L'ambassadeur de Chine à Tunis , Wang Wenbin: la Tunisie peut aspirer un rôle plus actif dans la coopération sino-africaine
La Tunisie est en mesure de tirer un réel profit du sommet de Beijing sur la coopération sino-africaine, qui se tient début septembre, estime l’ambassadeur de Chine à Tunis, Wang Wenbin. Cette importante rencontre au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement lui permet de renforcer sa présence dans son environnement africain et dans les groupements régionaux et lui offre, sur le plan bilatéral, l’occasion d’accroître et intensifier sa coopération avec la Chine. D’ores et déjà, la signature, en juillet dernier, du mémorandum d’entente sur la construction commune de la Ceinture et la Route, cette grande route de la soie, ouvre de nouvelles perspectives. Les prémices de flux touristiques chinois vers la Tunisie sont prometteuses (18 mille touristes en 2017, + 150% par rapport à 2016) et un premier charter a été opéré. En 2017, les importations chinoises à partir de la Tunisie ont enregistré une croissance de 42% par rapport à l’année précédente, dont des produits de haute technologie comme les produits électroniques et les ordinateurs qui sont en hausse de 100%. Outre de grands groupes, de plus en plus de PME tunisiennes s’implantent en Chine.
Aussi, et pour faciliter l’apprentissage de la langue chinoise, le premier institut Confucius tunisien s’installera à l’Université de Carthage prochainement. Durant les cinq prochaines années à venir, Huawei envisage de former 10 mille étudiants tunisiens en TIC avant de leur délivrer des certificats reconnus à l’échelle internationale, qui leur permettront de mieux intégrer le secteur des TIC.
Tout en expliquant ce que le continent africain et, plus particulièrement, la Tunisie peuvent attendre du Sommet de Beijing, l’ambassadeur de Chine répond aux questions de Leaders sur le terrorisme, la sortie de crise en Libye, la migration dans le bassin méditerranéen, la candidature de la Tunisie au Conseil de sécurité de l’ONU, et l’appréciation de la Chine de la transition démocratique en Tunisie.
Quelle importance revêt la tenue du Sommet de Beijing 2018 du Forum sur la coopération sino-africaine (Fcsa)?
Liées par une amitié ancienne, la Chine et l’Afrique se sont toujours témoigné compréhension mutuelle et solidarité et ont œuvré à élever étape après étape le niveau de leurs relations. Jusqu’à aujourd’hui, la Chine a noué avec 24 pays africains des partenariats stratégiques globaux ou partenariats stratégiques, elle est le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis plusieurs années consécutives. Le stock d’investissements chinois en Afrique, partant de zéro, s’élève aujourd’hui à 110 milliards de dollars.
Ayant pour thème principal «La Chine et l’Afrique: construire une communauté de destin de l’humanité encore plus solide par la coopération gagnant-gagnant», le Sommet du Fcsa se tiendra en septembre prochain à Beijing. La Chine entend profiter du Sommet pour associer étroitement la coopération sino-africaine au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, à l’Agenda 2063 de l’Union africaine, à l’initiative de « la Ceinture et la Route » et aux stratégies de développement nationales des pays africains. Le Sommet de Beijing se concentrera sur trois objectifs.
- Tout d’abord, déterminer le cap du développement des relations sino-africaines pour les trois années à venir. Au cours du Sommet, les dirigeants des deux parties vont annoncer de nouvelles mesures. Elles contribueront, d’une part, au renforcement de la coopération sino-africaine dans les domaines traditionnels (tels que l’infrastructure, le commerce, la finance, la santé et le développement des ressources humaines) et, d’autre part, à l’élargissement de la coopération sino-africaine dans de nouveaux domaines (tels que la réduction de la pauvreté, le développement de l’économie verte, ainsi que la préservation de la paix et de la sécurité) pour ouvrir de nouveaux horizons aux relations Chine-Afrique.
