Un bien étrange Ambassadeur Américain en Israël
David Melech Friedman, l’actuel ambassadeur américain en Israël, est un bien étrange diplomate.
Pour les responsables palestiniens, cet homme n’est ni un diplomate ni un ambassadeur, c’est tout simplement «un terroriste colonisateur». Le Dr Saeb Erekat, secrétaire général de l’OLP et chef des négociateurs palestiniens, écrit dans une tribune (The New York Times, 17 mai 2018) que Friedman n’est rien d’autre qu’un porte-parole de l’occupant israélien tout comme Jason Greenblatt, l’envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient. Ce dernier, affirme Erekat dans une lettre au New York Times (10 juin 2018), «ne fait qu’approuver continuellement le point de vue israélien; il rend les Palestiniens responsables de leur propre mort, de leurs blessures, de leur détention, de leur déplacement forcé et de leur dépossession continue.» En somme, Greenblatt est sur la même ligne que le ministre de la Défense sioniste Lieberman qui affirme que qu’ «à Gaza, personne n’est innocent»! De plus, Friedman veut effacer le mot «occupation» des rapports du Département d’Etat.
Trump a voté contre s’agissant de la protection du peuple palestinien qu’Israël assassine. Il s’est trouvé complètement isolé au Conseil de Sécurité. Même ses plus proches alliés ne l’ont pas suivi.
Mais le monde réagit aux viles menées de Trump et de son ambassadeur, supporter des colons fanatiques.
Ainsi, les footballeurs argentins –Messi en tête- ont refusé de jouer à Jérusalem contre une sélection israélienne. De plus en plus d’artistes rayent de leur agenda des spectacles en Israël. Les villes de Barcelone et de Valence en Espagne ont rejoint le mouvement BDS de boycott d’Israël. Le grand écrivain de policiers John Le Carré condamne les provocations et les crimes israéliens et s’oppose à la politique américaine vis-à-vis de la Palestine. Dans le grand remue-ménage médiatique de Singapour orchestré par Trump, on a passé sous silence la déclaration du ministre nord-coréen des Affaires Etrangères Ri Yong-Ho qui qualifie Netanyahou de «sioniste puant» qui tue les Palestiniens à Gaza et les prive d’eau potable.(Haaretz, 11 juin 2018)
Trump et son ambassadeur en Israël peuvent continuer à bramer: « We are America, bitch ! » pour imposer leur politique injuste et inhumaine. Personne n’est dupe. Israël devra rendre des comptes. En dépit des efforts de David Melech Friedman.
« Fermez-la », tonne son excellence !:
Ce diplomate bien particulier est fortement engagé en faveur des colonies sionistes dans les territoires palestiniens occupés –colonies illégales au regard du droit international. Pour lui, les colonies «ne sont pas un obstacle à la paix ». Il va même jusqu’à «avertir que l’évacuation des colonies pourrait conduire à une guerre civile.» Rogel Alpher (Haaretz, 10 juin 2018) le qualifie d’ «homme arrogant» et le considère comme une « menace» pour Israël et comme une menace pour la liberté d’expression. Friedman s’est permis de dire «fermez-la» aux journalistes qui critiquent l’armée israélienne et ses snipers qui ont assassinés, depuis le 30 mars 2018, 130 Gazaouis désarmés manifestant contre le blocus du territoire et pour leurs droits dont la jeune infirmière Razan Ennajar, 20 ans. «Ce qui porte la marque du fascisme» s’insurge Rogel Alpher qui ajoute: « L’ambassadeur de la nation la plus puissante du monde ordonne aux journalistes d’Israël de la fermer et d’arrêter de critiquer leur gouvernement….Ce qui confère au gouvernement de Netanyahou le statut d’un régime de marionnettes dirigé par Trump… Il semblerait que Friedman tire son droit d’imposer le silence aux journalistes en Israël non seulement de son statut même d’ambassadeur d’une superpuissance qui protège Israël mais aussi du fait qu’il est juif. Il semblerait qu’il pense que, parce qu’il est juif et qu’Israël est l’Etat des juifs, il est donc son Etat. Il se conduit ici comme un propriétaire muni d’une autorité duelle: comme juif et aussi comme le représentant officiel d’une superpuissance. Il aspire-et il pourrait réussir aussi- à contribuer à façonner l’identité d’Israël…. Friedman, par cette conduite, a perdu toute légitimité et s’il y a quelqu’un qui doit la fermer, c’est plutôt lui qui n’est ici, au demeurant, qu’un invité » conclut le journaliste de Haaretz.
