Evaluation de notre participation à la Coupe du monde de Football: Le sport de haut niveau l’ambassadeur universel et le promoteur touristique par excellence!!!
Le rideau est tombé sur la Coupe du Monde de Football, organisée en Russie durant trente et un jours, en juin-juillet 2018. Tout y était parfait et les connaisseurs sont unanimes pour affirmer que cette édition a été la meilleure de toutes, à tous les points de vue : organisation exceptionnelle, sécurité parfaite sans perception de policiers en tenue, stades combles même après l’élimination de la Russie et remarquable ambiance dans les terrains de jeu avec présence de familles entières.
Cependant, la hiérarchie ne fut, guère, respectée et les grandes équipes ont été, rapidement, laminées et renvoyées chez elles, sans aucun ménagement. L’impression qui se dégage de ce Championnat mondial, et bien que des pays soient connues pour être des nations de football par excellence (Brésil, Angleterre, Argentine, Allemagne, Italie et Espagne) est qu’il n’y a plus de grandes ni de petites équipes, et des petits pays (Uruguay avec trois millions d’habitants) et (Croatie avec quatre millions seulement), ont chambardé la hiérarchie anciennement établie.
Aussi, et grâce à la magie de la télévision, le monde était devenu, à cette occasion et un mois durant, comme un village ou un quartier d’un village parce que l’évènement sportif étaitvécu, simultanément, au fin fond de l’île de Pâques au Chili, en Amérique du Sud, ou à l’île d’Okinawa au Japon, ou en pleine savane à Madagascar,et le monde entier a vécu , cet instant exceptionnel, admiratif, heureux et enchanté par les prouesses des uns et des autres , tout en applaudissant gagnants et perdants, en reconnaissance de leurs exploits. Mais ces performances, mis à part les quelques joueurs dotés d’un don inné, impossible à égaler par le commun des mortels, ont nécessité des années de volonté, de labeur, de formation, de discipline, de rigueur, de compétences, de recherche, d’abnégation, de don de soiet de sacrifice.
En effet, sur les plus de 250 pays que compte la planète, trente-deux seulement, sont arrivés, en 2018, après moult sélections, à faire partie de l’élite mondiale du football venue se disputer la suprématie.
Mais ce sport-roi qui est devenu le plus populaire et letrès présent aux quatre coins du monde,commence à êtreconsidéré comme étant presqu’une science exacte où s’entremêlent les qualités techniques, physiques, tactiques, et mentales avec, bien sûr, un minimum de moyens financiers. C’est pourquoi, il n’est pas aisé à n’importe qui de former des joueurs capables d’atteindre le top niveau.
Cependant, avoir une équipe capable de faire bonne figure dans les compétitions internationales nécessite plusieurs facteurs déterminants dont : la volonté politique ; laformation (formateurs-centres de formation-sélection continue -motivation) ;la stratégie ; l’encadrement et les moyens.
1- La volonté politique: chaque pays dispose, parmi sa population, d’un pourcentage assez important, de jeunes. Et c’est parmi cette jeunesse que nous trouverons les sportifs dont certains, compte tenu de quelques facteurs de motivation et d’ambition, sont capables de faire partie de l’élite sportive dans les différentes disciplines. C’est pourquoi, le gouvernement, s’il est convaincu de la nécessité d’encourager le sport en général et de l’intérêt d’avoir des sportifs de haut niveau en particulier, doit prendre un certain engagement. Oui, il doit s’engager à fournir, aux responsables et à tous ceux qui encadrent les jeunes, tous les moyens personnels et matériels leur permettant de former ces sportifs qui composeront les équipes représentatives lors des championnats internationaux que ce soit à titre individuel ou collectif. Le gouvernement, jouant son rôle de contrôleur et de superviseur, doit fixer les objectifs à atteindre, périodiquement, et doit être en mesure de contrôler, chaque année, les progrès réalisés dans chaque discipline en vue de rectifier le tir ou de maintenir le cap.
En s’intéressant aux Sports, en encourageant les jeunes à y adhérer, massivement, l’Etat aura la garantie d’avoir une jeunesse saine, forte, et même impénétrable par les idées ou théories prônées par les pêcheurs en eau trouble. C’est aussi par le Sport et la Culture que nous gagnerons notre bataille contre le terrorisme.
