Habib Ammar: Comment faire du nautisme un vecteur de croissance du secteur touristique en Tunisie
La vocation touristique de la Tunisie a été confirmée vers la fin des années soixante. Dès cette époque, l’Office national du tourisme tunisien (Ontt) a commencé à viser un objectif majeur, à savoir l’enrichissement du produit touristique.
En effet, la Tunisie s’est orientée vers la diversification des produits touristiques pour offrir une large gamme de produits : le tourisme balnéaire, golfique, culturel, de bien-être. C’est dans ce cadre que s’inscrit le développement de la plaisance et du tourisme nautique. La promotion de ce secteur constitue ainsi une opportunité stratégique pour la destination tunisienne au regard de la plaisance en Méditerranée qui a été marquée par la saturation de la rive nord, l’insuffisance d’anneaux d’accostage et l’explosion du nombre de plaisanciers dans la région euroméditerranéenne. La Tunisie se prête à ce secteur actif et dynamique et offre aux plaisanciers l’opportunité de découvrir un pays à civilisations, traditions et coutumes différentes.
Ce créneau est un vecteur de croissance et d’amélioration du secteur touristique. Il procure une haute valeur ajoutée à l’offre touristique et de remarquables incidences économiques sur la rentabilité du tourisme tunisien et sur l’économie locale.
Des difficultés à aplanir
Le secteur de la plaisance est certes porteur mais il est aussi semé de difficultés qui peuvent parfois freiner les plaisanciers et avoir des incidences négatives sur la qualité du tourisme tunisien. Ces difficultés touchent plusieurs axes, jugés indispensables au développement du nautisme en Tunisie. Parmi ces axes, nous pouvons mettre l’accent sur :
Ports et équipements
De remarquables problèmes sont relatifs à l’optimisation des performances techniques et environnementales des infrastructures portuaires de plaisance. A cela s’ajoutent:
• Une absence d’alignement et de mise à niveau des ouvrages et équipements portuaires et santé bateau aux normes Euro-Marina.
• L’absence d’entretien périodique pour la remise en état des phares et feux des chenaux des ports.
• L’absence dans certains ports de points de vente et de distribution d’équipements et pièces de rechange pour bateau.
Communication et animation
• L’absence d’un guide nautique « Destination Tunisie » qui constitue un support indispensable pour les plaisanciers.
• Une faiblesse au niveau de la participation des professionnels aux salons nautiques européens. Toutefois, actuellement l’Ontt participe avec un stand uniquement à Paris et Düsseldorf, ce qui peut limiter la clientèle de la Tunisie.
• On note aussi une absence de partenaires réputés pour l’organisation et l’accueil des régates.
Procédures administratives
Les procédures d’admission temporaire des bateaux étrangers, formalités d’accueil, d’entrée ou de sortie et des séjours des plaisanciers, appliquées par les agents des autorités du port, ne sont pas toujours claires et parfois différentes d’un port à l’autre.
Les droits de consommation facturés par les constructeurs sur la vente des bateaux de plaisance aux Tunisiens sont excessivement élevés. Cela engendre une réticence des plaisanciers tunisiens et impacte négativement la plaisance nationale.
Des solutions urgentes
Afin de préserver le secteur de la plaisance en Tunisie, il est nécessaire d’avoir recours à des solutions performantes qui répondent parfaitement aux problèmes rencontrés par la majorité des ports.
Procédures administratives : la création d’un guichet unique qui regroupe toutes les autorités en relation avec les plaisanciers et les services portuaires et ce afin de faciliter et alléger les procédures administratives.
Commercialisation du produit touristique tunisien
a. Participation aux salons nautiques
Il faut certainement opter pour le démarchage des clients plaisanciers aux manifestations internationales (salons nautiques internationaux), organisés : à Düsseldorf (Allemagne), Gènes (Italie) et Paris (France), et ce afin de faciliter l’accueil et accroître le nombre des visiteurs plaisanciers et professionnels du tourisme nautique. En effet, ces trois pays disposent de flottes importantes émettrices pour la Tunisie et ils comptent:
- Allemagne : 600 000 bateaux : 245 000 visiteurs au salon de Düsseldorf (janvier de chaque année).
- Italie : 380 000 bateaux : 200 000 visiteurs au salon de Gènes (octobre de chaque année).
