Le 40e jour du décès de Mohamed Ben Smail: Du Maghreb Circus à Cérès
Il commençait déjà à nous manquer ces dernières années, se retirant petit à petit des éditions Cérès qu’il avait fondées il y a plus de 50 ans, en 1964, de l’Espérance Sportive de Tunis qu’il avait présidée juste après Chedly Zouiten, de la Radio-Télévision tunisienne qu’il avait dirigée, du Tennis Club, surtout, où il aimait retrouver tôt le matin ses amis… Mohamed Ben Smail s’est éteint le 6 juillet 2018 à l’âge de 92 ans.
De retour à Tunis en 1954, avec une licence en droit, il rejoindra Béchir Ben Yahmed lors de la fondation de l’hebdomadaire L’Action (l’ancêtre de Jeune Afrique) conçu sur le modèle de L’Express, alors tout naissant sous la férule de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, avec l’appui de Pierre Mendes France. Mohamed Ben Smail sera le pivot de cette brillante équipe de jeunes journalistes et intellectuels et militants progressistes qui donneront à l’indépendance dès sa proclamation, à la République à peine instaurée, toute sa sève et à la révolution algérienne tout le soutien médiatique dont elle avait besoin. Avec Mohamed Masmoudi, Habib Boularès, Jean Daniel, Guy Sitbon, Josette Ben Brahem et bien d’autres, ils formeront alors une équipe exceptionnelle.
C’est ainsi qu’il fera ses premières armes au Commissariat au tourisme, sera appelé à insuffler du sang neuf et une dose de démocratie à la Radio-Télévision tunisienne sclérosée en tant que P.D.G., puis au Conseil supérieur de la communication (présidence de la République), en qualité de président. Mais, l’œuvre la plus marquante de son parcours reste sans doute les éditions Cérès.
Avec de maigres moyens, il en fera une véritable institution, publiant des auteurs souvent peu en cour auprès de Carthage et de la Kasbah, prenant le risque en plus d’éditer des ouvrages guère assurés de gros tirage, courant en plus l’aventure de créer une imprimerie (Les Imprimeries Réunies), une entreprise de diffusion de livres (Déméter) et une agence-conseil en communication.
Aussi, reprenant un petit hôtel, Le Carlton, racheté par son père au centre-ville de la capitale, il saura le développer et en faire un bel établissement hôtelier de ville.
Sur la trace de leur père, ses deux fils, Karim et Rachid, n’ont jamais cessé de poursuivre son œuvre. En la mettant au goût du temps. Issu d’une famille de Djerbiens versée dans le commerce (son propre père était établi en Algérie), Mohamed Ben Smail réussira le difficile défi d’adosser son engagement patriotique et intellectuel, par souci d’indépendance, à des entreprises, loin de bénéficier d’une rente assurée, mais malgré leurs spécificités sont bien gérées.
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