La conférence des ambassadeurs dès ce lundi à Tunis, avec un nouveau mandat
La donne commence à changer pour la diplomatie tunisienne. Le temps est aux nouvelles grandes échéances à réussir, aux nouveaux importants mandats régionaux et internationaux à assumer et aux nouvelles profitables zones douanières à conquérir. La 36ème conférence des chefs de missions et représentations diplomatiques et consulaires qui s’ouvre ce lundi à Tunis aura à baliser pendant une semaine cette transformation.
Le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, mais aussi tous les chefs de postes et ceux de l’administration centrale y fondent beaucoup d’espoir. Il faut rompre avec les traditionnelles messes annuelles et s’atteler à une refonte profonde et efficiente. Affranchie de la dictature qui obérait son image, célébrée en démocratie émergente, légitime dans son exigence de solidarité internationale et en droit dans ses revendications vis-à-vis de l’Europe, la Tunisie se doit de redéployer utilement sa diplomatie. Sur de nouvelles bases.
Les prochaines échéances sont importantes
La Tunisie accueillera en mars 2019 le sommet arabe et à l’automne 2020 le sommet francophone. S’il ne faut pas faire beaucoup d’illusion sur les résultats effectivement escomptables du sommet arabe, l’idée d’organiser à cette occasion une rencontre arabo-européenne au niveau des chefs d’Etat fait son chemin. Quant au sommet francophone, il sera fondamental pour refonder l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui bat de l’aile. Et l’occasion de confirmer le rôle actif de la Tunisie dans cet espace.
Les nouveaux mandats sont cruciaux
La Tunisie est en effet candidate à un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU durant le mandat 2020-2021. Près de quarante ans après, elle retrouve les bancs de cette importante instance et doit y laisser ses empreintes, avec tout ce que cela exige d’ores et déjà de préparatifs conceptuels et programmatiques et de concertations diplomatiques. Ce grand retour sous les radars de la diplomatie internationale, sur les traces de Bourguiba, Mongi et Taïeb Slim, Rachid Driss et autres illustres figures n’est guère une figuration protocolaire due au principe des rotations zones géographiques et pays. L’occasion est exceptionnelle pour se redéployer.
Les grandes zones douanières à conquérir sont déterminantes
Après avoir réussi son adhésion au Comesa pour l’Afrique orientale et australe, la Tunisie poursuit les négociations pour rallier la CEDEAO (pour l’Afrique de l’Ouest) et le Mercosur (pour l’Amérique latine). Reste l'inextrcable dossier de l'ALECA (avec l'Union europénne). L’accès à des conditions douanières avantageuses de nos produits et services à ces immenses marchés dopera nos exportations et incitera nos opérateurs économiques à perfectionner leur offre et la rendre plus compétitive, mais aussi se mettre au diapason du marketing international. Dans cette conquête de nouveaux marchés, l’appui diplomatique et l’accompagnement sur le terrain est déterminant.
Un modèle obsolète
Rien que ces trois aspects, échéances, mandats et zones douanières, confèrent à l’édition 2018 de la conférence des ambassadeurs une mission particulière. Au-delà des séquences traditionnelles, il s’agit d’engager dès à présent la refonte de la diplomatie tunisienne, en capitalisant sur ses richesses et lui donnant une nouvelle vision opérationnelle, de nouvelles compétences additionnelles et de plus grands moyens financiers et technologiques. Le modèle établi par Bourguiba et qui a fait ses preuves pendant les 62 dernières années doit être mis à jour face aux profondes mutations du monde et aux nouvelles exigences d’efficacité.
Un agenda bien chargé
Grands thèmes stratégiques, prochaines échéances, aspects administratifs et de gestion, questions consulaires, réunions par grandes régions du monde et journée économique : la trame du programme de la Conférence est bien structurée.
