L'ambassadeur de Tunisie à Pékin, Dhia Khaled: Optimiser davantage notre coopération avec la Chine dans tous les domaines
De part et d’autre, les attentes sont grandes tant en flux d’échanges commerciaux, de partenariats industriels, d’investissement, mais aussi dans divers autres domaines, estime l’ambassadeur de Tunisie en Chine, Dhia Khaled. Au-delà de la coopération bilatérale, le Forum sino-africain offre à la Tunisie l’occasion de s’inscrire dans une nouvelle dynamique qui s’initie entre le continent africain et la Chine, en une démarche globale et soutenue, souligne-t-il. Aussi, notre adhésion à l’ambition projet Ceinture et Route nous ouvre-t-elle de nouvelles perspectives et de grandes opportunités... Qu’il faut cependant savoir saisir.
Quelle importance revêt la tenue du Forum de coopération Chine-Afrique, Focac?
Ce forum de coopération constitue désormais un cadre idoine pour le développement des relations entre la Chine et le continent africain, dont les besoins en développement nécessitent une plus grande ouverture sur ce géant asiatique qui est devenu depuis des années une locomotive principale de la croissance économique mondiale et un pôle important d’innovation technologique.
Il est à rappeler que le plan d’action adopté lors du dernier sommet Chine-Afrique, tenu en 2015 à Johannesburg, a ouvert la voie à la réalisation de grands projets stratégiques d’infrastructures dans plusieurs pays africains et à la mise en œuvre de nombreux programmes de coopération avec notre continent. Le prochain sommet de Beijing sera donc à la fois le couronnement des résultats du sommet précédent et l’occasion de lancer un nouveau plan d’action qui comportera a priori plusieurs axes de coopération : politique, économique, investissement, éducatif et scientifique, social et humanitaire…sans oublier l’importance accordée à la jeunesse et à des concepts novateurs comme l’économie bleue, les nouvelles générations de TIC, etc. Ce sommet se tient également dans un contexte marqué par la volonté de la Chine de renforcer son positionnement sur l’échiquier économique mondial en accélérant l’ouverture de son économie et en donnant une plus grande priorité à la protection de l’environnement, à la coopération gagnant- gagnant entre les pays et à plus de synergie avec le continent africain.
Et quel intérêt particulier pour la Tunisie ? Que faut-il en attendre?
L’intérêt y est bien sûr et les attentes sont grandes. La Tunisie, en tant que membre de l’Union africaine, se doit de tirer profit de cette arène qu’est le Focac, afin d’optimiser davantage sa coopération avec la Chine dans tous les domaines.
Encore faudrait-il signaler que la Tunisie profite déjà de ce cadre dans la mesure où certains projets de coopération technique y sont inscrits, tels que le Centre hospitalo-universitaire de Sfax.
Pour ce qui est des perspectives futures, les attentes sont importantes et concordent bien avec les priorités de notre pays en matière de développement, tant à court qu’à long terme. Il s’agit d’une opportunité réelle pour réaliser certains projets d’infrastructures qui nécessitent la mobilisation d’importants moyens logistiques et financiers. Il est en effet possible de profiter des axes de coopération retenus par le Forum afin de mener une réflexion commune avec la Chine sur les projets et actions que nous pourrions engager ensemble dans un esprit de partenariat mutuellement bénéfique.
De quelle manière la Route de la Soie bénéficiera-t-elle à la Tunisie?
Il est important de rappeler tout d’abord que M. Khemaies Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères, a signé à l’occasion de sa visite en Chine en juillet 2018 le MoU d’adhésion officielle de la Tunisie à l’initiative « Ceinture et Route », qui est communément connue sous le nom de Nouvelle Route de la Soie, en référence à l’ancienne route qui reliait la Chine, entre autres, au Moyen-Orient et l’Orient. C’est dans cet esprit que la Chine a fait renaître ce cadre d’échange par le biais d’une initiative lancée, en 2013, par le président M. Xi Jinping. Ce projet regroupe actuellement plus de soixante-dix pays et quarante organisations internationales et régionales. Il s’agit en fait du cadre général qui est appelé à regrouper sous une même vision stratégique l’ensemble des politiques et programmes de coopération internationale de la Chine. D’énormes moyens financiers et logistiques sont déjà réservés à cette initiative par les autorités chinoises et des institutions financières, techniques… d’accompagnement ont été créées ou le sont en cours.
Pour la Tunisie, désormais membre officiel de la «Ceinture et Route», il est légitime d’espérer en tirer profit, et ce par une contribution chinoise à la réalisation de projets qui cadrent, en même temps, avec nos priorités nationales de développement et celles de l’initiative. Il pourrait s’agir éventuellement de la création de zones industrielles, de l’engagement de projets d’infrastructures ou de connectivité.
En même temps, l’initiative cherche à renforcer la coopération dans les domaines de l’investissement, du commerce, de la recherche scientifique et la technologie, du tourisme, de l’enseignement supérieur. Ainsi, comme vous pouvez le constater, le potentiel existe bien évidemment et c’est aux deux pays de fixer les projets à réaliser ensemble dans le cadre d’une approche « gagnant-gagnant».
Coopération bilatérale
La coopération bilatérale sera-t-elle marquée par de nouveaux projets immédiats?
La coopération bilatérale est marquée par la réalisation en cours de certains projets importants, notamment le Centre hospitalo-universitaire de Sfax. D’autres seront lancés très prochainement, tels que l’Académie diplomatique du ministère des Affaires étrangères, le Centre de calcul rapide qui sera installé au Centre Al Khawarezmi, le Centre de jeunesse et sport de Ben Arous, sans oublier l’achèvement, il y a quelques mois, des travaux de rénovation du Centre culturel et sportif El Menzah 6, sachant que tous ces projets sont pris en charge par la Chine au niveau du financement et de la réalisation. D’autres projets importants sont bien évidemment en cours de réalisation. De même, des constructeurs de voitures et de bus chinois envisagent sérieusement le lancement de lignes d’assemblage avec des partenaires tunisiens.
