Tunisie 2018 : Infanticide ou la mort d’une idée
"Le plus lourd fardeau c’est d’exister sans vivre" Victor Hugo
Exister est un long chemin, qu’il convient de meubler de sa trace personnelle, afin de mériter ce cadeau venu d’ailleurs.
Victor Hugo grand écrivain poète a eu une vie riche de ses qualités exceptionnelles, de son aura intellectuelle, de ses amours multiples, et des accidents de la vie, qui lui ont ôté ce qu’il avait de plus cher, la vie de sa fille.
Son adieu à sa fille Léopoldine morte si jeune accidentellement " demain des l’aube à l’heure ou fleurit la campagne je partirai. Je partirai, vois tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne, je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps" déchire le cœur.
Mais Hugo, n’était pas qu’un écrivain de salon et un homme d’idées, ce qu’il fut, c'est bien un homme d’engagement, notamment dans la politique et un acteur militant de son époque.
Il a vécu dignement, et mourut en héros, en laissant une trace indélébile.
"Il a vécu", cette expression consacrée qu’on emploie pour ceux qui sont partis, que veut-elle dire dans notre vocabulaire de tous les jours, si ce n’est rien d’autre qu’un hommage rendu à leur parcours au soir où ils nous quittent pour un "monde meilleur" !
Vivre, c’est répondre à un appel et ne pas se dérober quand celui-ci vous sollicite.
Vivre c’est assumer une idée, c’est s’engager corps, âme et esprit pour être au rendez vous de son devoir, envers les autres, et soi même !
Nous tunisiens, avons vécu des circonstances comparables, dans nos guerres contre l’occupant, et quand Bourguiba était au pouvoir, qu’il descendait de son lit, prenait sa voiture, et répondait à l’effronté Kadhafi, qui a surestimé sa puissance financière, qui n’était rien en comparaison de la culture, du patriotisme, et du solde de patriotisme de son maitre, chef d’Etat et penseur courageux et émérite, qu’il serait judicieux et juste d’offrir plus souvent en exemple d’un parcours entièrement dédié a son pays.
Apres janvier 2011, les idées n’ont pas manqué, à personne, et tout le monde y allait de sa réflexion, de son inspiration et de son ambition………….
Le rêve sanctionne et les idées dévoyées
Et pour une idée, celle de le reconstruire, dans ces temps où les vents de liberté soufflant à vive allure, pouvaient faire espérer un heureux aboutissement : à savoir instaurer la démocratie, la justice sociale, le développement des régions, avec un rattrapage pour les plus défavorisés, et le progrès économique grâce à des taux de croissance à deux chiffres, qu’on croyait qu’il suffisait simplement d’en parler pour les voir venir nous prendre par la main.
Un taux de croissance à deux chiffres, c’était 170 000 emplois chaque année, et une résorption dans un quinquennat du chômage existant !
Cette idée généreuse, celle des jeunes de 2011, avait fait son chemin et commençait à parcourir toutes les catégories du pays leur offrant le grand espoir de 2011.
C’était sans compter avec la nature humaine, capricieuse autant que généreuse, altruiste un temps, égoïste souvent, à l’ambition personnelle démesurée, et qui a fini par instaurer une hiérarchie des valeurs pas très loin de ce que nous avons connu auparavant : ambition personnelle d’abord, mes idées en premier, et si possible mes intérêts aussi !
La grande idée d’une Tunisie généreuse et libre de ses carcans antérieurs, n’avait pas commencé à s’écrire sur le livre de la réalité, que les fauteurs de troubles, chaque jour un peu plus nombreux, arrogants et bruyants, surtout dans les lieux ouverts et couverts par le petit écran tout présent et puissant, faisaient leur chemin, y compris dans les hauts lieux de la démocratie : les différents parlements qui se sont succédé, où en dehors des quelques brillantes individualités, progressaient chaque jour un peu plus, les braillards, les inintéressants et les inopportuns.
Ils ont fait école dans les différentes catégories sociales de notre pays et tout particulièrement, dans le haut de leurs hiérarchies, celles qui s’illustrent et s’exhibent, surtout dans les médias très intéressés toujours par les « show » qu’ils nous offrent aux heures de grande écoute.
Résultat des courses, nous avons un pays qui ne cesse de s’écrouler, dans lequel les inopportuns sont légion, les vaillants touchés par le découragement, et les cérébraux confinés dans des espaces de faible écoute, parce que pas très excitants pour cette population qui ne cherche désormais que le "show".
Cette situation, qui a la vie si dure et si longue, a tué dans l’œuf toute tentative sérieuse de reprise économique et de mise en mouvement de tous les projets sérieux qui la sous-tendent, et qui ont disparu sous les dunes de sable de notre pays, ces dernières étant en cette moitié d’année une des rares satisfactions que nous enregistrons.
Pour le reste, il nous faudra beaucoup de hardiesse, et de grandeur d’âme, et privilégier le collectif sur l’individuel, sans quoi, nous serons classés durablement dans les pays à haut risque - celui surtout de ne pas récupérer sa mise pour les investisseurs de tous horizons- qui ne nous veulent pas trop de mal, mais pas au point de nous servir leur richesse sans espoir de la faire fructifier, ni même de la récupérer.
Mourad Guellaty