Destination Canada.. heureuse destinée : «la Tunisie a une grande histoire, au Canada, on a un grand avenir»
Alors que l’Europe se barricade en forteresse qui se veut impénétrable face aux migrants, se voilant la face quant à son déclin démographique, le Canada s’ouvre aux nouveaux résidents. Et s’emploie à les attirer. Le ‘’péril populiste’’ du vieux continent est heureusement contré par la volonté canadienne de doter son économie de la force laborieuse indispensable à sa croissance et de renforcer sa population qui n’est que de 36 millions d’habitants. Deuxième plus vaste pays du monde (après la Russie), avec 9.9 millions de km2, c’est 15 fois la France, 600 fois la Tunisie.
Les indicateurs économiques sont éloquents: taux de croissance de 3.1% en 2017, inflation: 1.6% et chômage à 6.2%. La crise économique qui avait frappé les Etats-Unis a plutôt épargné le Canada. La dynamique gagne en rythme dans quasiment tous les secteurs. Pas moins de 300 000 nouveaux emplois sont à pourvoir chaque année, dont 130 000 rien qu’au Québec. En dépit d’un hiver long et rigoureux, le cadre de vie, avec une nature luxuriante, est exceptionnel. L’infrastructure, le système éducatif, l’univers des affaires, les activités sportives, l’animation culturelle, les paysages et l’esprit d’ouverture, de respect et de tolérance constituent des points forts rarement égalés dans un autre pays, de ce même niveau et qualité de vie.
«En Tunisie, vous avez une grande histoire. Au Canada, nous avons un grand avenir», nous chuchote Pierre Corbeil, président du conseil municipal de la riche ville de Val d’Or, ancien député et ancien ministre qui était fin juin à la tête d’une mission d’entreprises québécoises pour le recrutement de Tunisiens.
Les dividendes du courage et du labeur
Partir au Canada pour y étudier, travailler, créer son entreprise ou investir est un rêve que caressent de plus en plus de Tunisiens, comme d’autres habitants de la planète. Tout n’est pas aussi rose qu’on le pense. Les conditions d’études, de travail et de vie se méritent, préviennent plus d’un. Le parcours du combattant ne s’arrête pas avec l’obtention du visa. Tout commence à partir de ce moment-là. Les débuts sont difficiles pour tous. S’inscrire et se loger, pour les étudiants, trouver un emploi, pour les travailleurs, monter son entreprise ou en acquérir une, pour les entrepreneurs, s’installer, s’habituer au climat et s’intégrer, pour tous : le chemin est long et pénible. Seuls les mieux préparés et les plus déterminés réussissent, cueillant alors les dividendes de leur courage.
Autant que toute la population de Kélibia, Menzel Bourguiba ou Siliana
Combien sont les Tunisiens qui ont accompli ce parcours au Canada, y sont aujourd’hui installés ? Pas moins de 60 000 Tunisiens, selon les estimations les plus fiables. C’est légèrement moins que la ville de Nabeul (73 000 habitants) mais la taille de Kélibia (58 491 habitants), Siliana (58.000) ou Menzel Bourguiba (61000), soit le poids démographique de ces municipalités et délégations tunisiennes. Parmi les 60 000 Tunisiens au Canada, on note que 33 000 se sont fait immatriculer sur le registre consulaire, nous indique Lamia Kedadi Siala, consul de Tunisie à Montréal, les autres n’ont pas souhaité le faire pour diverses raisons. Le nombre d’étudiants est en accroissement continu, comptant aujourd’hui entre 7 000 et 10 000 inscrits, notamment à l’enseignement supérieur. Chaque année, ce sont près d’un millier de nouveaux étudiants qui débarquent au Canada, choisissant pour la plupart le Québec, avec une préférence pour Montréal et la ville du Québec. Les Tunisiens qui obtiennent la nationalité canadienne voient eux aussi leur nombre s’accroître : 20 000. Exactement, «19 720 personnes au Canada déclarent qu’elles ont la citoyenneté tunisienne ou des origines tunisiennes», selon l’ambassadeur du Canada à Tunis, Carol McQueen.
