Evolutions récentes relatives à l’inscription de la Tunisie sur les listes du GAFI et de l’UE des pays dont les dispositifs anti-blanchiment présentent des carences stratégiques
«Il y a deux façons de se tromper:
L’une est de croire ce qui n’est pas,
l’autre de refuser de croire ce qui est»(1)
Par Samir Brahimi - Le Groupe d’Action Financière (GAFI) statuera très prochainement sur la sortie ou le maintien de la Tunisie dans la liste des pays ou juridictions qui présentent des déficiences stratégiques dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA/FT), objet de la Déclaration publique de Novembre/Décembre 2017.
Depuis, les autorités ont émis un «engagement politique de haut niveau» pour redresser ces carences dans le cadre d’un «plan d’action» convenu avec le GAFI et qui échoit en Janvier 2019 et entrepris une série de réformes pour consolider le dispositif national en la matière(2).
Ce dossier suscite deux réflexions de fond. La première concerne les inspections sur place conduites par les autorités de contrôle des institutions financières pour «favoriser» la sortie de la Tunisie des listes précitées et la seconde renvoie à la non consolidation du dispositif national LBA-CFT par la profession d’avocat,au risque de l’y maintenir.
Ces deux attitudes sont à éviter, car elles constituent deux façons de se tromper. Les autorités de contrôle semblent en effet croire ce qui n’est pas (I), alors que la profession semble refuser de croire ce qui est (II).
I. Croire ce qui n’est pas
Dans un post relativement récent(3), j’avais évoqué la question des contrôles diligentées actuellement par les superviseur DU SECTet des sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de certaines institutions financières pour manquements aux devoirs mis à leur charge en matière LBA-CFT.
J’avais souligné à l’occasion que ces actions, bien qu’elles soient fondées au plan de leur légalité externe, pour avoir été entreprises sur le fondement de la loi LBA-CFT du 7 Aout 2015 (la loi LBA-CFT), avaient cependant comme sous-tendu cette tentation inavouée mais assez visible chez ces autorités, de se déculpabiliser au titre de leur mandat légal dans le domaine, après avoir été en partie, complices du « blacklistage » de la Tunisie, motivéentre autres, par les notations manifestement médiocres obtenues par le pays au titre de la conformité à la Recommandation 26 du GAFI intitulée «Réglementation et contrôle» (Non conforme) et du Résultat immédiat n°3 relatif à l’effectivité ( Faible)(4).
Il convient de rappeler que le standard du GAFI et la loi LBA-CFT, confient aux autorités de contrôle des institutions financières (BCT, CGA et CMF) le soin de mettre des «programmes et pratiques» pour la lutte contre les délits de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, de contrôler leur mise en œuvre et de prononcer le cas échéant, des sanctions disciplinaires à l’encontre des institutions défaillantes. Parmi les curiosités de ces notations, il faut souligner la baisse de celle relative à la conformité à la Recommandation 26 précitée de «Partiellement Conforme» en 2006 à «Non conforme» en 2016!(5)
Ceci n’a pas, semble-t-il, suffi pour éveiller la lanterne des autorités de supervision concernées, car dans les faits, la BCT, par exemple, a mis plus de deux années après la promulgation de la loi LBA-CFT(6) pour publier sa Circulaire LBA/FT(7), alors qu’elle est l’autorité la plus concernée par la question, puisqu’elle contrôle le secteur le plus exposé, pour des raisons objectives, aux risques d’abus. Ce texte auranécessité au plus quelques semaines de travail, le constat étant que la loi LBA/FT est allée assez dans le détail et que la bibliothèque internationale en la matière, offre une myriade d’exemples de textes, tous excellents, qu’il suffisait de reprendre moyennant quelques adaptations insignifiantes, d’autant que le standard du GAFI est le même pour tous les pays du mondeet est donc, aisément transposable.
Pour ce qui concerne le CMF et le CGA, les textes d’application de la loi LBA-CFT sont parus tour à tour, en Janvier 2017 et Mars 2018(8).
Il est attendu une amélioration sensible desnotations précitées. Ce sera «grâce» ou «à cause», c’est selon, des sanctions déjà infligées ou dont feraient l’objet demain, les institutions financières.