Sécurité, économie, finance : trois thèmes clefs qui seront introduits par les ministres concernés ainsi que pour la Sécurité, le Premier conseiller à la Présidence de la République chargé de la Sécurité nationale et pour la finance, par le gouverneur de la Banque centrale.
L’emploi, c’est à dire le placement des Tunisiens à l’étranger, la migration et la mobilité continuent cependant à être traités avec une vieille approche désuète, alors que tout a changé. Il est temps que le gouvernement reconsidère sa stratégie en la matière.
La coopération décentralisée entre régions et municipalités s’inscrit de plein droit, avec le nouveau code des collectivités et l’élection des conseils municipaux en thème autonome. Le ministre des Affaires locales et de l’Environnement en tracera les contours.
Aussi, les questions de passeports et cartes d’identité, visa, dédouanement, développement des services administratifs en ligne, la demande par internet du Bulletin N°3 qui sera envoyé par poste rapide en quelques jours et autres nouvelles applications utiles et l’annulation pour nombre de documents de l’apostille, cette certification par les autorités, exigée dans certains pays sont à l’ordre du jour. Ils feront l’objet de présentations par les directeurs et directeurs généraux concernés (Frontières et des étrangers, Police scientifique et technique, Douanes, etc.)
La journée économique : accord de partenariat avec l’UTICA
Dernier jour des travaux de la conférence, lundi 30 juillet prochain, avant la clôture officielle par le président de la République, début août, la journée économique regroupera chefs de postes diplomatiques et consulaires et opérateurs économiques des secteurs privé et public. Après un cadrage général et spécifique par le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui et le président de l’UTICA, Samir Majoul, Radhi Medded présentera à cette occasion des success stories inspiratrices. Les travaux se poursuivront en ateliers régionaux. Le clou de cette séquence d’affaires sera la signature d’un accord de partenariat entre le ministère et l’UTICA.
Un seul regret à ce sujet, le CEPEX est sans PDG depuis plus de six mois. Le poste jadis occupé par Aziza Htira, partie à la retraite fin décembre dernier, n’est pas à ce jour pourvu. Sans commentaire…
L’essentiel
Au-delà du mouvement diplomatique avec le suspense des retours à Tunis et départs en poste, des modestes effectifs disponibles (3 diplomates par poste au mieux, ambassadeur compris, pour la plupart), du maigre budget à optimiser sans cesse, c’est l’avenir de la diplomatie tunisienne qui est à reconsidérer. Malgré toutes ces contraintes, et grâce surtout à la conviction des hommes et des femmes qui l’exercent depuis le siège et nous représentent dignement à l’étranger, la Tunisie occupe fièrement son rang dans le concert des nations, forçant le respect et la considération. Maintenant qu’il faut concrétiser, c’est-à-dire monétiser cette aura, à travers nos exportations, les investissements, la solidarité financière, l’accueil des compétences et autres aspects, il faut s’y mettre.
Taoufik Habaieb
(Photo d'archives)
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Arrêtons ce leurre . La diplomatie est le reflet de la situation intérieure du pays , de sa politique générale et du fonctionnement adéquat de ses institutions ; nous en sommes très loin. Quand l'Etat est bafoué , le Gouvernement ne maîtrise presque rien , les institutions ne fonctionnent plus, les pays est secoué par des crises successives du fait principalement des ambitions partisanes et des intérêts personnels démesurés sans compter les autres maux devenus endémiques qui rongent la Tunisie depuis des années ainsi que l'absence totale d'une vision claire à tel point qu'aucun Tunisien ne voit le bout du tunnel , alors mille Ambassadeurs des plus compétents n'y changeront rien . Les acteurs étrangers savent parfaitement tout ce qui ce passe chez nous et connaissent bien l'état des lieux .Commençons par opérer un sursaut patriotique et par appliquer réellement et immédiatement aussi bien la loi dans toute sa rigueur que les réformes nécessaires.... et dans ce cas la diplomatie pourra agir efficacement et contribuer largement au développement du pays .