Ces Tunisiens au cœur de l’Afrique du Sud
Traverser le continent africain de bout en bout, du Cap Bon au Cap de Bonne-Espérance, à 11 000 km de distance n’a pas dissuadé des Tunisiens. Ils ne sont pas nombreux à le faire, quelques centaines, mais heureux de l’accomplir, bien installés, bien appréciés, respectés. La migration en Afrique du Sud est récente. Les premiers arrivés étaient venus au lendemain du changement historique de 1994 marqué par l’accession de Nelson Mandela au pouvoir. Il s’agissait d’expatriés travaillant pour des organisations et compagnies étrangères ou de conjoints tunisiens mariés à des étrangers, essentiellement européens, affectés dans ce pays. Un jeune Tunisien, aventurier, dynamique et ambitieux, aura cependant le courage d’aller en explorateur. Débarquant en 1994 animé d’une grande ambition pour toute arme, il réussira en affaires et fondera son entreprise qu’il ne manquera pas de développer.
Déjà, avec Mandela, depuis 1962
Pour l’histoire, il convient de rappeler que la Tunisie s’est associée de longue date à la lutte du peuple sud-africain pour son affranchissement de l’apartheid et son indépendance. Jeune leader de l’ANC, Nelson Mandela était venu à Tunis en 1962 solliciter l’appui politique de Bourguiba et lui demander des armes (voir encadré). Le soutien de la Tunisie ne lui fera jamais défaut. Jusqu’à la phase finale. Lors du dernier quart d’heure, l’Armée nationale avait affecté de mars à avril 1994 deux officiers observateurs au sein de la Mission de l’ONU (Monuas), pour participer au contrôle des opérations et au tri des résultats de vote.
Dès 1994, les relations diplomatiques ont été établies entre les deux pays et le président Mandela a visité la Tunisie le 14 juin 1994, à la faveur de la tenue du sommet de l’Organisation de l’Unité africaine, OUA (voir encadré). Aussi, l’ancien Président provisoire de la République, Dr Moncef Marzouki avait participé à la cérémonie d’hommage au leader Nelson Mandela, tenue le 10 décembre 2013 en Afrique du Sud. Tout récemment, la première session des consultations diplomatiques entre les deux pays s’est tenue à Tunis les 16 et 17 octobre 2018. Nombre de projets d’accord de coopération et de mémorandum d’entente sont prêts pour signature : économie, santé, coopération technique, Tics, tourisme, commerce, investissement, affaires sociales...
Le véritable flux significatif interviendra en 2007, avec l’envoi du premier contingent de médecins tunisiens détachés auprès du gouvernement sud-africain, dans le cadre de la coopération technique. Il sera suivi, l’année d’après, d’un deuxième groupe. Au total, ils étaient 93 médecins, il n’en reste plus, au 31 octobre 2018, que 53 inscrits au registre consulaire (64, selon l’ATCT). La particularité de ce contingent, outre sa spécialité médicale, c’est surtout l’affectation de ses membres dans de petites localités très lointaines. Une expérience inédite qui mérite d’être connue. Les témoignages que nous publions dans ce dossier sont époustouflants.
La Namibie et le Zimbabwe
Ce noyau central de la communauté tunisienne en Afrique du Sud est enrichi par d’autres compatriotes pour atteindre au total près de 358 Tunisiens. Mais, ils ne sont pas les seuls dans cette région. Les sept autres pays couverts vont, avec l’Ile Maurice, jusqu’à l’océan Indien. Il s’agit en effet de la Namibie, du Botswana, du Mozambique, de l’eSwatini (ex. Swaziland), du Lesotho et de l’Ile Maurice. En Namibie, le contingent tunisien de la Police nationale dépêché en Casques bleus sous la bannière de l’ONU, en 1989, pour appuyer le processus de paix et surveiller les premières élections, a laissé un souvenir impérissable. Au sein du Groupe d’assistance des Nations unies pour la période de transition en Namibie (Ganupt), il a également contribué à la formation du premier noyau de la police namibienne.
Avec l’indépendance du Zimbabwe, la Tunisie se pressera d’ouvrir une ambassade à Harare et y acquérir une chancellerie. Les contraintes budgétaires et la ré-architecture de la carte du réseau diplomatique finiront par contraindre le ministère des Affaires étranger à la fermer, en rattachant le poste à notre mission à Pretoria. Aujourd’hui, la chancellerie tunisienne à Harare est restée fermée, gardée par un agent local.
Sur ce vaste territoire, formé de l’Afrique du Sud et des sept autres pays par notre ambassade à Pretoria, les Tunisiens ne sont pas nombreux : près de 400 au total, selon les immatriculations au registre consulaire. Ils sont essentiellement médecins (en Afrique du Sud), experts, consultants et fonctionnaires internationaux, conjoints de ressortissants locaux ou d’expatriés, deux professeurs universitaires et des chefs d’entreprise. Très bien intégrés, ils sont pour la plupart en famille.
Afrique du Sud | 358 |
Ile Maurice | 6 |
Lesotho | 4 |
Malawi | 5 |
Mozambique | 11 |
Zimbabwe | 9 |
«C’est une communauté qui fait honneur à la Tunisie», souligne Mohamed Mehrez Othman, en charge également des affaires consulaires à l’ambassade de Tunisie à Pretoria. Si les restrictions budgétaires ne l’autorisent pas à se rendre dans les sept autres pays couverts, il s’emploie à maintenir un contact étroit avec les compatriotes qui y résident. «Aucun incident, Dieu merci, aucune affaire en justice, que de bonnes nouvelles et une haute appréciation», dit-il avec une réelle satisfaction.
Les échanges avec l'Afique du sud: Des flux modestes
Après plusieurs années de déficit, la balance commerciale entre les deux pays a enregistré, au cours de 2017, un excédent en faveur de la Tunisie. L’Afrique du Sud est aujourd’hui le 8e client de la Tunisie en Afrique subsaharienne.
Tableau des Echanges (en millions de dinars)
2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | Septembre 2018 | |
Import | 17 960 506 | 46 165 029 | 23559 499 | 25 475 359 | 28 189 192 | 16 235 270 |
Export | 15 635 067 | 15 909 425 | 10 320 134 | 19 616 970 | 29 956 937 | 39 458 560 |
Source : INS
Les principaux produits importés sont : véhicules, spath fluor et produits alimentaires. Quant aux principaux produits exportés, il s’agit de : triphosphate de sodium, fils, serviettes hygiéniques et dattes.
Début décembre, une délégation d’opérateurs économiques sud-africains se rendra en Tunisie à la recherche d’opportunités de partenariat. Conduite par le secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Industrie, Bulelani Magwanishe, elle couvre notamment les secteurs suivants : agroalimentaire, mines, chimie, construction, infrastructure, machineries industrielles, énergie et énergies renouvelables.
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