M. le chef de Gouvernement , pourquoi ces deux poids, deux mesures ?
M.le Chef du Gouvernement,
les Tunisiens ont le droit d’être informés sur les vraies raisons de l’échec des négociations sur les augmentations salariales dans la fonction publique!
Le mercredi 19 septembre 2018, en présence de M. le Chef du Gouvernement et du Ministre des Affaires Sociales,s’est tenue une cérémonie, à la Kasbah, pour entériner l’accord entre les deux Centrales, Patronale et Syndicale, relatif à l’augmentation des salaires dans le secteur privé.
Un mois environ plus tard, précisément le lundi 22 octobre au soir, le Chef du Gouvernement et le Secrétaire Général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), signent l'accord sur l'augmentation des salaires dans le secteur public.
Jusque-là tout semble plutôt encourageant, les salariés des secteurs privé et public récupèrent,de la sorte, une part de leur pouvoir d’achat qui s’est notablement érodé. Tout cela est de nature à apaiser les tensions de toute nature dans le pays et renforcer la paix sociale à un moment où les difficultés socioéconomiques ne semblent pas fléchir.
Seulement, et après la conclusion de ces deux accords, apparemment sans grandes difficultés,accordant des augmentations salariales à de très nombreux citoyens pour leur permettre d’affronter les effets néfastes de l’inflation galopante et la cherté de la vie, voilà que ce même Gouvernement, n’arrive pas à conclure un compromis avec l’UGTT sur des augmentations salariales aux agents de la fonction publique. L’UGTT parle même de l’opposition du Gouvernement à toute augmentation pour ce secteur. Et on arrive à la rupture des négociations, d’où la grève générale du 22 novembre 2018, dans ce même secteur de la fonction publique.
Et là, ce Gouvernement brille encore une fois,par son absence au niveau de la communication, ce qui s’est traduit dans les faits par l’ambiguïté de la position du Gouvernement et le manque d’informations sur les vraies motivations de sa position, alors qu’il a le devoir de s’expliquer surtout auprès de ses citoyens concernés par cette affaire, les fonctionnaires de l’Etat. Par un tel mutisme aux moments graves et à propos de grandes décisions touchant de très près le peuple, le Chef du Gouvernement donne, peut être sans le savoir,forcément raison à tous ses opposants et ses détracteurs et laisse libre cours aux supputations et analyses les plus extravagantes, dont le pays n’a nullement besoin.
D’ailleurs, profitant de ce manque d’informations, et à côté des justifications d’ordre économique plus ou moins fondées, on n’hésite pas à évoquer une"souveraineté nationale hypothéquée",et la soumission du Gouvernement tunisien aux diktats venant d’outre-mer et d’autres explications les unes aussi graves et inquiétantes que les autres. Le pays peut bien basculer vers la dérive, ce jeudi 22 novembre 2018 ne nous rappelle-t-il pas d’autres sombres jeudis ?
Tout citoyen tunisien a le besoin et le droit de comprendre et d’avoir des réponses simples mais claires et convaincantes au moins aux questions suivantes :
1. D’abord, le désaccord entre le Gouvernement et l’UGTT porte-t-il sur les montants des augmentations et les dates d’entrée en vigueur,ou sur un refus gouvernemental de principe de toute augmentation dans le secteur de la fonction publique ?
2. Au cas d’un refus de toute augmentation dans la fonction publique, comment justifier ce refus alors que des augmentations viennent d’être accordées auxautres secteurs, privé et public ?
Est-ce que les tunisiens des différents secteurs, privé, public et ceux de la fonction publique, n’affrontent-ils pas les mêmes retombées de l’inflation, les mêmes difficultés devant la cherté de la vie ? Ne cherche-t-on pas, par ces augmentations, de leur permettre tous, à rattraper l’érosion de leur pouvoir d’achat due essentiellement à cette inflation galopante ? Alors comment expliquer cette nette différenciation du Gouvernement entre la fonction publique et les secteurs privé et public ?
3. Venons-en enfin, à cette nécessité de réduire le poids de la masse salariale dans le budget de l’Etat, qui serait la justification principale avancée par le Gouvernement :
a. D’abord, sans prétendre une quelconque expertise en matière de finance, j’ai dû comprendre que l’importance de cette masse salariale est appréciée en rapport avec les revenus de l’Etat. Il est plausible donc, que pour améliorer ce rapport, Masse Salariale / Entrées de l’Etat, on peut ou bloquer la masse salariale ou chercher à développer et renflouer les caisses de l’Etat. Et vu la situation qu’affronte le citoyen, et au moins à court terme, il est urgent de rétablir, tant soit peu le pouvoir d’achat érodé. En même temps, l’effort du pays doit surtout porter sur le développement des activités économiques etl’accélération de la réforme du système fiscal pour une fiscalité équitable et englobant tous les tunisiens, ce qui passe nécessairement par la lutte contrel’évasion fiscale et la corruption surtout dans le monde des affaires et de l’Administration, ainsi que la régularisation du commerce parallèle. Mais les résultats jusque-là réalisés, nous indiquent que les efforts de l’Etat dans ces domaines,sont toujours en deçà du nécessaire.
b. S’agissant du Secteur Public en comparaison de la Fonction Publique, il y a lieu d’attirer l’attention sur ce qui suit : il est vrai que, sur le plan comptable, la masse salariale du secteur public n’est pas comptabilisée directement dans le budget de l’Etat. Seulement, on a souvent vu l’Etat, obligé d’intervenirpour combler d’énormes déficits d’entreprises publiques et même de banques menacéespar la faillite et le dépôt de bilan. Ainsi, l’Etat supporte de fait, même si c’est partiellement et indirectement,aussi la masse salariale du secteur public, d’où le non-sens de traiter avec tant de différenciation les deux secteurs quand il s’agit d’augmentations salariales. Et si jamais il faut nuancer les montants des augmentations dans les deux secteurs,secteur public et celui de la fonction publiqueje pense que c’est la fonction publique qu’il faut privilégier et non le contraire, il n’y a qu’à considérer les avantages dont bénéficient les personnels des entreprises publiques par rapport à leurs homologues à égalité de diplôme de la fonction publique.Il s’agit d’inégalité injustifiable et qu’il faudrait un jour relever, pourquoi un ingénieur de la STEG, par exemple, touche de loin mieux que son camarade de promotion ayant le même diplôme mais recruté dans la fonction publique ?
En conclusion, la gravité de cette forte crise sociale qui vients’ajouter aux autres crises de toute nature, politique, économique, financière … ainsi que le sens du devoir, imposent à tous d’opter pour la raison, le dialogue et le compromis, seule démarche à même de limiter les dégâts et d’éviter l’irréparable ! Le temps n’est ni aux bras de fer, ni aux escalades spectaculaires, ni aux exploits personnels retentissants, de toutes les façons il n’y en aura pas car les acteurs sur la scène ont tous, démontré leurs limites, un peu de modestie s’il vous plait ! Limitons les dégâts ! Le pays n’a plus de temps à perdre dans des luttes intestines qui n’intéressent nullementle petit peuple qui attend toujours du Chef du Gouvernement des explications quant à ses choix à l’égard des augmentations salariales dans la fonction publique. Les débats budgétaires de l’ARP de ce jour, samedi 24 novembre, seront-ils la bonne occasion pour répondre à ce besoin de communication urgent ?
-Que Dieu garde la Tunisie-
Mohamed Meddeb