Le retard presque coupable, pris par les autorités de contrôle est critiquable à plus d’un titre et devrait conduire à relativiser fortement la responsabilité des institutions financières dans le déficit de conformité et d’effectivité, observé chez elles.
D’abord, la tradition veut que ces institutions accordent plus d’attention aux textes produits par leurs autorités de contrôle ou de tutelle, qu’à ceux produits par le législateur. Si les lois sont «self executing», c’est-à-dire qu’elles s’appliquent directement à leurs destinataires, elles le sont beaucoup moins lorsque le législateur confie aux autorités exécutives de les décliner dans des textes d’application, comme c’est justement le cas ici. Les destinataires de ces textes sont enclin d’attendre leur parution pour entamer leur mise en œuvre.
Ensuite, la lenteur excessive dans la publication des textes des autorités de contrôle véhicule en filigrane une invitation au relâchement, au laxisme, voire, à la démission.
Compte tenu de ces considérations, il est difficile d’admettre que les institutions financières soient en mesure de mettre en place en peu de temps, des dispositifs LBA/FT sinon complets, du moins satisfaisants. Ces dispositifs sont complexes et couteux et réclament des politiques, des processus, des procédures et des solutions informatiquesdont les délais de mise en place sont incompressibles. Ils réclament en particulier depuis 2012, l’adoption de ce qu’on appelle «l’approche basée sur les risques» (RBA). Or, la Tunisie a mis plus de cinq années (2017) pour parfaire cet exercice alors qu’il constitue le préalable incontournable pour construire de tels dispositifs au sein des institutions financières et des entreprises et professions non-financières désignées par le GAFI (les assujettis)(9).
En usant de l’arme de la répression disciplinaire, les autorités de contrôle commettent à mon avis, plus d’une erreur.
D’abord, sur un plan général, il n’est pas pertinent d’évaluer les dispositifs LBA-CFT des institutions financières sur la base d’un référentiel réglementaire et institutionnel non encore totalement achevé et consolidé: loi LBA-CFTassez lacunaire et déjà, en cours de modification, liste nationale des personnes terroristes non encore disponible, réforme du registre de commerce en cours, etc. La Circulaire BCT n°2017-08 du 19 septembre 2017 vient d’ailleurs d’être modifiée, il y a à peine, quelques jours(10). Ceci ne permet pas évidemment, aux institutions financières, de construire des dispositifs internes susceptibles d’évaluation. Plus concrètement et à titre d’exemple, le «Customer Due Diligence», pierre angulaire du dispositif LBA-CFT ne peut être effectué aujourd’hui de façon pertinente, faute de pouvoir identifier convenablement, le «bénéficiaire effectif»(11) en attendant justement, la finalisation de la réforme du registre du commerce. Le filtrage des personnes terroristes ne peut non plus se faire de manière complète, faute de liste nationale, etc. Au voisinage, le dispositif de contrôle interne, d’audit interne et de conformité demeurent donc, jusqu’à ce jour, incomplets.
Ensuite, au plan éthique, il est mal venu de transporter la responsabilité du laxisme objectivement observable chez les autorités de supervision, vers leurs assujettis, car «qui donne la leçon, doit (d’abord) l’exemple»! Le gouverneurde la BCT, remercié dans la foulée de l’inscription du pays sur la liste de l’UE, a chèrement «payé la note», mais c’était au titre de ses charges de président de la CTAF et non en tant que de gouverneur de l’institution à qui la loi a confié la supervision du secteur bancaire. Différemment, son départ aurait emporté dans la foulée, celui des autres superviseurs, voire également, des premiers responsables de leurs départements en charge du dossier. La Tunisie légale semble malheureusement en déficit de nuance. Pire, amnésie aidant, elle use même de la récompense (!), en oubliant comme à ses nouvelles habitudes, «qu’il n’existe de fourberie plus grande que de tromper ses concitoyens et de se faire passer, lorsqu'on est sans mérite, pour un (être) capable de gouverner»(12).
Enfin, au plan juridique, d’éventuelles sanctions prononcées par les autorités de supervision du secteur financier constitueraient un «détournement de pouvoir»(13) et encourraient de ce fait, l’annulation par les juridictions administratives.
