretien de Ladhari avec le président de la BAD était fructueux. Entouré de son conseiller spécial pour l’Afrique du Nord, Lassaad Lachaal, ancien ministre de l’Agriculture (2015), et du directeur général du Bureau régional de la Banque à Tunis, Mohamed El Azizi, Dr Adesina soulignera que le soutien de la BAD à la Tunisie sera plus que renouvelé, renforcé. Il a indiqué qu’il a été honoré par l’invitation que lui avait adressée récemment le président Caïd Essebsi lors du Sommet G20 Compact With Africa à Berlin pour se rendre en Tunisie. « J’effectuerai cette visite avec d’autant plus de considération et d’intérêt qu’elle doit marquer l’inauguration du bureau régional de la BAD et l’accroissement de nos programmes et opérations», dira-t-il.
Les chefs d’Etat ont répondu à l’appel
Dr Adesina marquera également une réussite politique. Il est en effet parvenu à s’assurer la présence active non seulement du président Cyril Ramaphosa de la République d’Afrique du Sud, mais aussi de la toute nouvellement élue, la présidente Sahle-Work Zewde d’Éthiopie, ainsi que du président Alpha Condé de la République de Guinée, du président Macky Sall du Sénégal et du président Nana Dankwa Akufo-Addo du Ghana. De plus, le vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, le Premier ministre du Rwanda, Édouard Ngirente, le Premier ministre du Cameroun, Philémon Yang, et des ministres représentant le Royaume du Maroc, la Côte d’Ivoire, la Tanzanie, le Niger, la Tunisie et le Gabon, tout comme les gouverneurs des pays membres de la BAD, ont fait le déplacement à Johannesburg.
Le président de la BAD rappellera plus d’une fois qu’investir en Afrique, ce continent qui atteindra 2 milliards d’habitants en 2050, n’est pas un risque mais une opportunité. Le risque à maîtriser est de savoir gérer le risque, insistera-t-il. Tout investissement réussi dans un pays bénéficiera aux pays voisins, à la sous-région et au continent tout entier, ajoutera-t-il. Et de ponctuer : «L’Afrique doit investir en Afrique, pour mille et une raisons.» Parole de banquier, mais aussi d’ancien ministre de l’Agriculture du Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique comptant 187 millions d’habitants et devant atteindre 440 millions à l’horizon 2050. Les pieds encore dans les champs, mais la tête dans les plus hautes sphères économiques et financières, il veut changer la perception de l’Afrique sur les places financières et surtout accélérer la croissance du continent.
Entre super-revenus et super impact
Le parti pris du Dr Adesina est de favoriser l’investissement au plus grand impact sur la communauté. Ceux qui cherchent des super-revenus peuvent trouver dans d’autres enceintes des créneaux rentables. Mais, l’investissement le plus durable est celui le plus profitable en termes de création d’emplois, de préservation de l’environnement et de développement durable, de développement de la technologie et d’environnement, d’encouragement des jeunes promoteurs et autres vertus cardinales. Il sera réconforté dans cette vision par deux super investisseurs, icônes chacun dans sa région. Aliko Dagoté, du Nigeria, l’homme le plus riche d’Afrique et 100e fortune mondiale, et Majid Saif Al Ghorair, président de la Chambre de commerce d’industrie de Dubaï, issue de l’une des plus grandes fortunes privées des pays du Golfe, sont acquis à cette orientation. Développer les affaires en privilégiant la responsabilité sociale est non seulement possible, mais aussi nécessaire. Chacun y apportera son propre témoignage. Avant de calculer le profit escompté, demandez-vous quel impact produira votre investissement, particulièrement au profit des jeunes, des femmes et des plus démunis. Le président Cyril Ramaphosa et ses pairs présents viendront en appui.
Ce n’est pas au changement de la perception de l’Afrique et de l’investissement uniquement que s’emploie Dr Adesina, mais aussi celle de la BAD. Bien joué à Johannesburg.
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