- Deuxièmement, favoriser la transformation et la montée en gamme de la coopération économique et commerciale sino-africaine. La coopération sino-africaine connaît actuellement une transformation encourageante, passant d’une coopération dirigée par les pouvoirs publics à une coopération basée sur le fonctionnement du marché, du commerce des marchandises au partenariat en matière de capacités de production, et de la simple construction à l’investissement et à l’exploitation, ce qui contribue effectivement au développement durable en Afrique. Le Sommet de Beijing permettra de mettre en synergie les atouts de la Chine en matière de fonds, de technologies, d’équipements et de compétences d’un côté, et les ressources naturelles, le dividende démographique et le potentiel de marché en Afrique de l’autre, en vue de plus de bénéfices pour tous.
- Enfin, promouvoir la coopération Sud-Sud. La coopération sino-africaine est un exemple pour la coopération Sud-Sud. Le Sommet de Beijing sera une occasion où des pays en développement réaffirmeront leur forte volonté de poursuivre la paix, la coopération et le développement, et apportera une grande contribution à l’édification de la communauté de destin Chine-Afrique.
Et quel intérêt particulier pour la Tunisie ? Que faut-il en attendre?
Sur le plan multilatéral, le Sommet de Beijing permettra à la Tunisie de jouer un rôle plus actif dans la coopération sino-africaine et de renforcer sa présence dans son environnement africain et dans les groupements régionaux.
Au niveau bilatéral, les hauts dirigeants de nos deux pays se rencontreront en marge du Sommet de Beijing pour échanger des points de vue sur les relations bilatérales et des questions régionales et internationales d’intérêt commun, ce qui donnera certainement une grande impulsion à la coopération sino-tunisienne et permettra de hisser nos relations bilatérales à un niveau plus élevé.
La coopération bilatérale sera-t-elle marquée par de nouveaux projets immédiats? Lesquels et avec quelles modalités de réalisation (financement, exécution, délais…)?
Déjà, nos deux pays ont réalisé de bons projets tels que le canal Medjerda-Cap Bon et le Centre de la jeunesse et des sports d’El Menzah. Aujourd’hui, les projets de l’hôpital de Sfax, du Centre de la jeunesse et des sports de Ben Arous et de l’Académie diplomatique progressent dans des conditions favorables. Dans un proche avenir, il y aura certainement d’autres projets qui permettraient d’élargir le champ de notre coopération et donneraient un nouveau dynamisme au développement de nos relations bilatérales.
La balance commerciale est largement déficitaire du côté tunisien: les exportations tunisiennes vers le marché chinois restent très modestes. Comment les promouvoir ?
Accroître les exportations vers la Chine est une préoccupation de la partie tunisienne, nous le comprenons parfaitement. La Chine ne cherche pas l’excédent commercial. Le président chinois Xi Jinping a récemment annoncé des mesures importantes pour augmenter considérablement les importations, y compris la réduction significative des taxes sur les véhicules importés et sur d’autres produits. En 2017, les importations chinoises à partir de la Tunisie ont enregistré une croissance de 42% par rapport à l’année précédente, dont des produits de haute technologie comme les produits électroniques et les ordinateurs. Ces derniers ont connu une hausse de 100%. Aujourd’hui, en Chine, on peut commander l’huile d’olive tunisienne sur Internet.
A partir de cette année, la Chine va organiser l’Exposition internationale des importations. La première édition de l’Exposition aura lieu en novembre prochain à Shanghai. Pour faire mieux connaître l’Exposition des importations aux hommes d’affaires tunisiens, notre ambassade a organisé le 15 mai dernier, en partenariat avec l’Utica, un forum économique sino-tunisien qui a été bien accueilli par les milieux d’affaires tunisiens. Nous avons aidé les participants tunisiens à réserver des stands supplémentaires de l’Expo. Nous sommes disposés à discuter avec la partie tunisienne de la possibilité de signer le protocole d’inspectionÚ
Úet de quarantaine pour faciliter l’exportation des produits agricoles tunisiens vers la Chine. Dans le futur, nous allons travailler de concert avec la partie tunisienne pour que le commerce bilatéral se développe de façon plus équilibrée.
