Tunis en avril 1938, Deir Yassine en avril 1948, Gaza en avril 2018, nier son humanité à l’Autre par la violence
« Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. » (Martin Luther King, assassiné le 4 avril 1968 à Memphis)
9 avril 1938, la répression coloniale fait 22 morts à Tunis*. Les Tunisiens réclamaient un parlement et le droit de participer à la marche de leur pays.
9 avril 1948, les sionistes commettent le massacre de Deir Yassine, petit village proche de Jérusalem et assassinent 200 Palestiniens. Pour contraindre les Palestiniens à fuir afin que les sionistes puissent s’emparer de leurs terres et de leurs biens. Ce n’était pas un acte de guerre comme essaient de le faire croire les sionistes. C’était plutôt une véritable invasion. : « Ote-toi de là que je m’y mette.»
A cette époque, David Ben Gourion dut platement s’excuser auprès du roi Abdallah de Jordanie pour se dédouaner de cet épouvantable boucherie. Albert Einstein, dans The New York Times, désigne Menahem Begin, chef du groupe terroriste de l’Irgoun comme responsable du massacre de Deir Yassine. Lequel finira par recevoir le Prix Nobel de la Paix !
Les palestiniens résistent
Aujourd’hui, les snipers de l’armée israélienne tuent 30 civils désarmés et, pour faire bonne mesure, un journaliste clairement identifié Yasser Murtaja et Netanyahou félicite sa soldatesque pour avoir assassiné des enfants, des femmes et des hommes qui ne menaçaient en rien Israël. Tirés comme des canards sous les hourras des soldats israéliens (Lire Yaniv Kubovich, Haaretz, 9 avril 2018). Jamais en reste, Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense sioniste d’extrême droite, ex-videur de boîte de nuit commentant une vidéo montrant un soldat israélien tirer volontairement sur un civil désarmé déclare : « Le sniper devrait recevoir une médaille et celui qui a filmé être rétrogradé.» car « la Marche du retour » des Palestiniens est « une marche terroriste. » affirme cet homme avec s délicatesse habituelle. (L’Humanité, 11 avril 2018, p. 24). Bien qu’enfermés dans une immense prison à ciel ouvert où les matériaux de construction, l’eau, l’électricité et les médicaments notamment manquent cruellement du fait du blocus israélo-égyptien, des milliers de Palestiniens manifestaient, à l’intérieur du territoire de la Bande. L’éditorialiste du Monde (4 avril 2018, p. 22) écrit : « Il est vain et absurde d’imaginer qu’une répression sanglante et une vie carcérale produiront des résultats positifs pour la sécurité d’Israël. Sans même parler de dignité humaine. »
Israël est le terroriste
C’est sous ce titre qu’Ilana Hammerman dénonce les crimes commis par l’Etat sioniste dans un article de Haaretz (5 avril 2018). Cet article, bien qu’écrit avant les derniers drames enregistrés à Gaza, montre ce qu’endurent les Palestiniens sous la férule sioniste.
Ilana Hammerman est traductrice et écrivain israélienne de 74 ans. Elle a traduit en hébreu, entre autres, Céline, Camus, Flaubert, Nietzsche, Kafka et García Márquez. Elle a publié plusieurs ouvrages sur le national-socialisme et la littérature allemande. Elle est un bon connaisseur de l’activité littéraire dans les territoires occupés.
Dans ce court texte, elle traite de la mort de deux soldats provoquée par la voiture conduite par un Palestinien de Barta’a en Cisjordanie. Ce dernier a en outre, blessé deux autres militaires. A cette occasion, Reuven Rivlin, le président israélien a déclaré : « Nous ne permettrons pas au terrorisme de devenir réalité. »
Or, écrit Hammerman, « il y a longtemps que la terreur est devenue réalité. Et c’est l’Etat d’Israël qui lui a permis de le devenir. »
La journaliste a été à Barta’a quelques jours avant l’incident de la voiture-bélier. Elle a vu et entendu. Ce qui est arrivé, écrit-elle « est le produit de la politique actuelle de terreur suivie par toute une série de gouvernements israéliens. C’est cette politique qui précisément nourrit les actes de résistance dirigés contre elle. »
Barta’a Echarquiya est située entre la Ligne Verte et le Mur de la Honte (de séparation). Le Mur fait un énorme détour en Cisjordanie pour intégrer dans le territoire israélien quatre colonies aux noms évocateurs : Shaked (Amande), Reihan (Basilic), Hinanit (Marguerite) et Tal Menashe (Rosée de Menashe). A l’intérieur de l’enclave formée par le Mur, il y a quatre villages palestiniens dont le plus important est Barta’a Echarquiya. La journaliste note : « Toute cette enclave n’existe et ne vit qu’au bénéfice exclusif des colonies qui s’y sont installées et, à cet effet, elle s’est dotée de barrières, de checkpoints et de forces armées. Les gens qui vivent là depuis toujours se sont trouvés enfermés dans un dédale diabolique de règlements et de contraintes. Ils ne sont pas autorisés à entrer en Israël par l’ouest. Du côté de l’est, en Cisjordanie, leur espace vital naturel, ils doivent franchir deux checkpoints pour entrer ou sortir durant des horaires précis. Il faut compter alors avec la permission et le bon vouloir des soldats et des gardes de sécurité privés. Une minorité de Palestiniens est autorisée à apporter des aliments et des marchandises, en voiture, mais avec des restrictions, en passant aux checkpoints. Les Palestiniens vivant en dehors de l’enclave, qui sont des membres de la même nation et qui sont souvent des parents, ne sont pas autorisés à entrer – à moins qu’ils ne soient en possession d’un « permis spécial ».