En fait, Friedman ne perd jamais une occasion pour apporter son soutien au gouvernement du criminel de guerre Netanyahou et de s’immiscer dans les affaires intérieures israéliennes.
L’ardent défenseur des colonies illégales:
Son «Excellence» couvre de ses bienfaits la colonie Har Bracha (La Montagne de Bénédictions) et sa yeshiva (école religieuse)(*) près de Naplouse qu’il a même dotée d’une ambulance. Ce qui fait écrire à Gidéon Lévy (Haaretz, 9 février 2018): «Il n’a pas donné une ambulance à Gaza ou à Balata….mais à cette colonie comme si les budgets dévolus aux colonies n’étaient pas suffisants, comme si le pays capable de se payer des sous-marins [allemands] coûtant des milliards était incapable d’acheter sa propre ambulance. Ce faisant, Friedman suit les préceptes [du rabbin allemand Moché Schreiber alias Chatam Sofer (XVIIème siècle)] qui enseignait: « les pauvres de ta propre ville doivent être servis les premiers » et pour l’ambassadeur yankee, « sa ville, ce sont les colonies ». Har Bracha vise à concurrencer d’abord et à éliminer ensuite Naplouse – un foyer de la culture et de l’économie palestiniennes - comme le déclare sans détour le président du Parlement Yuli Edelstein. Ce dernier veut, à travers le développement de cette colonie, empêcher en outre la solution à deux Etats. Depuis la fondation de Har Bracha en 1991, Naplouse vit des heures dramatiques ponctuées d’arrestations, d’intrusions nocturnes et de victimes car l’armée israélienne s’y livre à toutes les exactions et à tous les crimes pour protéger les fanatiques qui y vivent d’après Gideon Lévy.
Récemment, ce diplomate hors normes s’est fait photographier devant une maquette de la Vieille Ville de Jérusalem – « mosque-free »- retouchée et d’où la Mosquée d’el Aksa a disparu et a été remplacée par le Temple juif détruit par l’empereur Titus en l’an 70 après J.C.
Friedman, specialiste en faillites et ami de trump !
David Melech Friedman est né dans l’Etat de New York. Son père, rabbin orthodoxe de son état, a été à la tête du rabbinat new-yorkais. Parlant l’hébreu, il a fait ensuite son droit à Columbia University pour entamer ensuite, en 1994, une carrière dans un cabinet d’avocats.
Depuis 2005, il est l’ami de Donald Trump dont il a défendu les intérêts lors de la faillite de son casino d’Atlantic City (Lire Gaby Galvin, U S News, 20 mars 2017).
Friedman a servi Trump, lors de sa campagne électorale, comme conseiller pour la politique à suivre vis-à-vis d’Israël qu’il connaît bien et où il possède une maison, à Jérusalem. Il y passe, en famille, les fêtes juives. Son ascension auprès de son client failli est « un puissant signal envoyé à la communauté juive» signalant que les Etats Unis ont l’intention de renforcer leurs liens avec Israël» estime Matt Brooks, directeur exécutif de la Coalition des juifs républicains.
