Mohamed Jegham: Les souvenirs de Monsieur Plaisance...
Pied marin et âme libre, voguant toujours au grand large, Mohamed Jegham a été sans doute d’un fort soutien à la promotion du nautisme en Tunisie. S’il avait été gouverneur (de Gabès), P.D.G. d’entreprises publiques (AMS ...), ambassadeur (à Rome), ministre (du Tourisme et de l’Artisanat, de l’Intérieur, et de la Défense) et ministre directeur du cabinet présidentiel (ne gardant pas la langue dans sa poche), c’est son passage à la tête de Sousse Nord-Port El Kantaoui qui l’a le plus marqué. Cette grande passion pour la plaisance l’incitera à se mobiliser en faveur de la création de la station touristique Yasmine Hammamet, avec son port de plaisance, sa marina, ses cafés, restaurants, hôtels, centres d’animation et résidences.
Pour Leaders, Mohamed Jegham a accepté de revenir, avec la sobriété et la modestie qu’on lui connaît, sur ces deux grandes réalisations. Témoignage.
Port El Kantaoui: une destination de rêve
Septembre 1983. Le nouveau P.D.G. de la société»Sousse-Nord» débarque. La station touristique «Port El Kantaoui» commence à attirer plus de gens. Le nom est de plus en plus connu des T.-O. européens. C’est, dit-on, le «premier port jardin de la Méditerranée».
Plusieurs centaines d’appartements sont déjà vendus, avec facilités, mais en permettant à la société de gestion, filiale de «Sousse Nord», de récupérer les lieux, les louer aux agences de voyages, un mois par an et ce pendant 7 ans. C’est une aubaine pour les deux parties. En été, déjà, l’occupation est à 100%. Des lotissements dans la station, à la périphérie du parcours de golf, ont vu se dresser plusieurs centaines de villas plus somptueuses les unes que les autres.
Un parcours de golf de 18 trous attire déjà les Scandinaves. On dit que c’est un des meilleurs parcours autour de la Méditerranée. Il connaîtra quelques années plus tard une extension à 27 trous puis à 36.
Une série d’hôtels, quatre et cinq étoiles, commence à attirer les touristes européens: Français, Allemands, Belges, Hollandais, Italiens, Scandinaves, etc. Le service est excellent, l’accueil est enthousiaste; la gastronomie tunisienne fait son apparition dans les plats des clients.
De l’animation dans la marina: des restaurants, des cafés, des glaciers, des bars, des superettes, la poste, la pharmacie... Tout est là pour répondre aux attentes des touristes. L’animation se déplace en ville, avec les taxis, les trains touristiques. La ville de Sousse, «La perle du Sahel», devient plus belle. Des commerces en tous genres ouvrent leurs portes. Seul bémol: le port, il est presque vide. Le nouveau P.D.G. en est conscient. Il prend son bâton de pèlerin et va vers les ports les plus connus d’Europe : Porto San Remo, Menton, Cagnes-sur-Mer, Antibes, Cannes, Saint-Tropez,Grau-du-Roi, Sète, Agde... Il rencontre des plaisanciers qui ne demandent qu’à se connecter à un port de plaisance de l’autre rive de la Méditerranée. Le nouveau P.D.G. ne rate aucune occasion, il fait la promotion du port, explique, donne le ton. Une visite d’inspection et c’est le coup de foudre. Quelques mois plus tard, 75 yachts quittent la station de la Grande Motte vers Port El Kantaoui. C’est l’enchantement, l’accueil des Tunisiens fait le reste.
Depuis, le port a connu un développement remarquable. C’est un exemple édifiant pour développer la plaisance en Tunisie. Le port El Kantaoui peut être considéré comme le coup d’envoi de la construction des ports de plaisance, il y va de l’avenir de la plaisance et du tourisme en Tunisie. Que les autorités pensent à ce créneau. Plusieurs villes côtières, de Tabarka à Zarzis, peuvent répondre à cette demande.
Le port de Yasmine Hammamet : la cerise sur le gâteau
1990. L’idée d’une station touristique intégrée à l’instar du port El Kantaoui est en train de mûrir.
Le ministre en fait son affaire. Il fallait réunir les propriétaires des lieux, leur proposer un marché:
- vendre au prix du marché.
- céder leur terrain à la société de développement qui va entreprendre des travaux d’aménagement et de viabilisation puis restituer une partie de leur terrain.
Après maintes réunions, l’accord est conclu. Beaucoup ont choisi la deuxième option. Le projet est très ambitieux. Sur 277 ha, un front de mer de 4 km, il s’agissait de construire 25 000 lits hôteliers et résidentiels avec le mobilier urbain, les restaurants, les commerces, la médina avec ses remparts, ses souks, un parc à thèmes (Carthage Land), une salle polyvalente de 2 000 sièges. Tout cela, pour créer l’animation tant souhaitée dans la station.
Il faut rappeler que l’Etat a toujours été le seul opérateur dans l’aménagement touristique. Voilà une occasion pour tester les opérateurs privés. La création de cette station répond à deux objectifs essentiels:
- satisfaire la demande croissante des T.-O.
- diversifier l’offre touristique en créant des parcours de golf, des ports de plaisance, des centres d’animation …
Le port de plaisance de Yasmine Hammamet s’inscrit dans ce cadre. Avec un plan d’eau de 20 ha, il est conçu pour recevoir 700 yachts. Rappelons que la construction du port a suscité beaucoup de polémique. Son exécution pourrait fragiliser la côte et donc un dégraissement du côté sud. A l’instar du port El Kantaoui où il a fallu construire des épis pour engraisser la plage.
Aujourd’hui, les effets négatifs du port ne sont pas apparus. D’ailleurs, le port est presque plein.
Autant le port de plaisance est une réussite et s’ajoute à la capacité portuaire du pays qui reste malgré tout en deçà des ambitions, autant la station, avec la baisse de fréquentation des touristes pour le pays, la non-conformité des règles de construction, le non-respect du moindre souci de propreté, de civisme, la station Yasmine Hammamet n’a pas connu son décollage. C’est la déception.
Que tous les intervenants dans cette station (administration, hôteliers, commerçants…) se réunissent pour prendre les mesures adéquates et pallier les insuffisances qui freinent son développement. Urgence signalée.
Mohamed Jegham
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