Mohamed Nafti: Regain d’honneur à Ben Guerdane
Lundi 7 mars 2016 vers 05h00, les unités sécuritaires implantées dans la ville ont subi une attaque terroriste d’envergure. Près d’une centaine de terroristes organisés en trois éléments d’assaut ont attaqué les installations de trois unités sécuritaires ; le poste de la garde nationale, de la police et la caserne militaire. Le gros des assaillants a choisi pour objectif la caserne militaire. L’attaque a été repoussée facilement et une contre-attaque des forces de sécurité a été conduite dans les rues de la ville pour poursuivre les terroristes et les éliminer. Vers 15h00, des stations radio commencent à relayer l’annonce de la fin des opérations militaires qui se sont achevées avec succès. Elles auront duré environ dix heures. Mais en réalité c’était la fin du premier temps de l’opération qui aurait permis aux unités sécuritaires de se réorganiser pour planifier la suite des opérations. Celles-ci devaient continuer pour quelques semaines jusqu’à l’éradication du danger.
Un observateur avisé ne restera pas sans admiration même s’il analyse à la hâte le cours des opérations de Ben Guerdane en ce lundi 7 mars 2016. A l’aube, et juste après la prière du Fejr, des groupes terroristes armés attaquent les unités des forces de l’ordre stationnées dans la ville. A cette heure, il n’y a que les éléments de la garde qui sont éveillés et ils ne sont pas nombreux. Les assaillants ont cherché la surprise, un facteur très important dans l’attaque, considéré aussi comme un multiplicateur de combat, qui pourrait compenser l’infériorité numérique. Face à des troupes mal entraînées, au moral bas, sans courage et sans commandement valable, une garnison attaquée par surprise à l’aube essuiera d’énormes pertes en vies humaines. Ce n’était pas le cas de la garnison militaire de Ben Guerdane. Ce qui l’a certainement sauvée, c’est leur sûreté immédiate bien assurée par la garde, la discipline de ses hommes et la qualité des chefs sur le terrain. Ce sont là des qualités d’une troupe professionnelle. Et il ne faut pas oublier le facteur déterminant pour éviter un massacre et une défaite cuisante qui est le renseignement. L’unité militaire a dû bénéficier d’un renseignement en or les prévenant d’une attaque imminente, car sans cet élément aucune troupe ne pourrait réagir d’une manière adéquate. Encore faut-il l’exploiter à bon escient ? Il ne faut pas oublier qu’à Henchir Tella le 16 juillet 2014, les positions militaires étaient aussi averties de la probabilité d’une attaque imminente. Cette fois, la leçon était bien retenue.
Le deuxième constat qui mérite autant de respect est ce souci de sécurité qui tend à préserver la vie des soldats. A armes égales, notre soldat doit prendre le dessus sur un terroriste. Il n’est pas permis de perdre un duel ouvert avec un terroriste. Un bon soldat doit se vanter, non de mourir en martyr en face d’un terroriste, mais de le tuer avant même qu’il n’appuie sur la gâchette. Dans ce domaine, un grand progrès est constaté chez les combattants militaires de notre armée et ceci incite à la considération.
Le troisième mérite et non des moindres, c’est la rapidité de l’action entreprise par les forces de sécurité pour éliminer le danger. C’est là aussi une autre caractéristique du professionnalisme de nos unités. Le plan simple et efficace qui a consisté en un verrouillage des périphéries de la ville, pour ne laisser aucun terroriste s’échapper, un quadrillage systématique de la ville pour localiser chaque assaillant et enfin l’élimination de chaque terroriste identifié. C’est le mécanisme idéal pour le combat en zone urbaine qui se résume en trois termes de mission : isoler, localiser et traiter. Le plan semble marcher à merveille et c’est la raison pour laquelle cette opération n’a pas duré longtemps. Un autre signe de mérite pour les forces de l’ordre déployées à Ben Guerdane réside dans leur esprit de coopération. On constate une grande entente dans leur action. Le policier coude à coude avec le militaire dans l’approche, les Forces spéciales de l’armée et celles de la Garde nationale côte à côte durant l’assaut de l’objectif, ce qui dénote une grande cohésion gagnée au prix d’une longue période d’instruction commune. Enfin pour conclure, le résultat est probant. Les terroristes sont éliminés et la ville est hors danger. La fin justifie les moyens et les pertes. L’honneur des forces de l’ordre est sauvé. Le pays sort plus fort que jamais. Et ces groupes terroristes doivent maintenant réfléchir cent fois avant de s’attaquer à nos forces.
Mais ce qui a merveilleusement surpris la majorité des Tunisiens, c’est aussi le comportement des citoyens, des habitants de Ben Guerdane qui ont montré encore une fois un patriotisme sans égal. Personne n’a sollicité leur assistance, au contraire les appels incessants de la police incitaient les habitants à rester chez eux durant les affrontements qui se déroulaient dans les rues de la ville. Beaucoup sont sortis pour encourager les forces de l’ordre et les aider. Ils ont montré aux terroristes qu’ils sont les meilleurs patriotes du monde arabe et qu’ils sont prêts à défendre le pays aux côtés des forces de l’ordre à n’importe quel prix. On ne peut que saluer l’attitude des braves habitants de Ben Guerdane.
Un grand encouragement aux forces de sécurité pour leur réaction très honorable n’occultera pas une critique des responsables du renseignement stratégique et opérationnel. En effet, les unités de sécurité stationnées dans le périmètre de la ville de Ben Guerdane ne pouvaient pas prévoir l’attaque. Elles étaient certes vigilantes et ont très bien réagi face au danger survenu. Les meilleures forces ne pouvaient pas faire mieux face à une surprise de la sorte. Mais c’est aux responsables du renseignement qu’incombe la tâche de déceler les intentions, les lieux et les dates des attaques. Il est urgent de remédier à ces lacunes.
Le comportement des forces de sécurité et en particulier des unités de l’armée nationale mérite beaucoup de respect et de considération. Leur réaction est une preuve de regain d’honneur après les dures périodes de frustration. Aujourd’hui, les forces de sécurité méritent un large encouragement pour leur bravoure sur le champ de bataille à Ben Guerdane.
Extrait du livre «Conjecture du terrorisme en Tunisie » de Mohamed Nafti
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