Lamia Kedadi Siala (Consul général de Tunisie à Montréal): Les Tunisiens, travailleurs et sérieux, sont très appréciés
Elle se déploie sur tous les fronts, donnant à ses fonctions leurs pleines dimensions. Lamia Kedadi Siala, diplomate de carrière, n’a pas hésité une seconde à accepter le poste de consul de Tunisie à Montréal. Elle savait d’emblée que sa mission ne sera pas facile, mais aussi qu’il n’appartient qu’à elle pour la rendre passionnante. Mission de représentation auprès des officiels québécois, des sphères économiques et financières, de la communauté scientifique et universitaire, de la société civile et culturelle, c’est aussi et surtout une mission de service pour les 60 000 Tunisiens dont
33 000 sont inscrits sur le registre commercial.
Quitter son bureau par un froid glacial pour se rendre auprès d’un compatriote déprimé, errant dans un parc public et essayer de le sortir de sa détresse, aller au chevet d’un malade pour le réconforter, recommander un jeune pour trouver du travail, ou obtenir une inscription universitaires sont pour Lamia Kedadi Siala un devoir prioritaire dont elle s’acquitte tout naturellement. Avec la même disponibilité et sollicitude lorsqu’elle honore de sa présence une soutenance de thèse, une cérémonie de distinction d’un chercheur, la remise d’une décoration à un expert-comptable ou un avocat. A la différence de l’action diplomatique pure et dure, le métier de consul est très particulier, exigeant et rarement reconnu à sa juste valeur. A Montréal, tout est différent des autres postes : une grande métropole, palpitante, une communauté tunisienne de qualité et en forte croissance et de grandes attentes. Malgré la modestie des effectifs et un budget très réduit, le consulat de Tunisie s’en sort, finalement, pas mal. Grâce au dévouement de l’équipe et au soutien des Tunisiens eux-mêmes. Interview.
Comment sont perçus les Tunisiens à Montréal?
Très bien appréciés. Travailleurs et étudiants, tous les trouvent sérieux, sans problèmes particuliers, faciles à s’intégrer pleinement. C’est ce que j’ai relevé lors de mes différents entretiens avec les membres du gouvernement de la Province du Québec, en l’occurrence Mme Kathleen Weil, ancienne ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, et son successeur, M. David Heurtel, et de nombreux autres interlocuteurs. Les Tunisiens jouissent de beaucoup de respect et de considération. Aussi, ils sont en parfaite harmonie avec les communautés du Grand Maghreb ainsi que les autres vivant à Montréal…
Quelles sont les difficultés rencontrées pour l’installation au Canada?
Même les personnes qui émigrent à travers les canaux officiels et obtiennent «un visa de résident permanent» ont du mal à trouver du travail une fois arrivés au Canada. Elles se retrouvent alors confrontées à de sérieux défis tels que le payement du loyer d’un logement et la cherté excessive des besoins de la vie quotidienne.
D’après la réglementation canadienne, les nouveaux arrivants au Canada et même s’ils sont titulaires d’un «visa de résident permanent» ne bénéficient pas d’une couverture médico-sociale pendant les trois premiers mois, sachant que les assurances privées coûtent excessivement cher et faute d’emploi et de moyens, ils se retrouvent dans l’impossibilité de se payer des soins médicaux en cas de besoin tellement les honoraires des médecins et les prix des médicaments sont chers.
Quels sont les facteurs facilitateurs et quel soutien apporte le consulat?
Le consulat n’épargne aucun effort pour encadrer et aider les nouveaux arrivants tunisiens au Canada et qui se retrouvent au chômage. Ainsi et en étroite collaboration avec la Commission scolaire Marguerite-Bourgeois, relevant du ministère de l’Education du gouvernement du Québec, et l’Association de la promotion de l’entrepreneuriat immigrant et de la relève (Apeir), un programme a été établi en vue d’aider les nouveaux immigrants tunisiens à intégrer le marché de l’emploi de la province du Québec. Grâce à ce programme, les nouveaux arrivants tunisiens bénéficient de cours et de cycles de formation soit dans les locaux de Dar Ettounsi (espace qui relève du consulat de Tunisie à Montréal), soit dans ceux de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeois visant à leur apprendre à créer leur propre entreprise. Tout au long de cette formation, les stagiaires perçoivent de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeois une indemnité qui varie entre 1 700 et 4 000 dollars canadiens en fonction de leur situation économique et sociale. A l’issue de cette formation, les Tunisiens qui réussissent obtiennent des diplômes reconnus par les autorités québécoises qui leur permettent entre autres de contracter des prêts bancaires pour créer leur propre startup. Nous restons constamment à l’écoute des Tunisiens qui sollicitent de l’aide et des conseils.
Commence-t-on à percevoir des problèmes spécifiques pour la deuxième génération?
Pas à ma connaissance ! Bien au contraire, les jeunes Tuniso-Canadiens sont très bien intégrés dans la société canadienne et ne semblent pas avoir de problèmes spécifiques.
Comment le consulat de Tunisie entretient-il le lien entre les Tunisiens et le pays?
A travers diverses activités et manifestations. D’abord l’enseignement de la langue arabe. Dar Ettounsi organise tout au long de l’année scolaire des cours d’arabe, à raison de deux jours par semaine (samedi et dimanche) destinés aux jeune Tunisiens vivant au Canada. Une fête de fin d’année vient couronner chaque année scolaire. Un programme culturel et un concert musical animés par les enfants et les jeunes sont des moments particuliers d’attachement à la Tunisie, surtout lorsque l’hymne national est entonné, que des poèmes sont déclamés, des sketches joués... Il en va de même lors de la célébration des fêtes nationales et religieuses. A cela s’ajoute le programme annuel des colonies de vacances permettant à des jeunes Tunisiens vivant au Canada de revenir au pays. Il faut rendre hommage à cet égard aux efforts soutenus déployés par toutes les équipes du consulat et de Dar Ettounsi, mais aussi au rôle actif des associations tunisiennes.
Taoufik Habaieb
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