De véritables success stories
Chaque Tunisien au Canada est à lui seul une véritable success story. Il faut les écouter raconter comment ils ont pris leur décision de partir, leur courage pour braver tant de difficultés et leur détermination à réussir. Très diversifiée, de plus en plus présente dans différents secteurs, de la recherche scientifique aux arts, de l’ingénierie au commerce, de la médecine à la restauration et aux petits métiers, de la communication au marketing : c’est une communauté d’excellence. «La Tunisie doit être particulièrement fière, s’exclame Khemaies Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères, qui vient juste d’effectuer une visite officielle mi-juin à Montréal et Ottawa. Tous mes interlocuteurs, au plus haut niveau, m’ont fait part de l’estime et de la considération dont jouissent les Tunisiens auprès des Canadiens. Compétents et travailleurs, sérieux et agréables, ils pétillent de fraîcheur et d’intelligence, me dit-on partout, sans cesse. Magnifique témoignage qui nous honore tous.»
Accroître les flux
Alors, comment peut-on faciliter l’accès des Tunisiens au Canada ? Le ministre Jhinaoui l’a longuement évoqué avec son homologue Chrystia Freeland, ainsi que Marie Claude Bibeau, ministre du Développement international et de la Francophonie, et François-Philippe Champagne, ministre du Commerce international, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Tout un nouveau programme se met en place. Qu’en est-il des services consulaires et socioéducatifs fournis aux Tunisiens résidant au Canada? Là aussi, la rencontre du ministre Jhinaoui à Montréal avec des membres de la communauté tunisienne a été intéressante. Les doléances n’ont pas manqué quant à la simplification des procédures administratives et la facilitation à leur accomplissement en ligne, le renforcement du consulat de Tunisie en effectifs et budget, et l’ériger en consulat général, l’intensification des cours d’arabe et des activités au sein de Dar Ettounsi, le soutien aux différentes associations, la subvention des billets d’avion sur Tunisair... L’aventure de la compagnie aérienne nationale en ouvrant une liaison directe Tunis-Montréal-Tunis s’est avérée concluante. D’un vol par semaine, Tunisair est passée à 4 rotations hebdomadaires, avec un coefficient de remplissage bien élevé. L’accroissement de la communauté tunisienne au Canada, des visiteurs et des exportateurs en fera bientôt un vol quotidien. Le pavillon national joue ainsi un rôle catalyseur et doit bénéficier d’une subvention publique adéquate afin de réduire le prix du voyage.
De son côté, la Mission universitaire tunisienne en Amérique du Nord, basée à Montréal, gagne à redoubler d’effort pour apporter toute l’attention et l’assistance requise à tous les étudiants tunisiens, sans se limiter aux boursiers. Il lui appartient d’œuvrer davantage afin d’obtenir plus de bourses d’études et de recherche, et d’encourager encore plus le jumelage entre institutions universitaires des deux pays, les stages et les échanges d’étudiants et d’enseignants. La représentation de l’Ontt est sur la même dynamique. Des flux touristiques se développent. Mais restent à promouvoir, grâce à un budget conséquent et des campagnes promotionnelles plus soutenues et plus attractives.
Les produits du terroir
Quant aux exportations tunisiennes sur le marché canadien, des entreprises tunisiennes ont eu l’intelligence d’installer sur place des dépôts de distribution et même des unités de conditionnement (huile d’olive, etc.). Le poisson de nos côtes, les fruits et légumes à peine cueillis des champs et vergers arrivent tout frais par avion pour les retrouver le lendemain même non seulement au Jean-Talon à Montréal mais dans différents supermarchés du Québec et d’autres provinces. S’y ajoutent divers produits alimentaires et articles d’artisanat. Poulpe, daurade, mérou, rouget, sardine, huile, couscous, pâtes, malsouka, pâtisseries, figue, figue de Barbarie, raisin, abricot, pêches et autres délices et saveurs de Tunisie sont disponibles à profusion. Le soutien additionnel du Cepex les rendra plus accessibles aux consommateurs tunisiens et canadiens.
Ces hommes et ces femmes
La Tunisie au Canada, ce sont surtout ces hommes et ces femmes, ces enfants, ces jeunes et moins jeunes qui gardent fièrement la patrie au cœur et servent loyalement leur pays d’accueil. Dans cette migration choisie, ils apportent au Canada leur savoir et savoir-faire, leurs qualifications et compétences, leur volonté de donner un sens à ce qu’ils entreprennent et un plus à ce qu’ils accomplissent. Hédi Bouraoui, le doyen des Tunisiens au Canada où il s’est établi en tant que professeur universitaire à Toronto, depuis maintenant 52 ans, essayiste, romancier, poète et spécialiste du transculturalisme, y ajoute une appréciation particulière. Plus que l’intelligence, les connaissances et la compétence, c’est la culture en partage, les valeurs en addition fusionnelle.
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