Et ce n’est pas tout !
« Les agriculteurs se sont trouvés coupés de leurs terres et se sont vus dans l’obligation de demander un permis spécial. Ils doivent entrer et sortir par des portails dédiés spéciaux et à des heures déterminées pour pouvoir aller travailler leurs champs. Les colonies de Hermesh et de Mevo Dotan sont aussi situées en Cisjordanie mais en dehors de cette enclave. Il n’en demeure pas moins vrai que, pour chaque implantation, pas un mètre carré de terre n’appartient à l’Etat d’Israël. Ces colonies sèment la confusion et interrompent la vie des villages palestiniens d’une manière telle qu’un citoyen libre peut difficilement imaginer. » écrit la journaliste israélienne qui ajoute : « C’est la réalité dans ces villages. C’est une terreur dont l’Etat d’Israël est seul responsable. Car la confiscation des terres à grande échelle, les restrictions de la liberté de mouvement, les démolitions de maison, l’imposition de couvre-feu et la fermeture des accès, la construction d’innombrables murs et de barrières et le déploiement de forces armées jusqu’aux dents dans le cœur même de la population civile palestinienne ne sont rien d’autres que de la terreur exercée par l’Etat d’Israël. Rien que pour protéger des civils israéliens qui se sont installés par la force au milieu des populations palestiniennes. Tout cela n’est rien d’autre que de la terreur, en d’autres termes, une véritable guerre contre des civils sans armes et sans défenses. »
L’écrivaine évoque alors que la résistance admirable de la jeune Ahed Tamimi (Site de Leaders, 2 février 2018) du village de Nabi Salah. Ahed a giflé un militaire qui a fait intrusion chez elle et elle a été condamnée, à huis clos, à huit mois de prison. Le soldat giflé n’était là que pour protéger la colonie de Halamish qui s’est effrontément incluse –en voyou- profondément en terres palestiniennes. Ce qui a donné lieu à des attaques au couteau à Hébron, à des checkpoints, contre des soldats protégeant des colonies violentes et arrogantes; attaques qui ont valu exécution immédiate à leurs auteurs, deux jeunes filles. Ces colonies ont été à l’origine d’expulsion de dizaines de milliers de civils palestiniens. Les colons infligent sans cesse de mauvais traitements à ceux des Palestiniens qui survivent comme l’a fait Elor Azaria (Site de Leaders, 5 décembre 2017) par exemple, en déchargeant son arme dans la tête d’un Palestinien blessé à mort et gisant par terre.
L’état du peuple juif de la Méditerranée au Jourdain
Ces situations conduisent à des manifestations au cœur des villes comme à Jéricho, Bethléem ou dans les environs de Beit Oumar. Les manifestants n’ont que des pierres et des pneus pour affronter des soldats armés de mitrailleuses lourdes, des grenades assourdissantes et des lacrymogènes. Ces soldats envahissent les communautés de jour comme de nuit. Ils blessent et tuent ceux qui résistent ou qui fuient. C’est ainsi qu’un jeune de Barta’a en vient à tuer deux soldats et à blesser deux autres qui ne sont là que pour protéger des colonies généreusement construites au nord et au sud de son village où l’on vit les uns sur les autres et qui subit une véritable strangulation économique et humaine.
« Les actes de ces jeunes gens, est-ce de la terreur ? » demande la journaliste israélienne qui répond : « Non, ceci est une lutte désespérée de la part d’individus et de groupes qui, dès leur premier vagissement à la naissance, n’avait aucune chance contre une armée mille fois plus forte qu’eux. Et, au fait, que défend cette armée ? La sécurité d’un pays ?
Non.
Elle défend le choix des gouvernements israéliens d’imposer par la terreur « l’Etat du peuple juif » sur toute la région, de la Méditerranée au fleuve Jourdain. »
Et Hammerman de conclure : « J’ai tenu à éclaircir ces choses car je crois en le pouvoir des mots pour former les consciences. Ainsi que l’engagement politique parfois. »
C’est l’Etat des juifs. Amira Hass (Haaretz, 11 avril 2018) confirme et révèle que l’armée interdit aux Palestiniens d’une dizaine de villages autour de Ramallah, la route principale 450 quand les colons prient. Ces derniers ont posté des affiches ainsi libellées : « Cette zone où vous vous trouvez maintenant est sous contrôle des juifs. L’entrée des Arabes y est absolument interdite. Danger de mort. »
Vous avez dit apartheid ?
Nier son humanité à l’Autre, le discriminer, lui refuser ses droits a toujours été la règle pour ceux qui ne croit qu’à la force des armes et à la violence….C’était à Tunis en avril 1938, c’est encore le cas en avril 2018 en Palestine occupée.
Netanyahou, Lieberman et consorts devraient pourtant lire les philosophes chinois.
Sun Tsu avertit : « Jamais guerre prolongée ne profita à un pays » (in « L’art de la guerre »)
Mohamed Larbi Bouguerra
* Les dirigeants de la Fédération destourienne de Bizerte, Habib Bougatfa et Boubaker Bakir, sont immédiatement arrêtés juste après les obsèques des fix victimes Bizerte (Edition spéciale du journal du parti « L’Action » le 10 avril 1938)