2- La formation: C’est le facteur essentiel de toute réussite et c’est lui qui nécessitera le plus d’investissement. Il est demandé au cadre sportif, à l’entraineur, et au professeur de sports d’élite de préparer les jeunes et les moins jeunes à atteindre les sommets. Aussi, pour que le jeune devienne un sportif de haut niveau, pour participer à des épreuves sportives, à des championnats, pour réaliser des performances sportives, pour devenir champion du monde, il faut avoir beaucoup de qualités dont : l’endurance, la concentration, l’esprit d’équipe, le goût de l’effort, la discipline, la volonté de gagner, l’ambition, l’esprit de compétition et l’énergie physique et la forme.
Aussi, si nous disposons de quelques bonsformateurs dans certaines disciplines, nous manquons, terriblement, de personnels techniciens et spécialistes dans la plupart des disciplines que ce soit dans les sports collectifs qu’individuels. Nous devons avoir le courage de ne plus accepter des pseudo-entraineurs qui ne peuvent apporter aucun résultat positif, d’autant plus qu’ils ont la charge de donner les fondements et la base de telle ou telle activité sportive à des jeunes débutants dans ce domaine. Toutes les grandes associations sportives doivent être encouragées à s’engager dans cette politique de formation, dans tous les domaines, dans la plupart des disciplines. Celles-ci concernent les disciplines sportives individuelles et collectives avec obligation, ou du moins insistance, d’investir, pour ne pas se consacrer, essentiellement, au football, au handball et au basketball, dans l’athlétisme, la natation, la lutte, la boxe, l’escrime, etc…..Aussi, nous devons utiliser nos excellents rapports avec les pays renommés pour leur maitrise de certaines disciplines, individuellesou collectives, et leur demander de nous détacher des cadres techniciens pour des périodes plus ou moins longues en vue de former les entraineurs ainsi que les sportifs. Il faut reconnaitre que nous ne disposons pas d’assez d’entraineurs et de techniciens, hautement qualifiés,et diplômés des grandes Ecoles du sport. Il n’y a aucune honte à le reconnaitre car de nos jours, tout s’étudie, tout se contrôle et tout s’évalue. Il est très rare, qu’un grand joueur, un très grand joueur réussisse à faire l’entraineur et nous l’avons, bien vécu, durant la dernière Coupe du Monde. Il peut, cependant, faire l’assistant mais ne peut assumer, seul, cette responsabilité.Toutes les disciplines, individuelles et collectives, doivent recevoir les candidats très jeunes, à l’âge défini et autorisé par les instances internationales. Aucun favoritisme ou complaisance ne doit être toléré. Les grands champions européens, africains et sud-américains sont passés par des Ecoles ou Centres de formation. La sélection est continue et ceux qui ne progressent pas, régulièrement, sont remis, au fur et à mesure, à leurs parents. Cependant, la scolarité de ces jeunes sportifs doit être assurée, garantie et suivie. Un bon sportif doit réussir en classe, que ce soit à l’Ecole de base ainsi qu’au Lycée ou à la Faculté et cela est très important pour le côté mental. Les centres de formation doivent exister un peu partoutdans le pays et l’Etat, dans un souci d’encouragement, doit les prendre en charge à tout point de vue.A titre d’exemple et pour ne parler que du football, est-il concevable qu’un joueur professionnel, de surcroit, faisant partie de la sélection nationale, ne sache pas faire un bon contrôle de balle, un amorti, ou chercher, à bien se placer pour recevoir le ballon dans les meilleures conditions. Combien de fois avons-nous observé, un joueur se débarrasser du ballon n’importe comment, ou faire une passe à son camarade, encerclé par trois ou quatre adversaires !! Cela est inadmissible de la part d’un joueur professionnel faisant partie de l’équipe nationale.
Aussi, aucun bon résultat ne sera obtenu si l’Etat n’impose pas une discipline de fer, une rigueur absolue et un contrôle régulier et systématique. L’exemple du grandissime champion olympique Mohamed Gammoudi doit, toujours et en permanence, être rappelé. Sa réussite est due à la discipline de fer qui lui a été imposée par l’Armée, l’intéressé ayant été pris en charge, encadré, formé, suivi et accompagné par le personnel du service des sports militaires, dès la première année de son incorporation dans l’Armée. Pour devenir le grand champion qu’il a été, ses entrainements sont programmés à la minute, son alimentation est conçue par des spécialistes en nutrition confirmés et même son sommeil était sous contrôle.Mais il faut aussi reconnaitre qu’il avait, toujours eu, un comportement exemplaire.
