Yosra Frawes (ATFD) : Défense de Bochra Belhadj Hamida et de la COLIBE, Résistance contre la haine et la violence
A un moment crucial de l’histoire de notre pays, marqué par la publication du rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE), qui vient couronner des années de luttes menées par des Tunisiennes et des Tunisiens de tout bord pour une Tunisie libre, égalitaire, démocratique et plurielle, le discours de la haine et de la violence, dont a longtemps souffert le peuple tunisien, refait surface.
Ce discours d’appel à la haine et au meurtre affecte cette fois-ci, les membres de la COLIBE et en l’occurrence sa présidente, la députée et militante féministe Bochra Bel Hadj Hamida. C’est ce même discours, rappelons le, qui a abouti à des assassinats politiques entachant ainsi et de la manière la plus barbare de notre histoire contemporaine, une démocratie exemplaire dans notre région.
Et c’est justement parce que ce rapport précieux bouscule les certitudes formatées, remet en cause le patriarcat, dévoile les injustices figurant dans notre système juridique liberticide et propose des solutions concrètes pour balayer les discriminations, mettre fin aux atteintes à la dignité humaine et donner à la Tunisie l’occasion de prouver encore une fois, la singularité de sa démarche démocratique, que ces mêmes voix se laissent de nouveau entendre.
Adeptes de la désinformation et du lynchage, les «récidivistes» de la violence et de la haine, lancent une campagne ou toutes les armes sont permises: menaces, insultes, mensonges, attaques, diabolisation... Enfin, ils font recours à tout ce qui va à l’encontre des valeurs qu’ils prétendent défendre. Et comme à chaque fois, c’est sur la base d’une rhétorique anachronique et épuisée opposant identité à l’humanité, individu à la famille, universalité à la spécificité, que les détracteurs du rapport tentent à manipuler l’opinion publique, à terrifier les voix libres et à avorter les projets de lois révolutionnaires proposés par le rapport de la COLIBE pour mettre fin aux inégalités, injustices et atteintes aux libertés.
C’est parce qu’ils veulent continuer à acheter le sexe en contrepartie de la dote, à stigmatiser les enfants nés hors mariage, à bénéficier de plus de ressources financières et à maintenir ainsi les femmes dans une posture inférieure avec moins de droits et sous leur contrôle, à s’immiscer dans la vie privée des gens et à les mettre en prison, à se substituer à dieu en perdurant le châtiment corporel privant ainsi les plus pauvres des garantis du procès équitable et du droit à la vie, qu’ils se mobilisent à travers cette campagne farouche et orchestrée. Voilà ce qu’ils défendent. Ils sont la pour éterniser les privilèges de la masculinité, l’oppression et l’exclusion sociale.
Les gardiens des temples songent nous faire revivre les débats houleux de 2012 et 2013. Hélas, depuis l’adoption de la constitution de 2014, le débat est clos. La Tunisie a choisi son chemin. Nous avons tranché sur les questions de l’égalité et des libertés individuelles. Aujourd’hui il n’est plus question de négocier ou de reconsidérer notre projet sociétal. Aujourd’hui il est question d’appliquer la constitution.
Le rapport de la COLIBE, tant attendu, offre une opportunité inédite à la Tunisie pour mettre en application les promesses constitutionnelles en « concrétisant la volonté du peuple d’être créateur de sa propre histoire, … visant l’excellence et aspirant à offrir son apport à la civilisation… » comme stipule le Préambule de la Constitution du 27 janvier 2014. C’est autour du travail colossal accompli par la COLIBE que toutes les forces vives de la Tunisie, doivent se serrer les rangs.
La société civile qui a constitué toujours un rempart contre l’idéologisation du débat autour des droits humains dans leurs indivisibilité, complémentarité et inaliénabilité et qui a défendu sans relâche l’égalité entière et tous les droits et les libertés pour toutes et tous ,continuera à résister aux appels au recul en arrière, à avancer des propositions concrètes pour adopter et améliorer les projets de lois proposés par le rapport de la COLIBE, et à soutenir le combat de Bochra Belhaj Hmida et les membres de la commission qui ont pleinement honoré leur engagement indéfectible pour l’égalité, la liberté et la dignité.
Il est aujourd’hui de la responsabilité du Président de la République, initiateur de cette démarche, de ne pas céder aux pressions et à l’ignorance sacrée. Une suite devra être donnée au rapport de la COLIBE et ce en avançant des initiatives législatives afin d’adopter le code des libertés individuelles et la loi relative à l’égalité entre les hommes et les femmes et entre les enfants. Doter la Tunisie de telles lois constituera la meilleure réponse à tous les dogmatiques et obscurantistes pour que la conscience vainque la violence.
Yosra Frawes
Présidente de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD)