Hanna ! Mon ami, mon frère libanais du CICR tué au Yémen
La mort t’a emporté pour ton dernier voyage ! Ta dernière mission, une mission au pays de la Reine de Saba… l’Arabie heureuse où l’on tire désormais sur les ambulances où « la lune éclaire des gens qui s’entretuent », pour paraphraser la chanson de Faïrouz.
Quel gâchis ! Ma peine est immense.
Ta voix chaude et discrète s’est éteinte pour toujours, laissant dans nos oreilles des mots qui évoquent le combat pour l’humanité !
En ce moment douloureux et si triste, je me souviens encore de ton regard malicieux, de ta gentillesse et de ton attitude digne et loyale, même dans les moments les plus difficiles.
Généreux et exemplaire, tout ce qui diminuait ou déshonorait ceux qui n’ont rien, les laissés-pour-compte, les victimes t'était insupportable.
Tu as profondément marqué de ton empreinte toutes les missions que tu as occupées, que ce soit comme jeune secouriste avec la Croix-Rouge libanaise ou comme délégué au sein du Comité international de Croix-Rouge (CICR), à Tunis, à Tindouf, à Bagdad ou ailleurs.
Si tu te dévouas autant au service de l'action humanitaire, c'est parce qu'elle était pour toi l'instrument de la protection des plus faibles et le dernier rempart contre la barbarie.
Tu as défendu avec autant de force, de noblesse et de dévouement les victimes. C’est grâce à cette force tranquille et à la noblesse de ta générosité que tu as pu vaincre le cancer, il y a deux ans. C’est aussi parce que rien n'était plus important pour toi que de donner. Ce verbe, tu ne l'as pas seulement pratiqué. Tu l'as incarné. Tu as donné aux victimes ton savoir-faire, ton visage, ton beau sourire, ta voix et hélas ta vie !
Terriblement ému et révolté par la tragédie vécue par ta famille et tes collègues, laisse-moi te dire que tu vas nous manquer et tu continueras longtemps encore à parler à chacun de nous.
Devant ta tragique disparition, il n'y a pas de mots pour exprimer l'horreur de cet évènement, pas de mots pour consoler ta femme et tes amis.
Hanna ! Tu nous as quittés, mais ton souvenir ne nous quittera pas.
J’adresse à ton épouse et à ta famille un témoignage d’affection. Leur douleur est la nôtre.
Tes collègues de Tunis témoignent que tu étais la crème des délégués. Ils te disent : « Hanna nous t’aimons ! Tu vas nous manquer. Tu manqueras à chacun d'entre nous ! »
Et pour narguer tes lâches et perfides assassins, ceux qui se moquent de la lune et de la Reine de Saba, je t'offre ce poème de Gibran Khalil Gibran :
Je vivrai par-delà la mort,
Je chanterai à vos oreilles
Même après avoir été emporté,
Par la grande vague de la mer
Jusqu’au plus profond de l’océan.
Je m’assiérai à votre table
Bien que mon corps paraisse absent,
Je vous accompagnerai dans vos champs,
Esprit invisible.
Je m’installerai avec vous devant l’âtre,
Hôte invisible aussi.
La mort ne change que les masques
Qui recouvrent nos visages.
Le forestier restera forestier,
Le laboureur, laboureur,
Et celui qui a lancé sa chanson au vent
La chantera aussi aux sphères mouvantes.
Repose en paix !
Ton collègue, Mohamed Abdelmajid Ben Ahmed (Tunis)