En effet, ces sanctions, au cas où elles étaient prises, répondraient moins au motif d’appliquer la loi ou d’assurer la transparence et l’intégrité du secteur financier, qu’à celui d’améliorer les notations attribuées par les instances internationales au titre du mandat confié aux autorités de contrôleet d’effacer ainsi, les traces d’un passé peu glorieux. Le lien avec le dossier tunisien est aisément démontrable, alors que bien avant le «blacklistage», tout semblait les inviter à une meilleure réactivité: les multiples attaques terroristes perpétrées sur le territoire national, la montée sans précédent, de la corruption, de l’économie sous-terraine, de la fraude fiscale et de tous les autres délits sous-jacents au blanchiment de capitaux.
En somme, les autorités de contrôle sont dans le devoir d’inspecter et le cas échéant, de sanctionner. Cependant, il ne devrait pas leur échapper que le dispositif national, y compris la composante qui lesconcerne, n’étant pas encore totalement achevé, l’option pour une mise en place immédiate des contrôles et le cas échéant, des sanctions est éminemment impertinente et qu’il aurait alors mieux fallu donner aux institutions financières, des délais raisonnables pour se préparer, avant de programmer les «descentes» et de lever l’épée de la punition.
Ce que ces autorités semblent ignoreren tout cas, est que ces institutions si elles venaient à être sanctionnées, auraient tout le mal à poursuivre leurs activités dans des conditions confortables. Les relations de correspondant bancaire par exemple, seront tout simplement interrompues au dam de la clientèle des déposants et des investisseurs, du renom de la place et de l’image du pays.
II. Refuser de croire ce qui est
L’attitude éminemment sévère et disproportionnée adoptée par les autorités de supervision vis-à-vis des institutions financières contraste ouvertement avec celle retenue par le pays à l’égard d’autres professions désignées par la loi LBA-CFT comme étant concernées par la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA/FT).
L’un des reproches adressés au pays dans le domaine concerne le déficit manifeste observé chez les entreprises et professions non-financières, dans la mise en place de programmes LBA/FT conformes à la loi et effectifs. Il s’agit des professions du droit et du chiffre, des agences immobilières, des négociants de de pierres et d’objets précieux et des casinos.
Depuis, les autorités en charge du dossier se sont déployées pour honorer l’engagement pris vis-à-vis du GAFI dans le cadre du plan d’action précité.
Au niveau de la production normative, tous les textes concernant les devoirs à la charge desdites entreprises et professions sont parus et ont reçu un début d’exécution.
Ces avancées ont d’ailleurs, été inscrites par le GAFI à l’actif de la Tunisie, lors de sa plénière de Juin dernier. Le GAFI souligne toutefois la nécessité de parfaire le dispositif(14) et relève en particulier, l’absence de réaction de la part du corps des avocats qui, jusqu’à ce jour, n’a pas encore produit ses propres normes. Les informations en ma possession indiquent une hésitation, voire une réticence de ce corps à appliquer la loi. J’ignore le véritable motif de cette attitude, mais je sais par contre, qu’ailleurs, la profession a souvent exprimé des réserves sur son implication dans le domaine LBA/FT.
Il faut souligner à cet égard, que le dispositif international LBA-CFT reposait essentiellement sur les institutions financières et a largement entravé le mouvement des blanchisseurs qui se sont orientés vers d'autres canaux afin de procéder aux opérations visant à la dissimulation de l'origine frauduleuse des fonds ou des biens.
Les professions juridiques et comptables en particulier, sont alors devenues «les ouvreurs de porte» (gatekeepers) comme le souligne le GAFI puisqu'ils aident, à travers divers actes, sciemment ou à leur insu, le blanchiment de capitaux.
Le standard international a donc évolué pour s’étendre aux avocats, tout en délimitant le périmètre de leurs devoirs en la matière. Suivant le nouveau standard, les avocats qui, dans l’exercice des activitéstombant dans le champ d’application des lois LBA-CFT, constatent des faits qu’ils savent ou soupçonnent être liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme, sont tenus désormais, d’en informer immédiatement les autorités compétentes. Il s’agit en l’occurrence, de la rédaction des actes portant notamment sur l’achat et la vente d’immeubles ou de fonds de commerce ou la gestion de biens et de comptes de leurs clients ou l’arrangement d’apports pour la création ou la gestion de sociétés, l’exploitation ou le contrôle desdites opérations ou la fourniture de consultation à leur propos.
