Par-delà le scrutin du 6 mai: Collectivités locales et gestion participative
C'est Victor Hugo qui, dans « Notre dame de Paris» a osé cette métaphore : l’architecture est une écriture, les villes sont des livres. J’ajouterai un livre écrit à plusieurs mains. Car la ville est le lieu par excellence où les hommes créent, échangent et se rencontrent.
Ces hommes - et femmes - sont responsables du présent de leur ville mais surtout comptables de son avenir.
A cet effet, ils sont appelés à s’associer à la prise de décision qui tiendrait compte de l’intérêt général qui n'est pas, loin s’en faut, la somme des intérêts particuliers, mais qui en est plutôt la résultante.
Le philosophe John Rawls, (1921 - 2002) considère qu’il ne peut exister de décision juste en tant que telle et propose de fonder la justice sur une procédure juste, une manière d’agir qui engendre des décisions équitables parce que considérées telles par tous.
Michel Crozier (1922-2013) le sociologue, estime pour sa part « qu’il importe de se centrer non plus sur la décision mais sur le processus de son élaboration, sur sa mise en œuvre etsur les résultats qu’elle obtient ››.
Parce que la ville est un lieu de socialité;
Parce que la ville est un espace de vie communautaire;
Parce que la ville est un lieu de ressourcement et de convivialité;
Parce que dans la ville, il y a plusieurs acteurs qui, regroupés par grappes, ont des logiques qui ne sont pas nécessairement concordantes.
La recherche d'un consensus est alors impérative
Un consensus, c’est un compromis transformé en valeur positive porté par l’ensemble des acteurs concernés.
Dans un entretien avec Alain Durand Lasserve publié dans un livre hommage qui lui est destiné - parcours dans la recherche urbaine-Michel Rochefort (1927-2015)mon maître en urbanisme rappelle que « la participation des habitants au processus de décision permet d’éviter que ne se renouvellent les erreurs du passé ››.
Toutefois, il invite à rester prudent sur cette forme de gestion participative pour deux raisons principales:
La première, c’est la capacité réelle des populations, particulièrement les plus démunies à « concevoir leur propre espace, à expliciter ce qui serait bon pour elles.
La seconde est que, sous couvert de participation, les populations soient manipulées par des leaders plus ou moins charismatiques.
Les collectivités locales sauront ériger la gouvernance locale en système de gestion des affaires de la cité, à la conduite des quelles leurs administrés seront davantage impliqués.
Les villes de demain consacreront la prééminence des citadins, véritables co-acteurs de la vie communautaire.
Les quartiers, où s’assemblent les unités -vivantes- de voisinage, formeront l’épine dorsale du corps de la ville.
Les centres de vie, lieux de rencontre et d’échange, en constitueront le cœur dont les battements vont rythmer le temps des jeunes et des moins jeunes (les plus de 65 ans seront au nombre d’un million et demi soit 12% de la population projetée en 2030).
Les évolutions de la démographie, de l’économie (notamment celle du savoir) du pouvoir d’achat auront, à n’en pas douter, des répercussions sur les modes, les attitudes et les attentes des habitants des villes de demain. Des villes, où la culture écologique serait définitivement ancrée. Des cités – jardins ne tarderont pas à la fleurir, où les droits et les devoirs des uns et des autres seraient définis à la faveur d'un nouveau contrat citadin et où le mieux-vivre ensemble serait le credo de tous.
Utopie ? Mais l’utopie n’est-elle pas, pour l’urbaniste, la muse qui lui inspire une ode enchanteresse qu'il dédie aux cités, rêvées, du bonheur.
Aïssa Baccouche