La motivation est mise en relief, à toutes les étapes, et doit être rappelée régulièrement.
3- La stratégie: Dans le domaine des sports, le gouvernement doit fixer, annuellement ou périodiquement, ses objectifs que ce soit pour les sports individuels que collectifs et cela au niveau national, régional et international. Ceci nécessite la préparation de cadres locaux, régionaux et nationaux pour les disciplines individuelles et collectives dont certains seront chargés des établissements scolaires et universitaires et d’autres des centres de formation, des complexes sportifs pour jeunes et moins jeunes. Nos objectifs doivent être clairs et précis en allant progressivement pour éviter les déceptions et les découragements.
4- L’encadrement: C’est la condition sine qua none pour atteindre les objectifs fixés. Il est inutile de commencer un programme si nous ne disposons pas de l’encadrement adéquat dans telle ou telle discipline. Nous devons surtout éviter de demander aux sportifs, formés sur le tas et même expérimentés, d’encadrer des jeunes pour leur enseigner telle ou telle discipline ou activité sportive. Quoique leurs conseils et leurs expériences puissent fournir quelques recommandations intéressantes, cela n’est pas suffisant pour en faire des champions. L’encadrement doit avoir, non seulement des connaissances techniques prouvées par des diplômes, mais encore un niveau intellectuel lui permettant d’influer sur le mental du sportif. L’idéal serait d’avoir un encadrement composé de diplômés et d’anciens grands sportifs expérimentés. La combinaison des deux ne peut être que bénéfique.
5-Les moyens: Il n’est pas concevable de vouloir préparer des jeunes sportifs capables d’atteindre le haut niveau si les moyens minimaux ne sont pas garantis. On ne peut pas former des jeunes si la piste n’est pas correctement tracée, si le terrain de jeu est crevassée ou embourbée, si les douches chaudes ne sont pas disponibles, si le casse-croûte n’est pas fourni à l’issue de l’entrainement, si et si et si……et si un moyen de transport ne passe les ramasser chez eux à l’aller et au retour.
6-Conclusion: La dernière Coupe du monde de football(Russia2018) a mis en relief certains enseignements non négligeables:
A- Ce ne sont plus les grands pays qui sont les seuls capables d’avoir les meilleures équipes du monde et l’exemple de la Croatie et de l’Uruguay en est la preuve la plus éclatante,
B- Rien ne peut être obtenu sans travail sérieux, sans compétences affirmées, sans encadrement compétent, et rien n’est impossible à celui qui a la volonté d’aller le plus loin possible,
C- Il est regrettable que ni le ministère des Sports, ni la Fédération de Football ne se sont, jusque-là, intéressés au bilan de notre participation pour tirer tous les enseignements. Le problème de notre pays dans tous les domaines est le même : on ne s’intéresse pas aux résultats de notre participation pour arrêter la démarche à suivre et décider des corrections à faire. Pour nos responsables, l’important est d’avoir été présent, d’avoir permis à beaucoup de cadres d’en profiter en assistant à cette grande manifestation sportive, aux frais de la princesse et…….merci la Tunisie.
En ce qui concerne la participation tunisienne ,lesHauts Responsables, à tous les niveaux, doivent se poser la question suivante : ily a quarante ans, la Tunisie a battu, lors de sa première participation à la Coupe du monde organisée en Argentine, en 1978, un pays sud-américain, par 3 buts à 1. Alors que notre équipe n’a pu, en 2018, battre, que difficilement, l’une des équipes les plus faibles, par 2 à 1, l’équipe que nous avons battue en 1978, le Mexique, a été capable debattre le Champion du monde en titre. Il nous a, ainsi,émerveillés par les progrès qu’il a réalisés alors que notre équipe a, terriblement, régressé. Quelles sont les Raisons et les Causes de cette régression ? D’ailleurs, la différence entre nos joueurs de 1978 et ceux de 2018 est de taille : Alors que ceux de 1978 étaient, essentiellement, des amateurs qui ne percevaient comme salaire et prime * presque rien*, ceux de 2018 perçoivent, mensuellement, des émoluments démesurés et même étonnants alors qu’entre les deux équipes, on ne peut faire aucune comparaison : que ce soit dans le jeu, dans le courage, dans la volonté de vaincre, dans l’effort physique, dans la technique du jeu, dans le mouillage du maillot, et surtout dans cette *grinta* qui fait la différence.
