Mandela, Bourguiba et Bahi Ladgham
La scène se passe le 14 juin 1994 à Tunis, sur la place des Droits de l’Homme en face de l’hôtel Abou Nawas, l’actuel Laico, où résident les chefs d’Etat et de délégations africaines venus assister au Sommet de l’OUA. Parmi eux, Nelson Mandela tout auréolé de sa victoire contre le régime de l’apartheid. C’est le premier sommet africain et le seul jusqu’à présent organisé par la Tunisie. Mais il restera dans l’histoire comme celui qui a vu l’admission de l’Afrique du Sud en tant que 53e membre de ce qui était l’Organisation de l’unité africaine. Ce pays venait juste d’élire à sa tête Nelson Mandela, marquant ainsi son entrée officielle sur la scène africaine.
Sur cette place bondée de policiers, un septuagénaire avance d’un pas décidé. Un jeune policier lui fait signe de s’arrêter. L’homme obtempère : je m’appelle Bahi Ladgham et je voudrais rencontrer Nelson Mandela. Incrédule, le policier appelle son supérieur, un homme d’un certain âge qui reconnaît tout de suite l’ancien Premier ministre et bras droit de Bourguiba pendant quinze ans. Il le salue respectueusement et lui renouvelle sa demande. Il veut rencontrer le président de l’Afrique du Sud. Le gradé lui demande de patienter un moment. Quelques minutes plus tard, un membre de la délégation sud africaine arrive et annonce à Si Bahi que Mandela serait heureux de le rencontrer. Il est aussitôt conduit auprès du président sud-africain. Les retrouvailles seront émouvantes. Ils tomberont dans les bras l’un de l’autre. Mandela se rappelle très bien leur dernière rencontre qui remonte à …1962 à Tunis. Le Sud-Africain était venu pour obtenir des armes. Il a rencontré Bourguiba qui lui a réservé un accueil chaleureux et a tout de suite accepté de lui fournir l’aide qu’il réclamait et l’encourage à engager la lutte armée contre le régime blanc avant de le confier à Si Bahi. Ce dernier cumulait alors les fonctions de secrétaire d’Etat à la présidence (l’équivalent de Premier ministre) et secrétaire d’Etat à la Défense. Mandela obtiendra les armes, mais n’aura pas le temps d’engager la lutte armée. ll sera arrêté à son retour en Afrique du Sud puis condamné à trente ans de prison au terme d’un procès expéditif.
Le destin voudra que le ‘’Prix Mandela du Combattant suprême’’ soit attribué pour l’année 2017, à titre posthume, au président Bourguiba.
Hédi Béhi
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