Malek Ben Salah: L’agriculture est en péril Sauvons ce qui peut l'être… Le bilan se fera plus tard!
Nombreux sont aujourd'hui, ceux qui parlent des prix élevés de nos légumes et fruits, de l'insuffisance de la production et des tours de passe-passe des intermédiaires; du manque de pluie et des champs de céréales qui n'ont même pas levé; des mortalités d'oliviers plantés dans certains sols inappropriés à leur culture; de l'absence de rentabilité du lait alors que rares sont les élevages de laitières qui se font avec la compétence nécessaire; de la baisse de la fertilité quasi généralisée de nos sols du Nord au Sud du pays; de l‟épuisement des nappes phréatiques suite à leur surexploitation effrénée par des ‟investisseurs‟ qui veulent rentrer rapidement dans leurs frais, ou tout simplement par de petits agriculteurs qui nont pas d'autres ressources pour vivre que leurs exploitations grandes comme un mouchoir de poche…. Mais, on ne parle pas d'ex-éleveurs d'animaux qui utilisaient les productions fourragères de leur exploitation, moins chères, amadoués par des ‟concentrés‟, apparemment faciles à acheter chez des fabricants, sauf que ceux-ci ne connaissent même comment calculer une ration de bétail au coût le plus bas possible à valeur fourragère égale; on ne parle pas du coût de revient, qui grimpe à vu d‟œil, de toutes les productions agricoles faute de maîtrise du coût des intrants importés, des surcoûts atteints par des ressources naturelles mal employées (eau, sol, biodiversité…), des prélèvements de certains intermédiaires/parasites; on ne parle pas des conséquences de la ‟soi-disant amélioration de nos exportations d'agrumes ou de dattes‟ qui sont produites par une eau de plus en plus rare à partir de nappes épuisées ou en cours d'épuisement…; on ne parle pas du revenu de l'agriculteur qui doit gagner sa vie comme tout autre citoyen; on ne parle pas de ‟l'exploitation agricole‟ qui, en devenant rentable, permet le réinvestissement dans l'agriculture et son essor tout comme ‟l'entreprise industrielle‟ qui est à la base de l‟essor du secteur industriel; on ne parle pas du nécessaire retour à une plus grande clairvoyance du producteur dans l'exploitation de nos ressources naturelles, et du rôle de veille de l'Etat pour ne pas arriver à leur disparition…; on ne parle pas et on n'évalue pas les résultats de la recherche avant d‟opter pour une réorientation de tous ces programmes vers cet immense problème de ‟changements climatiques‟ qui bouleverse presque toutes les connaissances du scientifique et le savoir-faire de l'agriculteur le plus aguerri; enfin on ne parle pas du ‟Comment tirer profit de nos anciens mieux expérimentés par la vie, ou de ‟l'Extérieur‟ avec ses ‟chercheurs qui trouvent‟ comme dans cette mémorable boutade, bien tournée mais un peu méchante, et attribuée au général de Gaulle en 1965 à propos du CNRS: “Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche.”!
Mais trêve de plaisanterie, il est largement temps de comprendre que notre agriculture, supposée ‟NOURRIR LE TUNISIEN‟ comme l'aurait pensé tout bon citoyen, mais qu‟en fait, ni l'Etat, ni aucune de nous, ne l'aurait mise sur les rails d'une feuille de route aussi pertinente et justifiée.
A qui la faute?
Sans oublier que l'Etat est le premier à n'avoir pas joué son rôle de locomotive ni hier ni aujourd'hui; la faute en incombe à tous! aussi bien aux cadres universitaires d'abord, qu'ils soient dans l'administration ou dans ses organismes satellites qui pullulent…; la faute appartient à tous les politiques qui, malgré qu'ils aient bien compris qu'ils ont mis le pays en faillite par leur chronique incompétence qui a tout saccagé, et qui restent, par égoïsme pour ne pas être méchant, rattachés à des fauteuils immérités alors qu'ils ne représentent plus ni leurs folkloriques partis, ni leur région et encore moins le peuple Tunisien.
A vous autres donc agronomes, agriculteurs, éleveurs, hydrologues, pédologues, zootechniciens, vétérinaires, hydrauliciens, pastoralistes, forestiers, juristes, développeurs, agroéconomistes, ordres professionnels ou libéraux de tout genre, syndicats, administrateurs…; et après un si lourd sommeil, de battre le tambour, l'heure du réveil a sonné pour retrousser les manches, pour éveiller ‟la Valeur Travail‟ qui sommeille en chacun et faire votre devoir, aussi limité soit-il et en toute conscience … pour sauver ce qui peut être encore sauvé.
Je sais qu'on manque d'un tas de chose; mais rappelons nous de ce hadith (Le Hadith est la parole de notre Prophète Mohammad):soit
‟إذا قامت الساعة وفي يد أحدكم فسيلة فليغرسها ‟
‟Si le Jour Dernier se lève et que vous avez entre les mains une pousse de palmier, plantez le»
C’est-à-dire: qu’il n’est jamais trop tard de bien faire!
En m'excusant auprès de ceux dont l'orgueil refuse tout conseil, je dirais quand même: Que chacun donne donc de l’espoir à ce secteur, à cette jeunesse, à cette
population, à ce pays …! Que chacun, seul ou en groupe, contribue à sauver ce qu’il peut, à créer de l’emploi, à produire de la richesse; le bilan se fera dans dix
…, dans vingt ans; les obstacles sont nombreux, mais ce n’est pas grave, on les surmontera par le travail…; l’essentiel c’est d’être actif et réactif dès aujourd’hui et de planter le palmier que vous avez entre les mains! Demain, il sera grand et fructifiera!
Malek Ben Salah
Ingénieur général d‟agronomie, consultant indépendant,
spécialiste d‟agriculture/élevage de l‟ENSSAA de Paris