Sa nomination comme ambassadeur a été plutôt chaotique. Cinq anciens ambassadeurs américains en Israël se sont interrogés, en février 2017, sur l’opportunité de sa nomination du fait de «ses prises de position radicales et extrêmes» concernant le conflit israélo-palestinien et son opposition à la solution à deux Etats. Ils ont signé une lettre dans ce sens envoyée au Département d’Etat. Pour ces cinq diplomates, Friedman est «non-qualifié» pour ce poste. Ils lui reprochent de dire qu’il ne croit pas qu’il soit illégal pour Israël d’annexer la Cisjordanie occupée et de soutenir le mouvement des colonies. Ils écrivaient: «L’ambassadeur américain doit se consacrer à faire avancer les objectifs bipartisans définis de longue date de notre pays: renforcer la sécurité des Etats Unis et celle de notre allié Israël et faire avancer les perspectives de paix entre Israël et ses voisins, en particulier les Palestiniens. Si Israël veut continuer comme une nation démocratique juive internationalement respectée, nous ne voyons pas d’alternative à la solution à deux Etats.» (Lire Richard Lardner, US News and World Report, 15 février 2017).
Au Comité des relations avec l’étranger du Sénat, en mars 2017, il a obtenu 12 voix pour et 9 contre. Lors de son audition par le Sénat au grand complet, en février 2017, il a fait le gros dos et s’est excusé pour ses commentaires incendiaires les mettant sur le compte de la fièvre qui caractérise les campagnes électorales et a déclaré: « Si je suis nommé, vous pouvez vous attendre de ma part à des commentaires prudents et mesurés.»
Bien entendu, son Excellence n’a guère respecté son engagement comme le montre ses activités en Israël. De plus, il n’arrête pas de proférer des paroles peu diplomatiques. Ainsi, à en croire le New York Times (6 juin 2018), début juin, il a affirmé que «les Républicains soutiennent nettement plus Israël que ne le font les Démocrates », allusion au bipartisianisme américain; ce qui est formellement interdit dans la bouche d’un diplomate américain. Les condamnations de tels propos n’ont pas tardé du côté démocrate et le sénateur démocrate du Maryland, Benjamin L. Cardin, a qualifié Friedman de « mal préparé pour être un diplomate convenable.» De son côté, le représentant démocrate Eliot Engel, chef du Comité des Affaires Etrangères à la Chambre, affirme qu’un ambassadeur qui se mêle de politique américaine « devrait être mis dans le plus prochain vol pour les Etats Unis». Mais, écrit le New York Times, «protégé par la Maison Blanche», Friedman ne craint rien ni personne!
La semaine prochaine arrive en Israël Jared Kushner pour exposer le plan de son beau-père pour la paix. Pour le Dr Erekat, « l’actuelle administration américaine est devenue le principal militant des vues israéliennes pour écraser les droits nationaux et humains des Palestiniens. En répandant l’extrémisme israélien, l’administration Trump est en train de tuer le processus de paix.»
Le Dr Saeb Erekat a jadis dit à un envoyé américain: « Si Thomas Jefferson était proposé comme président palestinien, Mère Thérésa comme premier ministre et Montesquieu comme président du Parlement et si tous demandaient la fin de l’occupation, deux Etats sur les frontières de 1967 et Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, tous les trois seraient considérés comme terroristes.» Aujourd’hui, Erekat écrit (The New York Times, 10 juin 2018): « M. Greenblatt, M. Friedman et Mme Haley, entre autres, ne seraient satisfaits que si les Palestiniens avalisaient le sionisme, renoncaient à leurs droits politiques et se prononçaient pour l’apartheid. »
On ne saurait mieux résumer les vues de l’actuel ambassadeur des Etats Unis et de son pays vis-à-vis de la question palestinienne.
(*)Pour le grand écrivain américain Philippe Roth récemment décédé, la yeshiva est «un refuge pour gens incapables d’affronter la vie… et [qui] ne peuvent trouver leur place dans la société. Ce n’est pas un endroit pour élever des enfants. » (in « Goodbye, Columbus », Gallimard Folio, Paris, 1962, p. 344)
Mohamed Larbi Bouguerra
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