Mounir Beltaifa: Entre Humanités et Technologies, Pourquoi ne pas prendre les deux !
Au nom de la citoyenneté et pour la transparence qui est au centre de nos préoccupations en 2018, nous nous devons de :
- sensibiliser nos citoyens, nos syndicats/patronats, nos institutions, nos élus et nos gouvernants aux défis majeurs auxquels nos sociétés seront de plus en plus exposées avec l’accélération des développements technologiques et notamment la robotique et l’intelligence artificielle
- et engager le dialogue ouvrant la voie à de nouvelles pistes de solutions, pour les individus et les entreprises mais aussi pour l’Etat et la Nation.
Si nous voulons remettre le bien-être des Tunisiens en ligne de mire, nous devons gagner en capacité d’innovation, ce qui passe par la « qualité de la mise en mouvement de nos intelligences, qui est induite par nos énergies émotionnelles » selon RavisSens.
Omar Aktouf disait « Plus on est efficace économiquement (ou plutôt financièrement, dans la multiplication de l’argent), plus on perd du sens (milliers de licenciements malgré de méga bénéfices nets) et plus on sacrifie l’intérêt général (l’éducation, la santé, la justice, l’environnement, la paix sociale… notamment par les transferts de services du public affaibli vers le privé souvent plus cupide que professionnel). Depuis que nous sommes dans l’économie du savoir et de la connaissance, on n’a jamais aussi mal éduqué et enseigné… on a transformé les institutions d’éducation en institutions de formation d’employables ou serviteurs du système (des bipèdes pensants, dont on n’attend rien de plus que le maintien d’un système de démultiplication de l’argent pour le bénéfice d’une minorité, qui finissent par défendre le système qui les a abrutis !) ».
Depuis 2015, Marc Halévy annonçait que « 40% des tâches automatisables et des emplois mécanisables allaient disparaitre » dans la décade suivante. Les politiciens qui avaient du mal à affronter un chômage entre 10 et 15% devront trouver des solutions pour un chômage qui progresse vers les 50% ! L’impact de la technologie de demain sur nos métiers d’aujourd’hui est bien plus qu’une question technique ou organisationnelle, c’est désormais un sujet Politique.
Dans « La guerre des intelligences » Laurent Alexandre affirme qu’avec les progrès annoncés de l’intelligence artificielle :
- « nos petits enfants n’iront plus à l’école », ce qui peut être pris pour une provocation alors qu’il annonce juste une transformation par la technologie de nos modes d’apprentissages à tous les âges et de ce fait de nos pédagogies, de nos outils et de nos organisations dédiées à l’éducation nationale, à l’enseignement supérieur et à la formation continue et/ou professionnelle…
- « les médecins de demain seront les infirmiers d’aujourd’hui », avec des ordinateurs qui balaieront en quelques secondes des milliards de cas pathologiques avec les traitements prescrits et les résultats obtenus alors que les plus chevronnés des médecins ne sauraient mémoriser plus que des milliers de cas ce qui rendrait leurs diagnostics et prescriptions moins fiables, moins rapides et plus chers que ceux faisant appel à la technologie.
- Les magistrats et avocats les plus chevronnés seront de loin moins performants que des ordinateurs en mesure de compiler en quelques secondes les codes et jurisprudences de tous les pays. Ceux qui sauront faire bon usage de la technologie seront moins nombreux, traiteront chacun beaucoup plus d’affaires et devront facturer moins cher leurs taux horaires…
Nous faisons de plus en plus d’achats sur internet et même quand nous nous déplaçons dans la plupart de nos grandes surfaces, nous sommes de plus en plus nombreux à passer dans les caisses automatiques sans devoir faire la queue devant une caissière !
A défaut d’une bonne approche du problème et à fortiori des esquisses de solutions, certains se contentent de faire l’hypothèse que la technologie va détruire des emplois pour en créer d’autres, sans se soucier des proportions ni des catégories et encore moins des formations nécessaires pour passer tout ou partie des professionnels d’emplois menacés vers les nouveaux emplois demandés !
Combien de temps encore nos modèles d’Etat et de solidarité sociale vont-ils tenir alors qu’ils sont déjà mal en point à des degrés divers selon les pays ?
- Que les citoyens en bonne santé cotisent pour couvrir les dépenses de santé des malades, ça marche tant qu’il y a beaucoup plus de citoyens bien portants, actifs et cotisant en volume !
- Que les travailleurs cotisent pour couvrir les dépenses de ceux au chômage ou à la retraite, ça marche tant qu’il y a plus de travailleurs cotisant en volume que de chômeurs et retraités !
- Que les impôts financent l’infrastructure, l’éducation, la justice, l’ordre intérieur, la défense extérieure et le reste de l’administration de l’Etat, ça marche tant qu’il y a plus de redevables contributeurs et consommateurs en grands volumes que d’exonérés et de fraudeurs !
Il va de soi que ces équilibres sont désormais menacés et dans certains pays instables, d’autant plus avec l’accélération de la concentration des richesses dans les mains d’une minorité !
Si nous restons focalisés sur comment gagner les prochaines élections pour certains ou comment gagner 2 à 3 points de croissance pour d’autres, nous serions pris de court par cette évolution sociétale inéluctable qui nous attend d’ici demain (entre une et trois législatures max). En effet, les horloges politique, législative, exécutive, judiciaire… étant bien plus lentes que les horloges des innovations technologiques maîtrisées par quelques acteurs américains et chinois, il est temps pour nous de nous poser ces questions existentielles pour notre nation et à des degrés différents pour le reste de l’humanité.
« Quel impact des technologies de demain sur nos métiers d’aujourd’hui » est le thème retenu par CONECT pour la conférence/débat du 5 avril prochain à Paris, avec les contributions de :
- Jamel Gafsi, Président et DG Microsoft Engineering Center à Paris,
- Chekib Gharbi, DG Centre d’Innovations des Technologies sans Contact à Lille,
- Mohamed Karouia, Directeur des Systèmes d’Information du Groupe Safo,
- Vanessa Montoussé, Directrice de RavisSens à Paris.
Comment mieux vivre ensemble en bonne intelligence demain si un humain sur deux n’a pas d’emploi rémunéré, si pour encourager l’investissement l’état exonère et détaxe à tout va, si la santé, l’éducation, la paix et la justice ne sont plus qu’à la portée d’une minorité de riches ?
Bien au-delà de nos intelligences rationnelles pour les affaires et en politique, il nous faudra puiser dans nos autres formes d’intelligences et libérer nos énergies émotionnelles, clés relativement peu utilisées pour l’essor de la créativité, laquelle avec le travail collaboratif conditionne l’émergence de l’innovation, dans l’entreprise, mais aussi dans nos institutions publiques, financières, associations…
Il est rassurant de constater que de nombreux tunisiens ont individuellement pris conscience de la détresse de la société et de cette évolution inéluctable et se sont intéressés ou impliqués dans le développement humain (PNL, coaching…) en y voyant une opportunité personnelle pour générer du bien-être autour de soi, pour des individus voir des familles.
Ces initiatives individuelles admirables pourront se transformer en succès collectifs quand les entreprises et les institutions prendront conscience de l’importance de cette approche et que cette dernière pourra profiter au plus grand nombre.
Notre chance est là : nos ingénieurs et mathématiciens sont parmi les meilleurs pour nous permettre de bénéficier des technologies les plus en pointe et notre humanité est notre principal capital pour que nos énergies émotionnelles et toutes nos intelligences s’activent pour nos créativités et nos innovations au service des développements dont notre Tunisie a tant besoin.
Mounir Beltaifa
PrésidentCONECT France