En d’autres termes, l’avocat qui plaide à la barre ou qui donne un conseil juridique n’est pas concerné par la loi anti-blanchiment et peut conseiller ou prendre la défense de ses clients, y compris parmi les blanchisseurs et ceux qui financent le terrorisme.
La profession a considéré que la dissociation entre la fonction de défense de leurs clients dans le cadre du contentieux et celle évoquée plus haut, était intenable et source d'insécurité juridique majeure car elle rompt la relation de confiance qui existe entre un avocat et son client.
Face à la vague de contestation de la part de la profession, observée un peu partout dans le monde, le traitement de cette problématique a sensiblement évolué, apportant des réponses qui concilient les devoirs de vigilance et de déclaration de soupçon d’un côté et les principes qui gouvernent la mission de l’avocat, notamment les principes d’indépendance, du secret professionnel et du procès équitable, de l’autre.
Afin de réconforter davantage la profession et l’inciter à adhérer aux efforts des autorités dans le domaine, les avocats ont été soustraits de façon expresse à toute obligation de déclaration des informations (a) obtenues avant, pendant ou après une procédure judiciaire; ou (b) lors de l’évaluation de la situation juridique d’un client(15). Par ailleurs, la déclaration de soupçon est d’abord transmise au bâtonnier, à charge pour ce dernier d’en saisir la Cellule de Renseignements Financiers(16).
Pour ce qui concerne la Tunisie, la non adhésion de la profession au dispositif LBA-CFT, à travers la production de normes internes en la matière, aura pour conséquence de maintenir purement et simplement, le pays dans les listes du GAFI et de l’UE, car le plan d’action convenu avec le GAFI prévoit «une prise en charge totale des entreprises et professions non-financières»(17).
Compte tenu des évolutions réglementaires observées au niveau international et de la souscription de la profession aux devoirs LBA-CFT un peu partout dans le monde, l’argumentaire en faveur de l’exclusion des avocats tunisiens du devoir de déclaration de soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, ne résiste plus à la dispute.
S’agissant d’abord, de l’exception tirée du secret professionnel, l’obligation de déclaration à la charge des avocats s’inscrirait selon la profession, en rupture totale avec le droit du citoyen de se confier à un avocat sans crainte d’être dénoncé.
C’est d’ailleurs, ce même discours qui prévaut aujourd’hui en Tunisie. Le bâtonnier de l’Ordre National des Avocats ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme que «l’avocat est tenu par le secret professionnel, ce qui l’oblige à prendre la défense de ses clients même s’ils étaient poursuivis pour corruption ou pour blanchiment d’argent»(18),(19).
Or, dans un contexte fortement marqué par l’ampleur que prend le terrorisme et son financement tout autant que le blanchiment de capitaux et la corruption, l’avocat devrait se considérer comme un partenaire obligé de ce combat. Ce n’est pas en tant qu’auxiliaire de police, qu’il agira, mais comme auxiliaire de justice, rôle conforme à sa déontologie et à l’éthique de sa profession. Il ne saurait dès lors invoquer, pour se soustraire à cette obligation, un secret professionnel, certes légitime, mais exclusivement destiné à couvrir son activité juridictionnelle, étrangère à ces circonstances.
Par ailleurs, il faut noter que le secret professionnel(20) n’est pas le propre de la profession d’avocat, mais s’étend à l’ensemble des institutions financières et des entreprises et professions non financières visées par la loi LBA-CFT et plus généralement encore,à toutes les personnes qui, de par leur état ou profession, sont dépositaires de secrets. Il ne s’agit pas non plus d’un principe absolu car il peut subir comme tout autre principe, des restrictions pour répondre aux impératifs de l’ordre public entendu lato sensu ou pour sauvegarder les droits des tiers, le tout dans le respect de la règle de proportionnalité.Or, la loi LBA-CFT délie l’ensemble des structures précitées du secret professionnel et les exonère partant, de toute responsabilité pénale, disciplinaire et civile, à ce titre.
