40eme jour du décès de Abdelhamid Gmati, Miduni: La plume, le boss, l’ami, par Slaheddine Maaoui
Je vais parler de Abdelhamid Gmati, alias Miduni, du temps où je l’avais connu et apprécié. Cette belle époque où le journalisme s’exerçait comme un sacerdoce, avec passion et savoir-faire. A un niveau qui volait bien haut !
Miduni faisait partie d’un «dream team» qui a donné au journal «La Presse», au début des années soixante-dix, sa plus belle période, avec des plumes et des statures exceptionnelles, telles que Youssef Seddik, Hédi Grioui, Elisabeth Badri, Mohamed Mahfoudh. Des hommes et des femmes de grand gabarit qui brillaient par leur culture, leur savoir et leur intelligence, sans pour autant être sortis des grandes universités ou des hauts instituts. C’était l’époque où une équipe de jeunes journalistes, patriotes et enthousiastes prenait la relève de l’ère Smadja et s’efforçait, sous la houlette de Amor Belkhiria, à réussir la «tunisification»du premier quotidien du pays!
Il y avait du sacrifice, du don de soi et de l’effort sans compter. Dans la vieille salle de rédaction, rue Ali Bach-Hamba, qui ressemble à une Agora où fusent les idées et fleurissent les débats. On œuvrait avec passion, abnégation et souci du travail bien fait!
C’est dans cette équipe que brillait Miduni par son esprit fin, son humour corrosif et sa culture artistique infaillible. On était tous à l’affût de ses réparties cinglantes, ses boutades intelligentes et croustillantes, puisées dans son vieux lexique sadikien!
La plume
Ce qui distinguait le plus Miduni était sa plume qui maîtrisait à la perfection la langue de Molière, ciselée, parfois acerbe, et toujours concise. Son écriture de miro était minuscule, presque illisible, en sciure de mouche. Des phrases courtes couchées sur de petites feuilles, comme des ordonnances de médecin. Un vrai cauchemar de linotypistes!
Son modèle était Exbrayat, le billettiste du «Monde», Robert Escarpit dont il ne cessait de louer l’art de la concision. Il en faisait autant dans ses fameuses télé-critiques où il étrillait sans pitié le monde de la télévision... A telle enseigne qu’un jour Chedly Klibi, alors ministre de l’Information et de la Culture, lança sa fameuse boutade: «Mais ce n’est pas un Miduni. C’est un Duni Kamel!»
Le boss
Miduni faisait partie des pionniers qui donnaient ses lettres de noblesse au journalisme tunisien. Un journaliste brillant, consencieux, maîtrisant tout l’art de son métier avec grand panache!
Mais il était aussi un vrai patron de presse qui a si bien dirigé la rédaction de «La Presse», en encadrant, formant et encourageant un grand nombre de jeunes qui lui doivent beaucoup pour la suite de leur carrière, tels Sofiane Ben Farhat, Brahim Oueslati ou Abdeljelil Messaoudi. Il fut un chef exigeant, méticuleux et parfois sévère, mais toujours bien apprécié par ses troupes, parce que proche, généreux, avec un cœur en or!
L’ami
Miduni, c’était surtout l’ami chaleureux et dévoué, bon vivant, appréciant les joutes oratoires et les belles tablées. Déambulant dans la salle de rédaction, tignasse blanche, cigarette au bec et regard malicieux derrière ses épaisses lunettes de grand myope, s’associant à tous les débats, discutant de tout avec finesse et subtilité. Ou voyageant inlassablement entre les cercles matinaux de «L’Univers» et les tablées enfumées des restaurants qui veillent tard sur l’Avenue!
C’était Miduni, l’ineffable, l’unique, l’attachant et l’inoubliable compagnon des bons vieux jours...
Paix à son âme!.
Slah Maaoui
Ancien PDG de La Presse & Assahafa,
ancien ministre& ambassadeur