- France : 500 000 bateaux : 226 000 visiteurs au salon de Paris (décembre de chaque année)
Il faudrait également penser à être présent dans d’autres salons importants pour l’attraction d’autres clients (Barcelone, Cannes, Londres et Rome). La participation aux salons doit être de qualité et portant l’image de marque d’une Tunisie terre d’accueil et de sérénité. De même, il faudrait faire intervenir le ministère du Commerce à travers le Centre de promotion des exportations(Cepex) pour encourager l’exportation et la promotion des services des ports de plaisance.
b. Publicité
La seule publicité éditée volontairement par les professionnels des ports est celle qui figure sur le livre de bord bloc marine « Méditerranée » qui est un journal contenant des informations pratiques sur les ports de plaisance, de commerce et de pêche accessibles aux bateaux de plaisance. A cela s’ajoute la publicité de bouche à oreille des plaisanciers ayant visité la Tunisie et qui sont satisfaits des services rendus. Ces deux paramètres sont, désormais, insuffisants pour la promotion des ports actuels et des projets d’avenir planifiés par le plan directeur des ports. Il est indispensable de toucher d’autres pavillons et de s’orienter vers la presse internationale telle que la presse allemande, anglaise, espagnole, autrichienne, hollandaise, etc. Les représentants de l’Ontt à l’étranger peuvent contribuer à ces actions par l’invitation de journalistes spécialisés pour des reportages sur les lieux et ce afin de leur faire mieux connaître la destination tunisienne.
c. Organisation des régates
Dans le cadre de l’animation et la découverte de nouveaux rivages en Tunisie aux navigateurs plaisanciers, les professionnels des ports, avec la collaboration du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, ont conclu des accords avec des partenaires européens, pour l’accueil et l’organisation de régates croisières au départ de la côte méditerranéenne : France (Toulon) route du Jasmin, et Italie (Rome) Carthago Dilecta EST, seules ces deux opérations sont restées fidèles à la Tunisie; la première dans sa 21e édition et la deuxième dans sa 11e édition.
Des efforts doivent être entrepris par les professionnels et le ministère du Tourisme et de l’Artisanat pour la recherche d’autres partenaires puissants (associations et clubs nautiques) en vue de faire connaître notre produit aux plaisanciers européens. Ces actions ayant toujours donné des retombées d’intérêts réciproques, à savoir :
• Des revenants individuels pour nos ports
• Publicité de bouche à oreille.
• Consommation du produit par les participants pendant le séjour avec achat de souvenirs cadeaux et articles d’artisanat.
A. Promotion et animation
a. Elaboration d’un guide nautique « plaisance en Tunisie»
Les plaisanciers visiteurs des stands Tunisie, les associations et clubs nautiques qui désirent se rendre en Tunisie demandent souvent un guide nautique sur la navigation de plaisance en Tunisie.
b. Location des bateaux
Il est aussi préférable de développer l’activité de location des bateaux (dite Charter en Europe) qui est très demandée par les clients et qui contribue davantage à la promotion des ports de plaisance et du tourisme nautique.
Pour répondre à la demande des investisseurs étrangers pour la création de bases de location des bateaux dans nos ports, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat doit procéder à la transcription de cette prestation dans le code d’investissement touristique.
B. Formation professionnelle
Un des problèmes majeurs des ports de plaisance en Tunisie est le manque de personnel qualifié. Il est donc nécessaire de faire un diagnostic de l’état actuel de la plaisance (les bateaux de plaisance en Tunisie, les bases nautiques, la main-d’œuvre relative à ce secteur, l’équipage des bateaux, les professionnels gestionnaires des ports) et ce afin de recenser le besoin réel en formation professionnelle dans les domaines de la plaisance. Ce recensement sera suivi d’une demande auprès du ministère du Transport pour l’ouverture de nouvelles filières de formation dans le domaine de la plaisance.
Il sera aussi judicieux d’instaurer un règlement relatif à la formation professionnelle dans le domaine de la plaisance et d’adopter un plan de formation qui sera préparé par la marine marchande, la marine nationale et les professionnels du secteur. Ce plan peut se résumer comme suit :
- Formation initiale : familiarisation et vulgarisation
- Formation technique : sécurité, conduite, mécanique et entretien de bateaux.
- Formation de gestion et administrative : pour le personnel des bases nautiques, les ports de plaisance et d’accueil des plaisanciers.
De même, l’Agence de formation dans les métiers du tourisme, récemment constituée, est appelée à jouer un rôle majeur pour mettre en adéquation les besoins quantitatifs et qualitatifs de main- d’œuvre qualifiée avec les besoins du secteur. Et ce en coordination avec les professionnels et les différentes structures de formation théorique et pratique.
C. Développement de l’activité nautique
- Encouragement et création des activités nautiques dans les gouvernorats côtiers par le ministère de la Jeunesse et des Sports.
- Encouragement des activités nautiques par le biais de la mise en place d’un code « d’investissement tourisme nautique» et la réduction des taxes douanières sur les produits et les équipements nécessaires à la profession ainsi que sur les matières premières pour la construction des bateaux de plaisance.
D. Infrastructures portuaires
- La mise à niveau et la certification ISO 9001 (norme de gestion) et ISO 14000 (gestion de l’environnement).
- L’entretien périodique et la remise en état de quais et des infrastructures du port.
Habib Ammar
P.D.G., Groupe Sousse Nord
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