Cette opinion fut d’ailleurs confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg qui dans un arrêt «Michaud c. France» du 6 décembre 2012, constatait que «l’atteinte au secret professionnel et donc à l’indépendance de l’avocat à qui la loi impose une déclaration de soupçon n’est pas disproportionnée dans une société démocratique dès lors que cette déclaration de soupçon est faite auprès du bâtonnier qui est un filtre».
S’agissant ensuite, de l’exception tirée du droit à un procès équitable(21), la Cour de Justice des Communautés Européennes a tranché de façon remarquable la question. Dans sa décision rendue le 26 juin 2007(22), la Cour a considéré en effet, que «l'imposition aux avocats des obligations d'information et de coopération avec les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux lorsqu'ils participent à certaines transactions de nature financière n'ayant pas de lien avec une procédure judiciaire ne viole pas le droit à un procès équitable. Les situations dans lesquelles ces obligations sont imposées aux avocats n'ont pas de rapport avec une procédure judiciaire et sortent en conséquence du champ d'application du droit à un procès équitable».
L’argumentaire développé par l’actuel bâtonnier de l’Ordre National des Avocats, n’est pas d’ailleurs partagé par l’ensemble de la profession. Lors d’une journée d’études consacrée au rôle de l’avocat dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent(23), le président de l’INLC et ancien bâtonnier, C.Tabib n’a pas manqué d’inviter les avocats à jouer leur rôle dans le domaine,eu égard notamment à l’ampleur que prend aujourd’hui, la corruption qui,souligna-t-il,a investidivers secteurs et l’ensemble des composantes de l’Etat(24), appelant à l’occasion, à œuvrer à trouver les solutions à même de concilier le respect du principe du secret professionnel et le devoir de déclarer le soupçon de blanchiment d’argent.
En Tunisie, le monopole de la rédaction des actes et conventions soumis à l'inscription sur le livre foncier appartient depuis 1992, entre autres, aux avocats. C’était une doléance de la corporation à laquelle l’Etat a consentie, à raison d’ailleurs, car le recours en la matière, aux professionnels du droit est tout à fait indiqué, compte tenu de la nécessité d’assurer la sécurité juridique des transactions immobilières.
En somme, la profession réclame et obtient le privilège (à côté des notaires et de la CPF) de la rédaction desdits actes et conventions et hésite à se soumettre au dispositif LBA-CFT, ouvrant ainsi, une brèche aux criminels et faisant courir au pays le risque de s’éterniser dans les listes du GAFI et de l’UE avec tous les collatéraux que cela implique.
C’est donc, un conflit à résoudre et au plus vite, car le plan d’action convenu avec le GAFI échoit en janvier 2019.
Soulignons de prime abord que le postulat pour les autorités, devrait être, moins de sortir la Tunisie des listes du GAFI et de l’UE, que de s’assurer avant tout, que le dispositif national LBA-FT soit à la mesure des enjeux, (et ils sont réels et sérieux) et dispose d’une forte capacité de prémunir l’économie et la société contre les risques collatéraux de la criminalité financière et de garantir la transparence et l’intégrité du système financier et para-financier national. Il s’agit bien évidemment d’un enjeu d’ordre public qui devrait en toute logique et en toute circonstance, primer sur tout autre intérêt qu’il soit corporatiste ou autre.
Pour ce faire, la loi LBA-CFT de 2015 étant actuellement en cours d’amendement, l’occasion semble être idéale pour la clarifier davantage pour ce qui concerne la profession, dans le sens suivant: (a) soustraire expressément lesavocats à toute obligation de déclaration lorsqu’ils accomplissent leurs devoirs de défense ou de représentation d’un client dans le cadre de procédures judiciaires, administratives, d’arbitrage ou de médiation, ou dans le cadre de l’évaluation de sa situation juridique(25) et (b) désigner le Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats comme étant l’autorité à informer en premier lieu à charge pour lui, de transmettre les informations à la Commission Tunisienne d’Analyses Financières (CTAF), ce qui constitue en soi, une garantie supplémentaire de protection des droits fondamentaux.
Il reste entendu que la profession devrait sur cette base, produire ses propres programmes et pratiques dans les délais requis par le GAFI.