De même, faut-il rappeler que nous devons accorder beaucoup plus d’importance aux sports individuels et surtout à l’athlétisme, grands générateurs de médailles lors des compétitions internationales, qui peuvent nous donner toutes les satisfactions parce que d’une part ils sont à notre portée et d’autre part, ils ne nécessitent pas autant d’investissements que les sports collectifs et surtout le football. D’ailleurs, la Jamaïque, le Kenya et l’Ethiopie qui n’ont pas plus de moyens personnels et matériels que nous, remportent, régulièrement, de nombreuses compétitions internationales et sont, ainsi, le meilleur exemple à suivre.
Aussi, on peut avancer, sans risque de se tromper que le sport de haut niveau est devenu l’ambassadeur par excellence de toutes ces qualités (savoir –faire et intelligence, technique et méthode, puissance physiqueet endurance, ainsi que le mental).Il est devenu, de fait, et grâce à la magie de la télévision, le meilleur agent publicitaire touristique pour le pays du champion. D’ailleurs, à chaque fois qu’une médaille d’or est remportée dans une compétition internationale, les Couleurs du Pays sont lancés au ciel et l’hymne national retentit, au grand bonheur de l’athlète et de tous ses concitoyens. Cela représente, aussi, autant de publicité gratuite faite, au pays du vainqueur, par toutes les télévisions du monde. Si cette publicité était payante, ce seraient des millions de dollars qu’il faudrait réserver.
Aux présidents des Fédérations Sportives des Sports individuels et collectifs, nous leur demandons un peu plus d’humilité et de modestie et surtout beaucoup de patience pour progresser vers le sommet de la hiérarchie sportive. Tous les Présidents de Fédération veulent, dès la première année de leur mandat, obtenir le championnat, la Coupe et pourquoi pas la Champion’s league.
Je demande à ces messieurs de donner du temps au temps et aller mollo- mollo pour atteindre les sommets car pour que le jeune devienne un sportif de haut niveau, unsportifaccompli digne de représenter son pays dans les compétitions internationales, il faut qu’il maitrise de nombreuses qualités qui nécessitent une formation et un entrainement de plusieurs années. Pour avoir et maitriser toutes ces qualités, ne faut-il pas que ce jeune ait le temps suffisant pour s’y préparer ? Deux ou trois mandats du Président de la Fédération, au moins ?
Les Jeux Olympiques, les Championnats du monde se préparent au lendemain de la fin des Jeux et non pas un an, seulement, avant la date des prochains Jeux. Il est choquant de remarquer qu’aucune importance, qu’aucune considération, qu’aucune mobilisation et publicité ne sont accordés à ces compétitions internationales par les Hauts Responsables. Même les médias, le quatrième pouvoir, en demeurant muets, à ce propos, suivent le comportement, assez indifférent, des responsables et des politiques.Et pourtant, quelle grande publicité gratuite est faite aux pays des Champions, par les télévisions du monde entier !!!
Mais disposons-nous, maintenant, de cadres capables de relever ces défis ?*-
Que l’Etat agisse de telle sorte qu’il permette aux jeunes d’avoir un corps sain dans un esprit sain, soutenus socialement par des organismes disponibles et disposés, et la bataille contre le terrorisme est gagnée. D’ailleurs, les pays européens ne sont arrivés à se développer et progresser qu’en se démarquant de l’église. L’avons-nous compris ?
Et que vive la Tunisie Eternelle, l’héritière de Carthage qui, dans un passé récent,nous gratifiait, dans les compétitions internationales civiles et militaires, de tant de médailles.*
Boubaker Benkraiem
Ancien Sous-Chef d’Etat- Major de l’Armée de Terre,
Ancien Gouverneur