Essia Atrous, Dar Assabah, ne dit pas tout
«Si un quatrième pouvoir indépendant, professionnel et impossible à mettre à genoux avait prévalu au lendemain de la révolution, et si on avait investi dans la régulation des médias et la réforme de l’information, on aurait évité tant de crises et prémuni le pays contre tant de graves soubresauts.» La thèse développée par Essia Atrous, rédactrice en chef principale à Dar Assabah, ne manque pas de pertinence. Dans un livre publié aux éditions L’Or du Temps, sous le titre L’information de la révolution et la révolution de l’information, elle s’inspire des fondements de Dar Assabah, depuis son lancement par Habib Cheikhrouhou le 1er février 1952, pour poser la question essentielle de la fonction des médias dans le nouveau contexte actuel.
«Le plus redoutable que la Tunisie aura à affronter, en pleine bataille d’une démocratie naissante, c’est de voir l’information basculer de nouveau dans le cercle de la manipulation, pour se laisser prendre dans le piège des tiraillements et des chantages», écrit-elle. Titulaire d’une maîtrise combinée en anglais et chinois, ayant poussé ses études universitaires à Pékin, c’est lorsqu’elle avait été témoin en direct des évènements de la Place Tiananmen en 1989 qu’Essia Atrous avait contracté la passion du journalisme et de l’analyse des relations internationales. Elle sera servie. La chute du mur de Berlin, ses reportages en Afghanistan, ses couvertures des réunions de l’Otan et de nombre de sommets de chefs d’Etat et ses interviews avec de grandes personnalités feront de sa plume, précise et raffinée, une grande signature prisée.
Loin de se mettre personnellement en avant ou de raconter son propre parcours, Essia Atrous pose, à travers Dar Assabah, les multiples problématiques de la presse tunisienne : lors de la lutte pour l’indépendance, pendant l’édification de l’Etat moderne, sous la dictature, au lendemain du 14 janvier, face aux tentatives de récupération islamiste et, à présent, aux convoitises de toutes parts. Pour mieux éclairer le lecteur quant à la situation actuelle, elle s’emploie à répondre à des questions cruciales : le rôle du comité de rédaction, l’avenir de la presse écrite, la convergence des médias, le changement des mentalités, l’indépendance, l’objectivité... Essia Atrous n’apporte pas de réponses, mais des clés utiles pour y réfléchir.