Par ailleurs, un effort sérieux est engagé pour attirer en Tunisie des investissements directs chinois et nous constatons, si heureusement, que des entreprises de référence ont lancé un travail de prospection du potentiel offert par notre pays au niveau de son environnement d’affaires et sa position stratégique en tant que hub entre l’Afrique et l’Europe.
Sur un autre plan, les entreprises chinoises qui ont pris part massivement, en 2016, à la conférence internationale «Tunisia 2020» s’intéressent aux grands projets prévus par le plan de développement 2016-2020 et participent régulièrement aux appels d’offres y afférents.
Un accent particulier sera-t-il mis en faveur de la jeunesse, de l’enseignement universitaire, des technologies, des échanges?
L’accent est déjà mis sur le volet de la coopération académique, scientifique et technologique. Et les résultats sont très positifs. A cet effet, nous pouvons citer les récentes découvertes, par l’Institut chinois de télédétection, en collaboration avec les autorités tunisiennes, de dix sites archéologiques dans le Sud tunisien, lesquelles découvertes devraient contribuer à la promotion du tourisme culturel dans la région. Un autre acquis a été enregistré avec l’inauguration, en avril 2018, au Pôle technologique El-Ghazala, du Centre sino-arabe de formation des experts arabes sur le système chinois de navigation spatiale «BEIDOU».
Sur le plan académique et universitaire, le nombre d’étudiants tunisiens en Chine ne cesse de croître. Ils sont à peu près de 350 dont environ 270 bénéficiant des bourses prévues par le programme de coopération bilatérale ou offertes directement par les universités chinoises.
Il y a lieu de citer aussi la visite en Tunisie, l’année dernière, d’une vingtaine d’universités chinoises pour la promotion de leurs parcours universitaires auprès de nos étudiants, dans le cadre de la manifestation « China Campus », qui a été organisée avec le concours du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
La jeunesse tunisienne tire également profit des excellentes relations de notre pays avec la Chine, notamment avec la réouverture, dernièrement, du Centre culturel et sportif d’El Menzah 6 après avoir été entièrement rénové, et le lancement prochainement de la construction du Centre de la jeunesse et du sport à Ben Arous.
Commerce et investissement
La balance commerciale est largement déficitaire du côté tunisien: les exportations tunisiennes vers le marché chinois restent très modestes. Comment les promouvoir ?
Pour vous répondre, il serait opportun de cadrer tout d’abord notre coopération avec la Chine qui est désormais notre quatrième partenaire commercial et notre troisième fournisseur. Une part importante de nos importations en provenance de ce pays est composée de matériel divers de production, de matières premières, de produits semi-finis et finis qui entrent dans notre chaîne de production industrielle et contribuent, par conséquent, à la création de la richesse et de l’emploi. Afin de pallier ce déficit, toute une stratégie est en train d’être menée en Chine par les différents intervenants tunisiens dans le cadre de la mise en œuvre de la diplomatie économique. Elle touche en même temps trois composantes importantes, à savoir le tourisme, les investissements et les exportations. Des résultats positifs sont en train d’être enregistrés et se manifestent à travers l’augmentation notée depuis 2017 au niveau de nos exportations vers la Chine et du nombre de touristes visitant notre pays, outre la croissance considérable des intentions d’investissement et la multiplication des visites de prospection de la part des entreprises chinoises.
Par ailleurs, des actions spécifiques pour la promotion des exportations tunisiennes vers la Chine sont engagées, avec la tenue, par exemple, en avril 2018 à Beijing, de la première réunion du conseil d’affaires tuniso-chinois qui constitue un espace d’interactions directes entre les entreprises des deux pays et offre des opportunités de promotion des produits tunisiens. Dans ce cadre, un appel est lancé aux entreprises tunisiennes pour participer activement aux principales manifestations économiques et commerciales en Chine. Je cite à titre d’exemple la Foire internationale des importations (Shanghai: 5-10 novembre 2018) qui constitue une opportunité réelle pour promouvoir le produit tunisien en Chine. Toutefois, ces efforts ne peuvent aboutir à un résultat positif sans qu’il y’ait une contribution directe et engagée de tous les acteurs économiques et surtout du secteur privé tunisien.
Quelles sont les entreprises tunisiennes implantées en Chine et celles qui y exportent?
Nous pouvons citer, tout d’abord, l’entreprise «Sino-Arab Chemical Fertilizers co., ltd », fondée en 1985 et installée à Qinhuangdao (province de Hebei) dans le cadre d’un partenariat entre la partie chinoise et le Groupe chimique tunisien. Il s’agit d’un projet réussi qui a entamé ses activités au début des années quatre-vingt-dix. Quelques groupes privés sont aussi actifs en Chine dans divers domaines, notamment la fabrication de câbles électriques pour l’industrie automobile et l’exportation de l’huile d’olive et de certains matériaux de construction.
Les Tunisiens en Chine
Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Quelles difficultés rencontrent-ils ?
On compte environ 530 Tunisiens en Chine dont la plupart sont des étudiants, des professeurs, des financiers, des chercheurs… Ils sont bien introduits et appréciés dans le pays d’accueil. S’agissant des étudiants, ils sont souvent attirés par la Chine après la fin de leurs études, et la maîtrise de la langue constitue un atout majeur pour eux.
Leaders consacre dans son numéro de Septembre 2018, en kiosques, un dossier spécial ‘’La Tunisie et Nous’’.
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