Mégaprojet de développement du Sahara tunisien: Une grande ambition réalisable?
Et si on dupliquait et développait davantage l’expérience réussie de Rjim Maatoug à grande échelle au sud du Sahara tunisien ? Un mégaprojet structurant et multi-composantes qui s’étend sur 30.000 km2, dans la zone sud du gouvernorat de Tataouine (Remada - Borj El Khadhra) et qui va être élargi aux gouvernorats de Kébili et Médenine, dédié au développement des énergies renouvelables, de l’agriculture biologique et du tourisme saharien ainsi qu’un centre international d’application pour les nouvelles technologies. Le projet est ambitieux et son concept innovant.
Le projet pilote, lancé il y a 27 ans par le ministère de la Défense nationale à travers l’Office de développement de Rjim Maatoug, avec l’appui de divers départements concernés, a apporté ses preuves et livré des enseignements précieux. Plus de 2 500 ha irrigués productifs en plein désert, profitant directement à 1 568 familles (7 000 habitants), des centaines de milliers de palmiers dattiers produisant de savoureuses dattes Deglet Nour, cultures maraîchères et élevage... Infrastructures routières, nouveaux villages, écoles et commerce de proximité en plus. La lutte contre la désertification, le renouvellement de vieilles oasis et la baisse de la température durant les mois de fortes chaleurs s’ajoutent en atouts de valeur. Le retour sur investissement est édifiant.
Autant d’acquis qui ont incité à concevoir ce mégaprojet à même de faire de la zone, jusque-là inhabitée, sauf par des nomades, et inexploitée, un gisement de nouvelles richesses, un levier du développement durable, une source de création de nouveaux emplois. Le lancement d’activités économiques suscitera une nouvelle dynamique et favorisera l’intégration de la région dans le circuit national.
Cinq zones, trois phases d’ici 2035 et une forte détermination
Conçu en trois grandes séquences à réaliser d’ici 2035, le projet est fondé sur le développement en priorité de cinq grandes zones: Remada-Borj Bourguiba, Dhehiba, Makhrouga-Oued Zer, El Borma et Borj El Khadhra. Il faut voir de près la carte de Tunisie pour bien situer chacune de ces zones et réaliser la pertinence de leur choix. La toute première séquence (2018 - 2020) permettra la réalisation de la première tranche de la route reliant Remada à El Borma, la connexion aux réseaux électrique et téléphonique, l’aménagement de 5 000 ha de terres agricoles et l’installation de stations solaires d’une capacité de 100 à 200 MW. Lors de la deuxième séquence (2021 - 2025), la capacité de production d’énergie solaire additionnelle sera renforcée de 500 MW, les tronçons restants de la route El Borma - Borj El Khadhra finalisés, tout comme la connexion au réseau électrique, alors que 15 000 nouveaux ha agricoles seront aménagés. La troisième séquence (2026 - 2035) sera marquée par l’aménagement de 30 000 ha de terres agricoles, la production de 1 000 MW d’énergie solaire et l’amélioration de la route reliant Remada à Tataouine.
La disponibilité de l’eau en réserves abondantes à une profondeur de 400 à 600 m constitue un facteur important. Actuellement, la nappe exploitée par la Sitep dans son champ d’El Borma, depuis les années 70, offre un débit allant jusqu’à 30 000 m3 par jour. Cette même nappe est utilisée dans l’irrigation de l’oasis d’E Borma, sa salinité ne dépassant pas les 4 g par litre. La composante touristique est importante. Il s’agit d’implanter des unités hôtelières et d’activités de loisirs typiques, d’établir des circuits touristiques et culturels adaptés, de valoriser le patrimoine local et l’artisanat et de tirer bénéfice des paysages exceptionnels. Cet univers naturel saisissant peut servir de cadre bien approprié pour le tournage de grands films à l’instar de La Guerre des étoiles. Aussi, les richesses naturelles encouragent la création de zones protégées pour préserver des espèces très rares et promouvoir la diversité écologique.
Les premières études d’ensemble sont d’ores et déjà prêtes et le calendrier général d’exécution est fixé. Il va falloir se pencher à présent sur les études détaillées, l’identification des partenaires et la recherche des financements. Les partenaires traditionnels parmi les pays européens (Italie, France, etc...) ainsi que l’Union européenne ont déjà manifesté leur intérêt pour le projet. Un long processus s’engage et doit aboutir.