Tout laisse croire que la profession acceptera cette solution. A défaut, il serait à craindre que les autorités soient contraintes, dans un ultime sursaut, de faire les arbitrages qu’imposent les intérêts supérieurs du pays: décliner par la force de la loi, aux avocats, le privilège de s’adonner aux opérations sus-évoquées. Il serait en effet, politiquement peu responsable de la part des autorités, de sacrifier les intérêts de la Tunisie, ni de tolérer toute velléité corporatiste ou autre, de se soustraire à l’application des lois de la République.
D’aucuns seraient tentés de résoudre cette problématique par recours au décret, afin d’éviter un éventuel débat qui risque d’être passionné au sein de l’ARP, où la profession est bien représentée. Cette option serait toutefois à écarter pour une raison simple: la matière étant éminemment pénale, la compétence normative reviendrait tout naturellement au législateur(26). Il est d’ailleurs plus opportun que le débat sur la question s’installe plutôt du côté du Bardo que de celui de la Kasbah, pour que la responsabilité sur ce dossier soit assumée par tout le monde et sous le regard vigilant de l’opinion publique.
Au final, Il est àprésumer, ou du moins à espérer, une issue heureuse pource dossier. La corporation, puisant dans ses vieilles traditions patriotiques et acquise à l’idéal éthique œuvrera à éviter tout accusation prévisible de vouloir le lard et le cochon, ou encore le beurre et (d’autant plus, s’il était sale), son argent.Transcendant le contexte préélectoral et ses vieilles doléances d’accéder à de nouveaux privilègesprofessionnels, ellesouscrira aux efforts de la Tunisie dans le domaine LBA-CFT, publiera ses propres normes à l’instar de la profession du chiffre et de ses homologues étrangers et favorisera ainsi notre sortie des listes du GAFI et de l’UE.
La coupole quant à elle, votera favorablement la proposition sus-développée, à moins que, prenant hélas, l’habitude de se complaire dans les bas de page des classements, le souverain du pays consente d’enliser un peu plus, le pays du souverain!
Samir Brahimi
(1)Soren Kierkegaard
(2)Plénière du GAFI du 18 Octobre 2018: «Tunisiashould continue to work on implementingits action plan to addressitsstrategicdeficiencies, including by: (1) fully integrating the DNFBPs into its AML/CFT regime; (2) maintainingcomprehensive and updated commercial registries and strengthening the system of sanctions for violations of transparency obligations; (3) continuing to demonstrateincreasingefficiencywith regard to suspicious transaction report processing; (4) demonstratingthatitsterrorism-related TFS regime isfullyfunctional and thatitisappropriately monitoring the association sector; and (5) establishing and implementingproliferation finance-relatedtargetedfinancial sanctions».
(3)«Qui donne la leçon, doit l’exemple»; page Facebook de l’auteur; 24 Mai 2018.
(4)Les notations de la conformité aux Recommandations du GAFI varient entre «Conforme», Largement conforme», «Partiellement conforme» et
«Non conforme». Les notations de l’effectivité des dispositifs LBA-CFT varient entre «Elevé», «Significatif», «Modéré» et «Faible».
(5)Notation revenue à « Partiellement conforme », dans le rapport de suivi du GAFI Moyen -Orient/Afrique du Nord.
(6)Loi LBA-CFT n°2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent.
(7)Circulaire n°2017-08 du 19 septembre 2017 portant mise en place des règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
(8)Règlement du Conseil du Marché Financier, tel que visé par l’arrêté de la Ministre des finances en date du 19 janvier 2017 et modifié par l’arrêté du Ministre des finances en date du 6 mars 2018.
ترتيب عدد 1 مؤرّخ في 02 مارس 2018حول تدابير العناية الواجبة المتعلقة بمكافحة تمويل الإرهاب وانتشار التسلّح ومنع غسل الأموال لدى قطاع التأمين
Règlement du Comité Général des Assurances, tel que visé par l’arrêté de la Ministre des finances en date du 19 janvier 2017 et modifié par l’arrêté du Ministre des finances en date du 6 mars 2018.