Quelques rares entreprises tunisiennes sont implantées en Chine. Avez-vous un programme de soutien spécifique à cet effet?
Avec l’approfondissement de la coopération économique et commerciale entre la Chine et la Tunisie, les entreprises tunisiennes implantées en Chine deviennent de plus en plus nombreuses. Le Groupe chimique tunisien a installé en Chine une entreprise en joint-venture, qui est aujourd’hui l’un des fabricants d’engrais composés les plus importants de Chine et même d’Asie. Outre de grandes entreprises tunisiennes comme le Groupe chimique, il y a aussi pas mal de PME tunisiennes qui exploitent des opportunités commerciales en Chine. Notre ambassade encourage les entrepreneurs tunisiens à profiter des opportunités du marché chinois et demeure disposée à leur offrir des facilités nécessaires, en collaboration avec les institutions compétentes tunisiennes comme l’Utica et la Conect.
Quelle évaluation fait la Chine du processus de transition démocratique en Tunisie et des défis économiques et sociaux ?
Le processus de transition démocratique en Tunisie est plein de dynamisme. Bien qu’il y ait des défis économiques et sociaux à relever, nous sommes convaincus que la Tunisie a la capacité de surmonter des difficultés et deviendra un modèle de la région qui poursuit sur la voie du développement adaptée à sa propre réalité. La Chine a été et sera toujours un partenaire fidèle de la Tunisie durant sa transition.
La Chine apportera-t-elle son soutien à la candidature de la Tunisie au Conseil de sécurité ?
Nos deux pays partagent des positions similaires sur de nombreuses questions internationales et régionales, et maintiennent une bonne concertation et une bonne communications là-dessus. Nous apprécions l’engagement actif de la Tunisie dans les affaires internationales et sommes contents de voir la Tunisie devenir membre du Conseil de sécurité. Nous comptons renforcer la coopération et la coordination avec la Tunisie dans des enceintes multilatérales, afin de préserver la paix et de promouvoir le développement de la région et du monde entier.
Comment la Chine soutient-elle la lutte contre le terrorisme, particulièrement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ?
La Chine s’oppose au terrorisme sous toutes ses formes. Elle insiste sur le fait que la lutte contre le terrorisme nécessite une approche intégrée qui s’attache tant à ses manifestations qu’à ses racines. Nous nous engageons à approfondir la coopération pour le développement les pays arabes et africains de façon à éradiquer le terrorisme et à promouvoir ensemble la paix et la stabilité dans le monde.
Quelle est votre analyse de la situation en Libye et quelle sortie de crise possible d’après vous?
Sur la question libyenne, nous sommes pour la résolution politique qui consiste à respecter et à préserver la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Libye, à résoudre toute divergence par le dialogue interlibyen et à trouver par voie politique une solution tenant compte des intérêts de toutes les parties concernées. Il faut que la communauté internationale s’engage, sous l’égide de l’ONU, pour une solution durable, en écoutant les avis des pays voisins comme la Tunisie. La Tunisie suit de près le processus politique en Libye et déploie de grands efforts dans ce sens. Nous l’apprécions beaucoup et entendons renforcer la concertation et la coordination avec la Tunisie afin que la Libye retrouve la stabilité et le développement dans un avenir proche.
Que pensez-vous du drame de la migration vers l’Europe en l’absence de politiques concertées entre les pays européens, arabes et africains concernés ?
Nous estimons qu’il convient de renforcer la coopération pragmatique entre les pays d’origine, de transit et de destination. Il est nécessaire d’élargir les canaux légaux de migration, de faciliter l’intégration des migrants dans la société d’accueil, d’éliminer la discrimination et la xénophobie à l’encontre des migrants, de lutter ensemble contre le trafic d’êtres humains, l’immigration clandestine et d’autres formes de criminalité organisée et, en même temps, d’aider les pays concernés à réaliser le développement économique pour réduire les migrations forcées.
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