Exclusif : Pourquoi Taboubi, Majoul et Trablesi sont allés ensemble chez le directeur général du BIT à Genève
Genève, correspondance particulière pour Leaders. « Vous retrouver ici tous ensemble, ministre des Affaires sociales, secrétaire général de l’UGTT et président de l’UTICA, est à lui seul le plus grand engagement, jusque-là inédit, de la Tunisie à accélérer les réformes indispensables. Ce n’est pas évident et j’en suis impressionné. » Il est 13 heures, ce vendredi au siège de l’Organisation internationale du Travail (OIT), lorsque Guy Ryder, accueille chaleureusement Mohamed Trabelsi, Noureddine Taboubi et Samir Majoul, en présence de Walid Doudeche, l’ambassadeur représentant permanent de Tunisie à Genève, et Khalil Ghariani, membre du bureau exécutif de l’UTICA et du conseil d’administration de l’OIT.
La réunion a été montée sur le pouce, mais bien préparée tant par la délégation tunisienne tripartite qu’avec le cabinet de Ryder, ce qui a permis d’entrer immédiatement dans le vif du sujet. Avec le gouvernement, les deux centrales, ouvrière, l’UGTT, et patronale, l’UTICA, ont voulu envoyer un message fort d’assurance au BIT et, au-delà des institutions internationales et autres bailleurs de fonds, quant à la détermination commune de faire avancer les réformes. Qu’il s’agisse des caisses sociales, de la compensation ou de l’avenir des entreprises publiques, ou encore du contrat social (appuyé par l’OIT), la rencontre qui a duré plus d’une heure et demie, devait passer en revue tous les aspects de la situation économique et sociale en Tunisie.
Noureddine Taboubi, sans cravate, était bien dans son statut de dirigeant syndicaliste, appuyant cependant des propos positivistes. Il rappelle certes que l’UGTT a lancé un préavis de grève générale, mais ne cache pas qu’il n’aime pas y être contraint, escomptant la compréhension du gouvernement pour parvenir à un accord acceptable. Il s’affirme solidaire de l’engagement tripartite pour les réformes.
Samir Majoul est plus à l’aise. L’UTICA a déjà signé les nouveaux accords salariaux pour le secteur privé, ce qui rend sa position, en apparence, plus confortable, mais il ne se laisse pas y aller. « Nous devons rester vigilant sur ce qui risque de se passer sur le front social en Tunisie, expliquera-t-il. Ce qui concerne le secteur public, impactera également celui privé, ajoutera-t-il. Tout est lié. Aujourd’hui, nous ne sommes plus, UTICA et UGTT, mais aussi gouvernement, dans un rôle classique qui a longtemps prévalu. Nous forgeons ensemble de nouvelles relations, mutuellement bénéfiques. » Majoul remontera, dans ce passage en revue de la situation en Tunisie à l’épuisement du modèle économique, fin de la première décennie précédente, soulignant les bouleversements profonds enregistrés depuis 2011 et pointant la reprise récente de la croissance. L’engagement réitéré de l’UTICA est fortement acquis, affirmera-t-il.
Mohamed Trabelsi, lui aussi sans cravate, était dans cet univers, en terrain connu. Longtemps dirigeants syndicaliste, et membre des délégations de l’UGTT aux instances de l’OIT, mais aussi haut fonctionnaire du Bureau arabe du Travail, il en détient tous les codes. Passé ministre des Affaires sociales, il change certes de statut, sans perdre ses perspectives. Tous les indicateurs doivent être améliorés par la croissance, soulignera-t-il. Avec 2.8% de points réels de croissance, cette année, ajoutera-t-il, sans les hydrocarbures et uniquement le tiers des phosphates, les signes de reprises sont effectifs. Le ministre réaffirmera d’un côté la continuité de l’Etat, c'est-à-dire le respect de tous les engagements pris par les précédents gouvernements successifs et la détermination d’agir étroitement avec l’UGTT et l’UTICA pour aplanir les difficultés et hâter la sortie de crise.
En secrétaire général du BIT, Guy Rider ne pouvait mieux constater par lui-même d’entente, mais aussi d’engagement collectif. Son appui est précieux pour en convaincre les institutions financières et les autres bailleurs de fonds.