(9)Les avocats, les notaires, les experts comptables, les agents immobiliers, les rédacteurs de contrats à la conservation de la propriété foncière et autres professionnels habilités en vertu de leur mission lors de la préparation ou la réalisation au profit de leurs clients, d’opérations d’achat et de vente portant sur des immeubles ou de fonds de commerce ou la gestion de biens et de comptes de leurs clients ou l’arrangement d’apport pour la création de sociétés et autres personnes morales ou leur gestion, exploitation, ou le contrôle desdites opérations ou la fourniture de consultation à leur propos.
(10)Circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2018-09 portant règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
(11)L’expression bénéficiaire effectif désigne la ou les personnes physiques qui en dernier ressort, possèdent ou contrôlent un client[Cette définition devrait s’appliquer également au bénéficiaire effectif du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie ou de tout autre produit d’investissement en lien avec une assurance.] et/ou la personne physique pour le compte de laquelle une opération est effectuée. Sont également comprises les personnes qui exercent en dernier lieu un contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique. (V. Glossaire du GAFI).
(12)Les Mémorables, Livre I, 7 de Xénophon
(13)Le détournement de pouvoir est le faitd’user de ses pouvoirs pour un objet autre que celui à raison desquels, ces pouvoirs sont confiés à une autorité administrative.
(14)Le GAFI recommande de:
-Poursuivre sur la voie d’une plus grande efficacité dans le traitement des déclarations de soupçon à travers la mise en place complète du système d’information de la CTAF.
-Démontrer l’efficacité du dispositif relatif aux sanctions financières concernant le gel des avoirs des personnes terroristes et la diffusion de la liste nationale conformément aux Résolutions du Conseil de sécurité 1267 et 1373.
-Poursuivre les actions de contrôle des associations.
-Mettre en place un dispositif efficace pour l’application des sanctions financières relatives à l’interdiction du financement des armes de destruction massive.
-Réformer le dispositif du Registre de commerce.
(15)sauf bien entendu si le membre d’une profession juridique prend part à des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, fournit des conseils juridiques à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou sait que son client le sollicite à de telles fins.
(16)C’est le cas à titre d’exemple, de la Directive 2015/849/UE relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
(17)(FULLY integrating the DNFBPs into AML/CFT regime), précise la Déclaration publique du GAFI.
(18)Site BABNET; Mercredi 10 Octobre 2018
(19)"إن المحامي محكوم بالسر المهني وهو ما يجعله يدافع عن منظوريه، وإن تعلقت بهم شبهات فساد مالي وغسيل أموال
(20)Article 254 du Code pénal: Sont punis de six mois d'emprisonnement et de cent vingt dinars d’amende, les médecins, chirurgiens et autres agents de la santé, les pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes qui, de par leur état ou profession, sont dépositaires de secrets, auront, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, révélé ces secrets.
(21)Le droit à un procès équitable est consacré par l’article 27 de la Constitution: Tout inculpé est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité, au cours d’un procès équitable qui lui assure toutes les garanties nécessaires à sa défense en cours de poursuite et lors du procès.
(22)Décision «Ordre des barreaux francophones et germanophones».
يوم دراسي حول "دور المحامي في مكافحة الفساد ومنع غسيل الأموال"، نظمتهالهيئة الوطنية لمكافحة الفساد بالاشتراك مع الهيئة الوطنية للمحامين بتونس واللجنة التونسية للتحاليل المالية(23)
إن مكافحة الفساد تتطلب تضافر جميع الجهود وأن المحامين مطالبون بالقيام بدورهم في هذا المجال خاصة وأن الفساد يكاد يعصف بمختلف القطاعات وينتشر في جميع مفاصل الدولة"(24)
وأوضح أن هذه الندوة تعمل على إيجاد مقاربة تحفظ حق المحامي في حفظ السر المهني، وفي نفس الوقت التبليغ عن جرائم غسل الأموال، والعمل على صياغة مشروع قانون يخص المهن غير المالية ودوره في مكافحة غسيل الأموال
(25)Sauf bien évidemment, s’ils prennent part à des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, fournissent un conseil juridique à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou savent que le client a sollicité un conseil juridique à de telles fins.
(26)Art 65 de la Constitution tunisienne du 27 avril 2014: Sont pris sous forme de loi ordinaire, les textes relatifs: (…) - à la détermination des crimes et délits et aux peines qui leur sont applicables, ainsi qu’aux contraventions sanctionnées par une peine privative de liberté (…).